Le fisc face aux secrets de l'arène

Depuis quelques jours, il est fait état de documents envoyés à certains lutteurs, dont les ténors Yékini et Tyson, par le fisc pour les pousser à, désormais, payer leurs impôts. Une situation qui en plus de soulever beaucoup de débats et de commentaires dans l'arène lève aussi un coin du voile sur certaines pratiques qui ont court dans l'arène, dont le fait de publier des cachets loin des réelles sommes versées au niveau du Cng, les dessous-de-table, la nébuleuse autour du contrat de sponsoring ou les fausses déclarations de certains promoteurs sur les recettes gagnées par ci et par là.

« Au niveau du Cng, on n'a en tout cas jamais vu un contrat de 100 millions de Fcfa depuis que nous sommes là. Pourtant à chaque fois on entend des promoteurs annoncer ouvertement qu'ils ont payé à tel ou tel autre lutteur cette somme-là ou plus ».

Ces propos noyés dans les réponses de Cheikh Tidiane Ndiaye, le vice-président du Cng de lutte, vendredi passé lors de la rencontre télévisée mettant en vedette Tyson, Yekini, le promoteur Gaston Mbengue, le Cng et la Presse, mériteraient bien d'être étudiés et bien décryptés.

Ce qui permettrait à bien des égards de se rendre à l'évidence par rapport à certaines questions ou interrogations qui voilent l'arène sénégalaise. Et à y voir de très prés, ils n'en manquent pas. Mais, s'attarder sur ce point précis pourrait permettre de comprendre un certain nombre de faits dans cette arène bien sénégalaise.

D'abord qu'est ce qui a bien participé à faire aujourd'hui de la lutte le sport le plus populaire au Sénégal avec des stades remplis, mais de plus en plus de jeunes qui laissent armes et bagages et font de la lutte leur seul métier ? Bien sûr et sans se faire d'illusions, l'argent. Beaucoup d'argent même.

« Depuis plus de dix ans, le flot d'argent déversé dans l'arène dépasse de loin, les investissements dans toutes les autres disciplines ou mêmes dans certains secteurs d'activités importants dans notre pays » soutenait récemment un spécialiste des finances dans une radio de la place. À juste raison.

Mais de quelle arène parle ce spécialiste ? En tout cas cet agent tant clamé n'a pas transité par les comptes du Cng. Parce que simplement, jamais certains promoteurs n'ont véritablement informé sur les vrais cachets payés. À comprendre donc que les transactions ont été faites loin de la structure en charge de gérer la lutte et qui doit pourtant avoir un œil sur toutes les transactions avant chaque combat.

Aujourd'hui, face à la fouille entreprise par le fisc, l'on se rend compte de plus en plus que les signatures des contrats en elles-mêmes posent problème. Les sommes déclarées au Cng sont de loin inférieures aux véritables montants reversés aux lutteurs.

Redressement fiscal impossible ?

Par exemple, pour le cas Tyson contre Yekini d'il y a quelques jours, le promoteur qui avait ouvertement déclaré «, ' j'ai payé 100 millions de Fcfa à chacun des deux lutteurs» n'aurait pas pourtant versé une telle somme dans les comptes du Cng. Si l'on s'en réfère toujours aux propos du responsable de la structure en charge de la lutte.

Ainsi, combien de combats ayant tenu en haleine le public et les amateurs ont donc été annoncés avec des cachets loin de la réalité ? Dès lors, pour l'économiste Moubarak Lô « il serait injuste de procéder à la rétroactivité pour ne pas dire un redressement fiscal sur deux, trois ans ou même moins ».

Le mieux, à l'en croire, « serait de procéder à une application du système fiscal à partir de 2010 ou 2011 afin que tout le monde soit préparé à cet exercice ». Une considération qui devrait prendre en compte la logique impliquant du début à la fin le Cng qui en retour aura comme mission d'informer les autorités sur la réalité en question.

À cet effet, il ne s'agira plus de laisser planer le doute sur « une certaine facture non décernée par le marabout pour des pratiques mystiques ou autres du genre ». L'impôt étant désormais directement tiré à la source sans que les lutteurs ne puissent être directement concerné ou indexé par le fisc. Comme c'est actuellement donné.

Le contrat de sponsoring : la vraie nébuleuse de l'arène

Pour un combat donné, le promoteur manifeste sa volonté, discute avec les deux staffs et, s'ils tombent d'accord, donne rendez-vous aux deux managers devant le siége du Cng pour parapher le contrat et verser les avances.

Mais, tout en prenant le soin de laisser entre les mains du Cng (du secrétaire administratif) le reliquat qui devra être restitué aux deux lutteurs 48 heures après le combat. Mais si jusque-là tout semble « clair », il reste que les tractations dans les couloirs ou chambres noires cache beaucoup de secrets. Des tractations qui ont pour nom contrat de sponsoring.

Comme son nom l'indique c'est un contrat qui ne concernant ni les deux lutteurs directement dans le fond, ni le Cng, oppose le promoteur et le sponsor. Ces derniers, dans le cadre d'un contrat publicitaire signent un pacte dans le but de rendre visible tel ou tel autre produit en marge de ce combat. Soit en termes de publicité à la télévision, de spots et de plaques exposées dans l'arène.

Mais, si de moins en moins les promoteurs respectent leurs engagements en termes de contrat de sponsoring, par le passé certaines situations avaient démontré que « la nébuleuse était là». Certains lutteurs peuvent être abusés par des promoteurs. Et jusque-là le Cng ne peut rien faire en cas de situation litigieuse. Aucun des deux parties ne l'ayant contacté pour cette procédure.

Une affaire qui risque de compliquer la tâche du fisc dans sa quête de redressement fiscal entrepris auprès de certains lutteurs. Et si on y associe les dessous-de-table qui commencent de plus en plus à gangrener l'arène, avec des managers de lutte ou autres intermédiaires qui de connivence avec les promoteurs lient ou délient certaines grandes affiches dans l'arène, le cocktail ne peut être qu'explosif.