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Afrique

[Tribune] Macron et l’Afrique : Le bon, le moins bon et le dangereux (Carlos Lopes)

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[Tribune] Macron et l’Afrique : Le bon, le moins bon et le dangereux (Carlos Lopes)
L’exécutif français, qui accueille le sommet sur les financements des économies africaines le 18 mai, est à l’avant-garde d’un changement de discours sur le continent. Mais son approche comporte encore des angles morts, souligne l’économiste Carlos Lopes.

Il ne fait aucun doute qu’Emmanuel Macron est énergique dans sa façon d’aborder « les fondamentaux » de la relation entre la France et ses anciennes colonies africaines. Cette nouvelle dynamique, caractérisée par la volonté de changer certaines pratiques qui ont marqué la « Françafrique », appelle notamment au dépassement du prétendu pré carré pour embrasser l’ensemble du continent.

Les moins attentifs seront excusés de se perdre tant les fronts ouverts sont nombreux. Du  débat sur le retour des objets d’art aux échanges structurés avec des penseurs africains « rebelles », de l’ouverture des archives sur des sujets sensibles (comme la mort de Thomas Sankara) à la commission d’étude sur le génocide des Tutsi au Rwanda et à la mémoire de la guerre d’Algérie. S’y ajoutent pêle-mêle le mur vert africain, la santé, la révolution numérique ou encore la réforme du franc CFA et, enfin, le rôle accru de Paris dans la lutte contre le djihadisme au Sahel…

À cette longue liste va s’ajouter le prochain sommet dédié au financement des pays africains, prévu le 18 mai dans la capitale française.

    Le bon

La France est à l’avant-garde d’un changement de discours sur le continent. Et ce en raison de son insistance sur le fait que l’Afrique doit être traitée comme une entité géopolitique commune tout en tenant compte de sa diversité.

    "Le débat sur la dette souveraine africaine a créé un boulevard pour la France

L’Agence française de développement (AFD) a ainsi enterré la prédication à la mode dans le pays qui consiste à diviser le continent en deux, entre « l’Afrique noire » et l’Afrique du Nord. La manière dont Paris traite les conflits en Libye et les récents dilemmes de succession au Tchad témoignent d’une compréhension de la dynamique intra-africaine pragmatique et – par conséquent – rafraîchissante.

Le leadership américain sous l’administration du président Trump a mis fin à presque tous les débats sur les biens publics mondiaux, laissant le champ libre à d’autres acteurs. La France a profité de cet espace avec enthousiasme.

L’organisation du Sommet de Paris sur le climat a offert une bonne plateforme initiale. Puis, l’Hexagone s’est investi dans des questions multilatérales clés telles que les impasses en matière de commerce, la fiscalité des géants de la technologie ou, plus récemment, la remise en cause du nationalisme vaccinal.

La Chine et un éventail de nouveaux joueurs étaient également présents mais le savoir-faire communicatif du président Macron lui a souvent permis de voler la vedette.

Le débat acharné sur la façon de gérer la dette souveraine africaine a créé un autre boulevard pour la France au sein du G7 et même du G20. C’est Paris qui, en premier, a proposé la refonte de l’approche actuelle, y compris via l’élimination de la dette africaine plutôt que son allégement et via l’accès immédiat aux droits de tirage spéciaux (DTS) non utilisés du Fonds monétaire international (FMI), afin de rendre les économies africaines plus liquides.

    "Le Green Deal européen pourrait affecter négativement la transformation de l’Afrique

La pression sur les champions français pour qu’ils réévaluent les opportunités d’investissement en Afrique et la mobilisation de la diaspora pour qu’elle s’engage davantage dans l’entrepreneuriat sur le continent sont aussi louables ; tout comme l’augmentation des allocations d’aide au développement.

    Le moins bon

Mais les vieilles habitudes ont la vie dure. Bien que la croissance des investissements directs étrangers (IDE) français en Afrique ait été remarquable depuis cinq ans (ils ont été multipliés par dix en valeur entre 2000 et 2017 selon le Trésor), cet essor n’a que trop peu bénéficié à des secteurs d’avenir.

La majeure partie des IDE reste destinée aux énergies fossiles (47% du stock d’IDE français en Afrique en 2017) et au commerce traditionnel des matières premières.

Au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le cycle de développement de Doha est bloqué et la France, entre autres pays, n’est pas désireuse de le relancer.

Pire, la mise en œuvre du « Green Deal » européen pourrait avoir un impact négatif sur le processus de transformation structurelle de l’Afrique.

Le ton unilatéral des débats actuels sur les nouvelles règles d’un commerce plus vert n’augure rien de bon. Il rappelle celui utilisé lors des négociations des précédents Accords de partenariat économique (APE) qui ont conduit les Africains à accepter, sous la pression de l’Union européenne (UE), des conditions qui leur étaient défavorables. Face à ce sujet qui fâche et qui sera pourtant décisif pour la reprise post Covid-19, la France détourne la tête.

