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Chronique

[ Chronique ] Au nom du père et du fric

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[ Chronique ] Au nom du père et du fric

 

« Le roi avait perdu son trône.
Quoi que je fasse,
je ne ferai pas pire que lui »
Barack OBAMA

Avez-vous vu, chers lecteurs, l’accueil enthousiaste qu’Idrissa Seck a reçu à Touba et à Tivaouane ? C’est à vous couper le souffle. Entre le mal et le pire, nous avons encore du mal à choisir. Eh bien, nos marabouts ont déjà voté. Ils ont choisi Idrissa Seck. Réserver un tel accueil à quelqu’un qui a tant de mal avec la morale est bouleversant. Mais c’est toute la différence entre le pays réel et celui que nous voulons. Idrissa Seck est peut-être, avec Abdoulaye Wade, le plus sénégalais de notre cartel politique. Ils sont vrais quand il le faux, faux quand il le faux. C’est pourquoi nous les aimons et les haïssons tant. S’ils ont transféré la souveraineté du pays à Touba et à Tivaouane, c’est pour mieux la garder. La gauche traditionnelle a eu tort, au début des années 60, d’avoir négligé la classe maraboutique et d’avoir mis au cœur de son combat de libération nationale, le combat contre la religion. C’était le temps des opiums.
Les conversions à la religion et à l’argent, dont la plus spectaculaire est celle de Landing Savané, paraissent peu sincères aux yeux de nos marabouts et n’ont jamais ébranlé cette méfiance réciproque. La gauche avant-gardiste s’est naturellement exclue des véritables cadres sociaux où se jouent les enjeux de pouvoir. Senghor s’est emparé du pays parce qu’il avait avec lui la classe maraboutique. Mamadou Dia a perdu le combat politique parce qu’il avait contre lui tous les marabouts rentiers. Quand Abdou Diouf a été interrogé sur les raisons de sa chute, il a expliqué la venue du Pape Jean Paul II au Sénégal, qui ne lui aurait jamais été pardonnée.
Pendant que l’opposition dite « significative »  prépare avec hargne ses Assises nationales, la dévolution du pouvoir est en train de se négocier tranquillement entre Touba et Tivaouane. J’ai eu la surprise de constater que les organisateurs des Assises n’ont pas insisté sur la présence des chefs religieux ou de leurs représentants, parmi les 74 organisations représentées. Rien ne se fera sans ces gens-là. La raison en est bien simple. Si vous enlevez Dieu, marabouts et politiciens convoitent tous la même chose auprès des hommes, l’argent et le pouvoir. J’ai dit à un ami, qui voulait me convaincre qu’il n’y avait rien entre Idrissa Seck et Abdoulaye Wade, qu’il avait bien raison. Il n’y a rien entre eux, il y a quelque chose au-dessus d’eux : le pouvoir, l’argent, les confréries et... la franc-maçonnerie. C’est pourquoi ils sont forcés de s’entendre. La question n’a jamais été de savoir s’ils se mettraient ensemble. Ce qui les oppose, c’est qui sera devant entre le putatif et le biologique. Mais ils seront ensemble, au pouvoir comme au purgatoire.
Ce qui disqualifie Idrissa Seck dans cette bataille de succession, c’est justement le fait qu’il pose le débat dans une optique successorale, au même titre que Karim Wade. Il ne dit pas que nous devons aller vers une compétition démocratique ouverte à tous. Il dit « je veux être derrière, pas devant ». Pour lui, celui qui contrôlera le pouvoir sous Wade contrôlera le pouvoir après Wade. Si le président de la République acceptait ce dernier terme du protocole, qui n’a rien de démocratique, Idrissa Seck suspendrait ses activités dans l’opposition et chanterait de nouveau les louanges de Wade. Il veut franchir l’obstacle Wade sans lui faire face et ne se bat que contraint. Idrissa Seck n’a même pas la prétention d’être une alternative à Wade. Son seul programme alternatif, c’est sa propre personne. L’assentiment qu’il a des marabouts, le laissez-passer qu’il a des chancelleries occidentales, les nombreuses complicités qu’il a dans tous les échelons de l’administration ne le rendent pas moins dangereux pour ce pays qu’il veut prendre à tout prix. Il a représenté pendant longtemps la seule et vraie alternative crédible. Il s’est fusillé tout seul, même s’il tient encore debout.

