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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

La caverne d’Ali Baba

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La caverne d’Ali Baba
« Peu de gens sont assez sages pour préférer
la critique qui leur est utile à la louange qui les trahit »
LA ROCHEFOUCAULD

Abdoulaye Wade a passé la soirée du lundi au mardi, jusqu’à une heure du matin, à discuter avec son neveu Alex Ndiaye. Il a décidé d’arrêter. Quoi ? Le jeu de massacre. Il a l’estomac et le coffre. Il a déjà encaissé du « voleur, menteur, assassin ». Mais à 83 ans, il a décidé de garder ce qu’il reste de son honneur piétiné. Il n’est pas le seul perdant. L’alternance a blessé au combat un de ses fils les plus valeureux, Idrissa Seck. Si le Sénégal le perdait, ce serait une des plus grandes déceptions de notre jeune nation. Nous sommes passés à côté d’hommes très valeureux, qui dorment aujourd’hui dans le cimetière des héros sans victoire. Mais sa mort resterait dans les consciences comme un grand gâchis. Il faut un tout pour bâtir une réputation, il faut un rien pour la perdre. Cet homme, je le pense, a l’autorité, la compétence, et l’intelligence. Il lui manquait la confiance que les peuples accordent aux grands hommes pour leur confier leurs destins. Nous nous étions dit « enfin ». Mais il n’y a jamais de « enfin » en politique. Rien n’est jamais fini. De toutes les leçons apprises en prison, c’est celle qu’Idrissa Seck n’a pas eu le temps d’assimiler. Il lui eut fallu peut-être une semaine de plus dans le 5ème secteur, où Clédor Sène et Assane Diop ont retourné leur histoire contre Habib Thiam.
Je ne veux pas lui jouer la cornemuse, et lui chanter les oraisons funèbres. Quand il a été arrêté, en août 2005, et accusé de tous les maux, on le croyait mort, et ses adversaires chantaient déjà la victoire. Il est revenu triomphal, en portant à ses anciens alliés les attaques les plus meurtrières. Des milliers de sénégalais, parmi lesquels je me reconnais, se sont portés à sa défense.

Pour comprendre ce revirement, il faut revenir sur la suite des événements. Le 7 novembre, le porte-parole du président de la République a fait un communiqué, très bref, pour dire ceci : « 1) Il n'y a jamais eu d'accord écrit entre le président de la République et M. Idrissa Seck.  2) Monsieur Idrissa Seck a spontanément fait une offre écrite au président de la République qui ne lui a jamais répondu ». Le lundi 13 novembre, Idrissa Seck rend compte, dans la presse, de ce qu’on appelle « le protocole de Rebeuss ». Il veut prouver que le président de la République ment. Ce qui est vrai, puisque le lendemain, contrairement à ce que déclarait Me Amadou Sall, l’avocat Ousmane Sèye sort de sa réserve, pour dire « qu’Idy a déformé le contenu de la négociation ». Il y a donc eu négociation ! Mais c’est sans doute tout ce qu’il y a de vrai dans ce que le négociateur a dit.  Il déclare, dans le journal Le Quotidien, qu’Idrissa Seck lui a dit : « j’ai la comptabilité de tous les chiffres et je suis prêt à rembourser l’équivalent du financement de trois campagnes électorales présidentielles et législatives. » Il poursuit : « Quand j’ai rendu compte au chef de l’Etat, il était d’accord car, pour lui, l’essentiel est que Idrissa Seck rembourse l’argent des Sénégalais.» Le président Wade veut donc que l’argent du peuple soit remboursé, pour financer trois fois sa campagne électorale. Mais ce qui suit est plus grave : «C’est par souci de médiation que nous avons accepté son engagement et l’avons libéré». C’est qui nous ?
Le même Ousmane Sèye, s’exprime dans le journal Walfadjri, pour dire, cette fois-ci, que ce n’est pas lui, mais Nafissatou Diop Cissé qui a présenté l’offre de financement au président de la République.
« Cette proposition est celle d'Idrissa Seck, tapée par Nafissatou Diop Cissé, elle-même, chez elle, avec sa propre machine.
Wal Fadjri : Me Nafissatou Diop Cissé a-t-elle soumis cette proposition au chef de l'Etat ?
Me Ousmane Sèye : Elle a, effectivement, soumis la proposition d'Idrissa Seck au président de la République. Mais, ce dernier a refusé catégoriquement. Le chef de l'Etat m'a dit : Je ne signe pas cette proposition. »
Mais oui, c’est le même avocat qui parle, et qui oublie que selon la loi, il n’a pas le droit de rencontrer Idrissa Seck sans la présence de ses avocats, que selon la loi, seul un agent judiciaire a le droit de transiger avec Idrissa Seck. Et le négociateur, en plus d’avoir reçu des dizaines de millions comme avocat de l’Etat, devait en plus recevoir 10% de ces nombreux milliards. Mais ils sont vraiment ignobles, ces gens. Eh bien, Idrissa Seck vient de dire à tous ceux qui lui accordaient une certaine bonne foi, qu’il est comme eux. C’est à ces gens qu’il vient d’asséner un grand coup de couteau dans le dos, pas à Wade. Il a tellement reçu et donné des coups, Wade, qu’il en a le dos arrondi. On le savait menteur et cynique. Il n’y a donc rien de nouveau pour ce qui le concerne. Au fond, en politique, les mensonges sont plus fréquents que les discours de vérité. Le mensonge est un bon tranquillisant. Wade l’a su peut-être avant les autres, et il nous en sert, à l’excès, comme des amuse-gueule. Ce qui est nouveau, c’est que notre Ullyssa national, héros de tous les temps, qui a défié tous les dangers, résisté à toutes les tentations, n’ait pas résisté à celle de nous en foutre une par derrière. La plupart des gens honnêtes qui lui ont posé cette question, « as-tu négocié quelque chose ? » ont eu la même réponse : « je n’ai rien négocié. Il a envoyé des gens, qui m’ont fait des propositions, mais comme je leur ai dit, sama guemmin, noppam ». Mais que voulez-vous ? Quand quelqu’un vous dit une chose pareille, à fort renfort de textos coraniques, vous lui donnez le bon Dieu sans confession. J’ai appris par la suite, qu’un mensonge qui répare est mieux qu’une vérité qui détruit. Ce sont des endoctrinés du seckisme qui me l’ont appris. Mais quand on prend de façon aussi éhontée le chemin du mensonge, on doit s’interdire la marche arrière. J’ai discuté avec la plupart des « seckistes » un peu à travers le monde. Ils lui reprochent tous d’avoir dit la vérité. « Mais pourquoi bon sang, a-t-il dit ça, il pouvait se taire, il nous met dans une situation difficile ».

