Vainqueur dimanche au Stade Demba Diop, «Gris Bordeaux» a encore ravi la vedette à «Lac de Guiers», hier lors de la conférence de presse d’après-combat. L’enfant de la Médina rêve de poursuivre sa carrière en grand, mais à l’ombre de Tapha Guèye qui reste son mentor au sein de l’écurie de Fass.
Brusquement, la voix rauque d’Hyppo Ngari retentit au fond de la salle Saly Portudal de l’hôtel Novotel pour briser le calme olympien qui gouvernait les lieux. Car, l’intarissable micro-central de l’arène, qui avait jusque-là rangé sa langue pendue au fond de sa bouche, emplit l’atmosphère pour annoncer l’arrivée de «Gris Bordeaux». Comme lors de son après-midi glorieux de Demba Diop, il a été accueilli hier par une salve d’applaudissements des supporters fassois qui nagent encore dans l’euphorie victorieuse du 17 décembre dernier. Emmitouflé dans un grand boubou bleu-ciel, l’enfant de la Médina se lance dans une longue étreinte avec «Lac de Guiers», avant de présenter ses excuses à l’assistance après avoir accusé plus de deux heures de retard. Pas feutrés, mine patibulaire, il rejoint ensuite la table de conférence déjà peuplée de Alioune «Petit» Mbaye, Cheikh Tidiane Ndiaye (Vice président du Cng), «Lac de Guiers», Malal Ndiaye (Pikine) et d’Abdou Diouf (Walo) qui étaient déjà sous les feux médiatiques depuis quelques minutes. «Gris Bordeaux», «banane» de vainqueur, n’aura pas le temps d’essuyer la sueur qui dégoulinait sur son visage que déboulent les sollicitations des journalistes, avides d’en savoir sur ses prochains adversaires dans la «Cour des grands» où il est désormais promu. Avec une voix nasillarde, mais très posée, le lieutenant de Tapha Guèye coupe net et déploie une langue en bois massif : «Je ne demande aucun adversaire. Ce sont les promoteurs qui viennent vers mon staff pour monter l’affiche. Je suis prêt à lutter avec n’importe quel lutteur. Je ne vais pas prononcer de noms.»
Sa victime de dimanche, «Lac de Guiers» a des prétentions moins tendues vers la gloire, plus versées dans la quête d’une retraire sans souci. Vêtu d’un tee-shirt blanc et d’un jean noir qui laisse deviner sa musculature saillante, le chef de file de l’écurie Walo affiche sans pudeur ses ambitions pécuniaires dans l’arène. Son dernier revers vient davantage zigzaguer sa longue marche sanctionnée de 17 combats pour 11 victoires, 5 défaites et un nul, mais le Walo-Walo tient encore à se courber pour (r)amasser le maximum de «briques» dans un «business» qui en abonde. Histoire d’assurer son lendemain et celui de sa fratrie qui fonde toutes ses espérances sur lui. «Time is money (le temps, c’est de l’argent), mâche-t-il. En moins de trois minutes, tu peux te retrouver avec des millions. Je veux vraiment continuer à lutter d’ici deux ans pour gagner le maximum d’argent et garantir mon avenir», avoue-t-il. Conscient qu’il lui faudra désormais se retourner pour apercevoir l’apogée de sa carrière.
Contrairement à Birane Diop (36 ans), juste soucieux de ramasser le pognon dans les derniers souffles de sa carrière, «Gris-Bordeaux» rêve de poursuivre sa marche glorieuse. A 25 ans, il est promis à un bel avenir, car sa force juvénile et son physique épatant lui serviront sans nul d’armure fiable dans son ascension vers les «Seigneurs» de l’arène. «Je m’entraîne tous les jours comme un fou pour aller loin dans ma carrière et le plus rapidement possible. Je veux faire de la boxe et toutes les choses qui me permettront de progresser. Je suis conscient que pour devenir un grand lutteur, il faut battre des champions», lance le futur «Tigre de Fass».
Car aujourd’hui, l’avenir voire le présent de Fass a une couleur : «Gris Bordeaux». «Tigre» incontesté jusque-là, Moustapha Guèye approche inéluctablement la fin de son long cycle. Et l’école la plus réputée de la lutte sénégalaise se trouve incontestablement devant le dilemme, piégé entre le sentiment de devoir lustrer le passé (Tapha Guèye) et l’obligation présente de s’ouvrir à la gloire de «Gris». Mais, l’intéressé s’émeut de la prétendue dualité, avant d’évacuer la question sous une longue ovation des supporters de Fass, peut-être rassurés par ses déclarations. «Je suis derrière Moustapha Guèye qui représente beaucoup de choses pour moi. Plus que mes frères et sœurs. Moralement, je n’allais bien quand je ne l’ai pas vu lors de la préparation du combat. Après son retour, j’ai été plus serein et calme dans les trois semaines qui ont précédé le choc», arrête l’enfant de la Médina. N’empêche, il va continuer de «travailler comme un fou» pour hériter du trône, si le grand «Tigre» arrive à ranger son Nguimb d’or au fond du panthéon de Fass. «Mon staff me dit une chose : Entraînes-toi. Je suis en train de bosser. Après sa retraite, je serai peut-être le Tigre de Fass. Mais pour le moment, Moustapha Guèye est le seul Tigre de l’écurie de Fass», tranche définitivement «Gris Bordeaux». Dans tous les cas, il est incontestable que les deux sommités de Fass n’auront sans doute plus les mêmes profils de carrière. L’un servira d’escalator aux jeunes loups et l’autre poursuivra son ascension vers les cimes de l’arène.
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