"Beaucoup de gens vont mourir": le gel de l'aide américaine, mettant notamment en suspens l'accès à des traitements dont dépendent des millions de personnes, a semé un vent de panique sur le continent africain.
Le président Donald Trump a ordonné peu après son investiture la suspension de tous les programmes d'aide étrangère des Etats-Unis pour une durée de 90 jours, à l'exception de l'aide alimentaire d'urgence, ainsi que de l'assistance militaire pour Israël et l'Egypte.
Les États-Unis sont de loin le premier donateur mondial d'aide étrangère en termes de montant, et l'arrêt brutal de cette manne a provoqué une onde de choc.
Parmi les programmes concernés figure Pepfar, un important programme de lutte contre le VIH/sida lancé par l'ex-président George W. Bush, dont dépendent directement plus de 20 millions de personnes vivant avec le VIH.
Sa suspension laisse "des millions de personnes en danger", a averti dans un rapport la fondation américaine contre le sida amfAR.
Quelque 222.333 personnes ayant besoin de se procurer des médicaments antirétroviraux contre le VIH quotidiennement n'y auront pas accès chaque jour où le gel est en vigueur, a-t-elle précisé.
Pepfar fournit aussi actuellement un traitement antirétroviral à 679.936 femmes enceintes vivant avec le VIH, à la fois pour leur propre santé et pour prévenir la transmission à leurs enfants.
"Au cours d'un arrêt de 90 jours, nous estimons que cela signifierait que 135.987 bébés pourraient contracter le VIH", a déclaré amfAR. Qui ne seront probablement pas diagnostiqués: les services de dépistage du VIH chez les nourrissons sont également suspendus.
- "Rien ne se passe" -
"Au moment où nous parlons, rien ne se passe", a déclaré à l'AFP Aghan Daniel, chef d'une équipe de journalistes scientifiques kényans financée par l'USAID, qui fournissent des informations sur les questions de santé.
Les projets de recherche ont été brutalement interrompus, même pour les patients en cours de traitement expérimental, souligne-t-il, nommant le programme "MOSAIC", financé par le Pepfar, qui teste de nouveaux médicaments et vaccins.
"Les personnes qui étaient candidates à l'étude vont avoir des effets néfastes sur leur santé parce que l'étude vient de s'arrêter brusquement", a-t-il déclaré.
Sa propre équipe de six journalistes scientifiques a également perdu son emploi.
"Beaucoup de gens vont mourir par manque de connaissances", a-t-il déclaré. "L'une des principales approches pour faire baisser le nombre de personnes infectées par le VIH en Afrique est la diffusion d'informations."
Ca "touche notre santé (...) sans nous donner le temps de nous préparer", à l'AFP Erick Okioma, 61, un activiste dans une communauté de l'ouest du Kenya, lui-même séropositif, comparant la décision américaine à une "déclaration de guerre biologique, car c'est à propos de vie humaine"
- Question de vie et mort -
Un membre du personnel d'un programme financé par l'USAID au Kenya a déclaré que la décision de Trump avait eu l'effet d'une bombe.
"Nous aurons plus de gens qui succomberont à des maladies comme la tuberculose, le choléra", a déclaré la source.
Son association est désormais incapable de payer son loyer et les salaires, et les employés ont été placés en congé obligatoire sans solde.
Dans un bureau de l'USAID à Addis Abeba, en Éthiopie, l'AFP a vu des gens vider leurs bureaux mercredi.
Malgré les dérogations émises par l'administration, "beaucoup d'incertitudes demeurent", a déclaré un membre du personnel d'une ONG travaillant sur la sécurité alimentaire dans les zones de conflit, qui a demandé à rester anonyme.
"Qu'est-ce qui constitue un travail qui sauve des vies ? Les vaccins sauvent-ils des vies, ou les programmes de nutrition pour les personnes gravement mal nourries ?", a-t-il demandé.
"L'arrêt de certains de ces programmes, même pour quelques jours, pourrait faire la différence entre la vie et la mort pour certaines des personnes que nous aidons", a-t-il averti.
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