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Adama Faye : Le père de la musique sénégalaise moderne (Par Mohamed Sow)

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Adama Faye : Le père de la musique sénégalaise moderne (Par Mohamed Sow)
Lorsqu’Adama Faye disparait le 13 novembre 2005 à l’âge de 53 ans, l’événement tragique passe quasiment inaperçu.

Il est pleuré par sa famille et ses proches, presque dans l’indifférence générale. Surtout celle du monde de la musique qui lui devait tant. 

Car Adama Faye, n’ayons pas peur des mots, est le père de la musique moderne sénégalaise.

• Les Débuts

Adama Faye naît le 30 avril 1952. C’est le fils aîné d’Ibou Faye, instituteur rigoureux et musicien amateur à ses heures perdues. Mais ce n’est pas pour autant qu’il rêvait de transmettre le virus de la musique à ses enfants. Bien au contraire. Il évitait même de gratter quelques notes d’une des guitares acoustiques qu’il possédait, de peur de susciter quelque vocation.

Avouons, quand on connaît la famille Faye, que cela a de quoi faire sourire.

Adama grandit donc dans un cadre strict qui le voit obtenir un CAP et devenir enseignant avant son vingtième anniversaire.

Mais, parallèlement à cela, et au grand dam du paternel, il apprend à jouer de la guitare en cachette, empruntant l’instrument lorsque le père Faye est absent. Il est tellement mordu qu’il confectionne même une maquette de piano, rien que s’exercer. Sans son. Et il est bon.

Son petit frère Boubacar, plus connu sous le nom de Vieux Mac, raconte qu’il s’est rendu compte très tôt que la musique était naturellement en Adama.

Et non seulement Adama est un autodidacte très doué, mais il sait transmettre. Outre ses jeunes frères, un de ses premiers « élèves », qui deviendra un illustre guitariste, n’est autre que Jacob Desvarieux (cofondateur du Kassav), à la fin des années 60.

• La révolution de la musique sénégalaise

Adama devient naturellement membre d’un orchestre, le System de Rufisque puis le Kadd Orchestra.

Et quand cette formation fusionne avec le Tropical Jazz pour enfanter du Diamono, Adama Faye est là. Il joue de la guitare et de l’orgue. Et surtout, il impose ses compositions, en plus d’être le mentor d’Omar Pène.

A l’instar des Super Eagles de Banjul, il oriente la musique du Diamono vers des normes plus jazzy et plus funky. Son style est particulièrement remarquable dès les premières productions, notamment Biita Bane.

Oumar Pène lui dédiera en 1977 la chanson « Adama Ndiaye » créée suite à une tentative capillaire d’Adama Faye. Il s’était fait la boule à zéro et cela avait suscité l’hilarité de ses amis du Super Diamono.

Sa situation au sein du Super Diamono se dégrade petit à petit, et Adama finit par s’écarter complètement du groupe de Derklé. Mais il leur aura laissé des chefs d’œuvre comme « Jigeenu Ndakaru », « Silmaxa » ou encore « Jaraaf » où il pose cette fabuleuse intro à la guitare.

EN 1983, il collabore avec Thione Seck une première. Thione qui s’était replié vers la musique traditionnelle confie la réalisation de son nouvel album à Adama qui lui délivre un chef d’œuvre :

l’album YOW.

Et c’est alors qu’un événement va conduire Youssou Ndour à s’attacher ses services.

Nous sommes en 1984, et le Super Etoile est invité à se produire en avant-première du concert des Touré Kunda au Stade Demba Diop. Autre formation invitée à se produire, le Super Diamono.

Ces derniers sortent une prestation majuscule qui est acclamée par le public de Demba Diop. Tout le contraire de Youssou, dont la musique est qualifiée de ringarde par certains. L’indifférence de certains et les huées le pousseront à apporter de profonds changements à sa musique.

Et il n’a qu’un nom en tête : Adama Faye. Après moult palabres, il parvient enfin à susciter l’intérêt de l’aîné des frères Faye, lui donnant carte blanche.

Adama redéfinit alors les standards du Super Etoile, dessinant une musique teintée de blues, laissant les instruments s’exprimer dans un style qu’on ne connaissait pas au Super Etoile.

Même les inconditionnels de You sont déboussolés. Kabou Guèye raconte une anecdote à ce sujet.