Je suis persuadé que si les Américains sont allés voir l’ancien Premier ministre, c’est pour saluer son endurance au combat. Depuis un an maintenant, les Chancelleries occidentales répètent à leurs interlocuteurs que « ça ne va pas, mais nous ne voyons personne ». Je suis d’accord avec eux. Dans l’opposition, personne n’a jamais compris que la place était vide, qu’il fallait la prendre. Tous ont voulu faire de l’opposition républicaine, pendant que Wade et Idrissa Seck négociaient un vrai testament politique et financier. « Tu gardes l’argent. Une partie servira à financer ma campagne, et une partie ta campagne quand je serai parti ». Il a fallu sept années de gabégie et de désastre pour que la porte-parole du Ps reconnaisse enfin que l’opposition républicaine à Wade a été une erreur qui risque de nous coûter des décennies d’errements.
C’est pourquoi il faut aussi demander des comptes à ceux qui s’agitent dans les Assises pour réparer le mal commis, sans préciser où ils étaient quand le mal était commis. Si vous enlevez quelques bien-intentionnés invités pour servir de faire-valoir, il ne reste que des gens qui se sont enrichis avec le pouvoir et des gens qui se sont enrichis avec les Ong. La corruption n’a pas seulement gagné le pouvoir, elle a aussi gagné les « Ongistes », qui ont acheté des vergers à la place de l’aide aux paysans, des maisons à la place des sièges, payé leurs bonnes à la place de leurs secrétaires. Ceux qui d’entre eux qui n’avaient encore mangé, Wade les a invités à sa table. Les 32 agences créées sur le dos des ministères ont permis de recruter des Ongistes de tout poil, des « droits-de-l’hommistes » payés à ne rien faire. Pendant que le pays souffre, les Directeurs de toutes ces agences gagnent en moyenne 6 mois de salaire mensuel, et le personnel recruté reçoit 2 millions de francs Cfa par mois. Certains agents cumulent ce salaire tombé du ciel avec ce qu’ils gagnent dans l’administration. Le plus révoltant s’est passé le mois dernier avec l’agence de régulation des marchés dirigée par Youssoupha Sakho. L’ancien ministre des Transports a réclamé un salaire mensuel de 6 millions et un prêt de 10 millions pour « s’équiper ». Quand certains membres de l’agence ont estimé que c’était un peu indécent pendant que le reste du pays souffre, c’est un agent du ministère des Finances qui est venu à son secours, en expliquant qu’il ne serait pas juste de handicaper M. Sakho, puisque sur les 32 agences créées par le président de la République, la moyenne des salaires est de 6 millions de francs Cfa !
Le représentant d’Abdoulaye Diop et les autres membres de la société civile cooptés gagnent 2 millions par mois. Ils ont pensé que cela n’était pas suffisant. Ils ont réclamé des ordinateurs et des Véhicules utilitaires sport « pour le terrain ». Sachez que quand la question s’est posée de savoir sur quelles bases ils auditeraient les entreprises, ils ont choisi le « tirage au sort », sachant que l’Anoci ne sortirait jamais de ce tirage. Nous voulons faire la révolution avec ces gens et des « hommes d’Etat » qui, à force d’user leurs pantalons sur les bancs de l’Etat, ont fini par y laisser des trous.
Parmi ceux qui veulent faire le procès du wadisme, beaucoup devraient se retrouver au banc des accusés. Il y a ceux qui lui ont confectionné sa Constitution sur mesure et appelé les populations à la voter. Il y a ceux qui se sont associés sans broncher à des mesures aussi graves que l’amnistie des assassins de Me Sèye, leur indemnisation, la réfection frauduleuse de l’avion de commandement. C’est pourquoi, la question n’est pas de savoir quels sénégalais nous voulons pour le pays, mais quel pays nous voulons pour les sénégalais. Abdoulaye Wade a sans doute tous les défauts. Mais il a trouvé un Etat qui cadre bien avec ses aspirations monarchiques. Ce débat sur l’orientation que nous voulons donner à notre pays, à nos institutions, des pays comme le Bénin l’ont eu. En près d’un demi-siècle de souveraineté, nous n’avons jamais réussi à nous réunir pour asseoir les bases institutionnelles sur lesquelles édifier une Nation viable. Nous avons pensé que des illuminés le feraient à notre place. Si nous ne réglons pas la question de savoir où nous voulons aller avant de savoir qui va nous y mener, nous serons toujours à la merci des grands aventuriers.



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