Ses conseillers en communication ne pensent pas la même chose. Ils croient aux vertus réparatrices de la repentance. Mais quelle repentance, que de se livrer, armes et mains liées, à son ennemi, en lui disant « Je n’ai pas volé, mais j’ai pris quelque chose ». Si tous ceux qui le poussaient à se présenter contre Wade savaient ce qu’il traîne comme casseroles, ils l’en auraient certainement dissuadé. Ils ne savaient pas qu’ils poussaient sur un condamné à la mort…
Il faut quand même admirer son intelligence suicidaire. C’est le malheur de tous les hommes qui se croient une tête au-dessus des autres. Quand ils sortent une idée, même la plus bête, tout le monde applaudit, en pensant que c’est une idée de génie. Depuis qu’Idrissa Seck s’est entouré de ses sbires, on dirait que son sixième sens l’a quitté. Et puisque le reste, ceux qui ont directement accès à lui, le prennent pour un saint, ils crient « allah akbar », à chaque fois qu’il se fend la peau. Voilà un homme qui a tout d’un coup décidé que, pour libérer son peuple des forces coalisées de la corruption et du mensonge, il doit se suicider !

Non, je ne tire pas sur l’ambulance. Surtout quand on ne sait pas si elle va aux urgences ou à la morgue. Mais des flagellations de cette ampleur, j’en attendais plutôt sur la place de France, samedi. Il y a un homme doué qui a mis un pied dans la politique, tout en gardant l’autre bien enfoncé dans la religion. C’est l’ancien commis de l’Etat converti en commis de Dieu, Cheikh Béthio Thioune. Nous lui devons ce qu’Abdoulaye Wade appelle, en termes plus savants, une rencontre entre le temporel et le spirituel. Il l’a invité à devenir un baye fall du Sopi. Vous savez pourquoi ? « Parce que même le prophète avait un parti ». Ce sont des choses aussi graves que j’ai entendues de la bouche de Wade.
Il n’y a rien qui fait peur à cet homme. Le 12 mars 2002, il avait placé Serigne Saliou Mbacké tête de liste du Pds à Touba Mosquée, pour les élections municipales. Fort heureusement, les proches du marabout se sont vite ressaisis. Wade était en voyage, en Île Maurice. Quand il est rentré, on croyait qu’il allait regretter ce geste, et s’excuser. Mais non, au contraire. Le vendredi 15 mars, il s’en est pris  aux proches du marabout, aux membres de sa famille, qui n’ont pas compris le sens de sa démarche. « Serigne Saliou est un citoyen, et il a le droit d’accomplir des actes républicains », a-t-il déclaré, sans sourciller. C’est ce qui le rend dangereux.



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