Les affrontements font rage dans la nuit de dimanche à lundi au Soudan où, ni l'armée ni la puissante force paramilitaire du général ne parviennent à l'emporter malgré des combats qui ont tué au moins 56 civils, dont trois humanitaires de l'ONU.
Alors que les blessés se comptent par centaines depuis le début des combats samedi, selon les médecins, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) annonce que "plusieurs des neuf hôpitaux de Khartoum qui reçoivent des civils blessés n'ont plus de sang, d'équipement de transfusion, de fluides intraveineux et d'autres matériels vitaux".
Dans la capitale où dans certains quartiers l'électricité et l'eau courante sont coupées depuis samedi, les patients --parfois des enfants-- et leurs proches "n'ont plus ni à boire ni à manger", alerte un réseau de médecins pro-démocratie. Impossible, ajoutent-ils, de faire partir en sécurité les patients traités or cela crée "un engorgement qui empêche de s'occuper de tous".
Et les "couloirs humanitaires" de trois heures annoncés dans l'après-midi par les deux belligérants n'ont pas semblé changer la donne: durant tout ce temps, les bruits des explosions et des tirs n'ont pas cessé à Khartoum.
Les combats à l'arme lourde font toujours rage dans la nuit entre l'armée régulière dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane et les Forces de soutien rapide (FSR), d'ex-miliciens de la guerre du Darfour devenus supplétifs de l'armée avant d'essayer de la déloger du pouvoir depuis samedi.
Des raids aériens font trembler les immeubles, alors que tirs d'artillerie et combats de rue au fusil automatique ou à la mitrailleuse lourde secouent Khartoum et le Darfour, dans l'Ouest.
Un réseau de médecins pro-démocratie a recensé 56 civils ainsi que "des dizaines" de combattants tués, et plus de 600 personnes blessées.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a suspendu son aide après la mort de trois de ses employés, tués au Darfour, alors que plus du tiers des 45 millions de Soudanais avaient besoin d'aide humanitaire avant la récente flambée de violence.
A Khartoum, baignée dans une odeur de poudre, les habitants se sont barricadés chez eux pour une nouvelle nuit longue et anxiogène alors que des colonnes d'épaisse fumée noire continuent de monter du centre-ville où siègent les institutions politiques et militaires.
"C'est très inquiétant, on dirait que ça ne va pas se calmer rapidement", s'alarme Ahmed Seif, qui vit avec sa femme et leurs trois enfants dans l'est de Khartoum.
Il redoute que son immeuble ait été touché par des tirs, mais dit avoir "peur de sortir vérifier", par crainte des balles perdues et des hommes en treillis qui quadrillent les rues.
Des témoins ont également fait état de tirs d'artillerie à Kassala, dans l'Est.
Tensions latentes
Le conflit couvait depuis des semaines, empêchant tout règlement politique dans l'un des pays les plus pauvres du monde. Depuis la révolte populaire qui renversa Omar el-Béchir en 2019, le Soudan tente d'organiser ses premières élections libres après 30 ans de dictature.
Lors du putsch ayant mis fin en octobre 2021 à la transition démocratique, le général Burhane et le général Daglo, dit "Hemedti", avaient fait front commun pour évincer les civils du pouvoir.
Mais leur rivalité a explosé samedi.
La communauté internationale multiplie depuis les appels au cessez-le-feu. La Ligue arabe et l'Union africaine se sont réunies en urgence.
Au Caire, les pays arabes se sont mis d'accord pour condamner les violences et appeler à une "solution politique" --une option qui n'a jusqu'ici pas mené au retour à la transition démocratique au Soudan, sorti seulement en 2019 de trente années de dictature islamo-militaire.
L'Union africaine a de son côté annoncé qu'elle allait dépêcher sur place le président de sa Commission, Moussa Faki Mahamat, et que ce dernier se rendrait "immédiatement" au Soudan "pour engager les parties vers un cessez-le-feu". L'aéroport, lui, est fermé ainsi que plusieurs frontières, notamment avec le Tchad.
Depuis les Emirats Arabes Unis, l'ancien Premier ministre civil Abdallah Hamdok, arrêté par le général Burhane lors du putsch d'octobre 2021, a appelé à "empêcher toute ingérence étrangère".
- Qui tient quoi ? -
Il était impossible dimanche de savoir quelle force contrôlait quoi. Les FSR ont annoncé avoir pris l'aéroport samedi mais l'armée a démenti.
Les FSR ont également dit tenir le palais présidentiel. L'armée a démenti et assure surtout tenir le QG de son état-major, l'un des principaux complexes du pouvoir à Khartoum.
Quant à la télévision, les deux parties assurent aussi l'avoir prise. Aux alentours, des habitants font état de combats continus alors qu'à l'antenne, seuls des chants patriotiques sont diffusés, comme lors du putsch.
Car la guerre ouverte entre les généraux est aussi médiatique: samedi, Hemedti a enchaîné les interviews aux chaînes de télévision du Golfe, dont plusieurs Etats sont ses alliés, multipliant les injures contre le général Burhane, resté invisible jusqu'ici.
Hemedti n'a cessé de réclamer le départ de "Burhane le criminel", alors que l'armée publiait sur Facebook un "avis de recherche" contre Hemedti, "criminel en fuite".
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En Avril, 2023 (07:32 AM)Participer à la Discussion