Si le prochain sommet sur le financement est qualifié par Emmanuel Macron de « New Deal », en référence aux fameuses politiques de relance du président américain Roosevelt, il y a des raisons pour douter que son impact soit extraordinaire.

    "une tendance à surinterpréter ce dont les Africains ont besoin ou priorisent

Loin d’être une première, ce plan succède à une série d’autres – dont le plan Marshall de la chancelière Angela Merkel et celui du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker – sans réelles avancées sur les objectifs de développement durable, dont l’un des principaux est l’élimination de la pauvreté d’ici 2030.

Il va sans dire que l’écart entre ces proclamations très médiatisées et la réalité sur le terrain est devenu si flagrant que le cynisme s’est installé. Et ce ne sera pas différent cette fois-ci.

    Le dangereux

À cet écueil, il faut ajouter deux angles morts de l’approche d’Emmanuel Macron, failles qui risquent d’entacher son bilan africain comme le discours de Dakar et l’implication directe en Libye ont marqué le mandat du président Sarkozy.

Deux données sur lesquelles l’actuel chef de l’État français doit réfléchir.

D’une part, son point de vue sur la démographie africaine traduit une peur malthusienne d’une augmentation de la population qui serait responsable des mauvaises performances du continent.

D’autre part, certaines de ses positions reflètent sa tendance à surinterpréter ce dont les Africains ont besoin ou priorisent.

Illustration de cette tendance avec la lutte contre le Covid. Certes, Paris, qui était opposé à la dérogation sur les brevets (comme la plupart des pays occidentaux), a récemment changé d’avis, suivant ainsi le retournement des États-Unis.

Mais, la diplomatie tricolore continue de privilégier la distribution et les exportations vers les pays en développement, plutôt que la libération des brevets, arguant que le vrai problème est la capacité mondiale de production de vaccins. Une lecture inexacte et qui privilégie le conjoncturel sur le structurel.

Comme le rappelle un dicton, la soif ne peut être étanchée par procuration.


9 Commentaires

  1. Auteur

    En Mai, 2021 (10:23 AM)
    Quand le sujet est profond et intellectuel, moin de commentaires 
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  2. Auteur

    En Mai, 2021 (10:48 AM)
    Il est essentiel que les africains comprennent le message derriere " la celebration de Napoleon " (quand on sait qui etait Napoleon pour les noirs) s ils veulent eviter les mauvaises surprises .
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    Auteur

    Hooo

    En Mai, 2021 (14:22 PM)
    haaaaaaaaaaaaaaaaaaa

    france dafa nope senegal
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    Auteur

    Patrick

    En Mai, 2021 (14:45 PM)
    Le vassal de macron demande l'effacement de la dette pour une fois il demande pas d argent.. quoique l'un va pas sans l'autre et on parle d'indépendance 🤭🤭😂😂
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    Auteur

    Lathiery

    En Mai, 2021 (15:17 PM)
    si L'Afrique tourne le don a la France, en 10 ans la France sera en faillite.  Economie de L'Afrique decollera.

    les Africains ne tombaient dans le Piege de Macroni, il deja detruit le foyer d'un homme humble et serieux; dont il mangeait chez ce dernier, Macroni est lache comme les pates .

     

     
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    Auteur

    Un Passant

    En Mai, 2021 (15:18 PM)
    Il serait intéressant de se demander ou va l'argent prêté ?

    Des valises des présidents Africains vers les banques que tout le monde connaît, ou dépensé par les populations en péage (Eiffage), crédit de téléphone (orange).

    Dans tous les cas, il ne reste pas en Afrique.

    Malgré cela les Africains paieront les intérêts sur plusieurs générations.

    Au final ce n'est ni plus ni moins qu'une forme moderne d'esclavage dans lequel ceux tiennent les fouets sont les Africains.
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    Auteur

    Rethiou Fal Macky

    En Mai, 2021 (15:23 PM)
    France dégage 
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    Auteur

    Ssss

    En Mai, 2021 (15:53 PM)
    A quant africain arrête de se victimiser. Nous disons que les c'est de la faute aux autres tout le temps. Mais quant tu vois que nos dirigeants n'ont rien foutu pendant 60 ans et qu'ils continuent de se goinfrer avec leurs progenitures pendant que la majorité souffre à l'agonie. On ose dire c'est la faute à la France. Je me dis nous sommes mal barés pour longtemps.
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    Auteur

    Un Passant

    En Mai, 2021 (16:34 PM)
    Le problème c'est nous et non dirigeants.

    Les pays n'ont pas d'ami, ils n'ont que des intérêts.

    La France et les autres puissances ne sont que des complices de la mal gouvernance de nos dirigeants.

    A nous savoir ce qu'on veut.

    En attendand, on a les pays et les dirigeants qu'on mérite.
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