Lors de la première sortie publique du Super Etoile après l’arrivée d’Adama au Théâtre Daniel Sorano, la décision avait été prise de tester certains nouveaux sons à paraître dans le Volume 9, dont le titre éponyme Africa. Après avoir interprété le morceau le public était partagé entre déception et circonspection. Des applaudissements polis et timides venant ponctuer la prestation.

Pour de nombreux observateurs, Youssou ne savait pas où il allait.

Heureusement, dès la parution de ce volume intitulé Africa-Deebeub, les gens virent à quel point Adama avait fait évoluer les choses dans le bon sens, car outre Africa, il y avait dans cet opus l’extraordinaire Awa Guèye, où on peut entendre les nappes de synthé distillées par le génial claviériste.

Ainsi, entre 1984 et 1985, ce qui est très court, Adama Faye a su donner à Youssou l’impulsion qu’il lui fallait pour entrer dans une autre dimension, celle de la musique moderne. Il l’avait convaincu de créer un second orchestre, le Super Etoile 2, sorte de pépinière qui lui servirait aussi de laboratoire musical.

Et c’est dans cet orchestre que furent ébauchés certains chefs d’œuvre, avec notamment Ibou Cissé, Moustapha Faye.

Outre le volume 9, Adama composera les morceaux phare du Volume 10, dont le fameux Ndobine !

Ajoutons aussi une anecdote concernant l’invention du son appelé chez nous Marimba. Un des grands mérite d’Adama Faye et sa passion était de créer une fusion entre les instruments modernes et
traditionnels. Il parvenait donc à reproduire au piano et à la guitare des sons et des rythmes du Sénégal.

Après l’aventure Super Etoile, Adama Faye retrouva une vieille connaissance : Ismaël Lo.

Les deux avaient partagé un bout de chemin au Super Diamono et là, aussi, au sein d’un orchestre qui en était à ses balbutiements, il parvint à hisser le niveau de l’ensemble, avec force compositions, dans la volume XIIF paru en 1985.

Adama Faye collaborera ensuite une seconde fois avec Thione Seck. Pour un autre chef d’œuvre, « Le pouvoir d’un cœur pur ». Cet album est encore plus étoffé que YOW. Les 6 morceaux qui le composent sont fabuleux, de « Diongoma » qu’il revisite à « Aida Soukeu » en passant par le très émouvant cri du cœur YEEN.

Adama rejoint ensuite son frère Vieux Mac avec qui il n’a en réalité jamais cessé de collaborer.

Adama est un musicien libre qui ne peut pas avoir d’attache. Il promène son génie en bandoulière et n’accorde aucune importance aux ragots qui le décrivent comme un marginal. Il répond aux sollicitations, qui se font de plus en plus rares, et il va ainsi collaborer avec Kiné Lam dans le très bon Boroom Taif. Il dirige la production et cela donne d’excellentes plages comme Goor Goor lu ou encore Nara Bon.

A la fin des années 90, Demba Dia fera aussi appel à ses talents pour la production de l’album Rock Mbalax 3.

C’est ainsi que s’effacera petit à petit le grand Ada. Il n’aura pas eu la chance de réaliser son rêve ultime : la création d’une académie musicale sénégalaise. Une sorte d’université de la musique. C’était
son credo.

Mais quelque part, il aura réussi quelque chose de plus fort : 

marquer de son empreinte la musique des plus grands groupes sénégalais et permettre à notre musique de trouver une certaine identité.

Adama aimait transmettre et avait cette capacité à rendre les autres meilleurs. Tous les grands ont progressé à son contact, Omar Pène, Youssou N’Dour, Ismaël Lo, Kiné Lam, Habib Faye et j’en oublie.

Il a aussi été un professeur particulier pour de nombreux instrumentistes, commençant par ses frères.

Il serait peut-être temps d’immortaliser cette figure essentielle de notre culture.

Mohamed Sow


5 Commentaires

  1. Auteur

    Daouda

    il y a 3 semaines (19:28 PM)
    Merci beaucoup pour le témoignage sur Adama Faye 
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  2. Auteur

    Brill

    il y a 3 semaines (23:01 PM)
    Merci bcp. Un beau texte qui sort de l'oubli un des plus grands instrumentistes de la musique Sénégalaise 
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    Auteur

    Eternel Fan

    il y a 3 semaines (07:22 AM)
    Adama Faye et son petit frère Habib Faye ont été de grands compositeurs qui nous ont fait vibrer et rêver. Qu'ALLÂH SUBHÂNAHÛ WA TA'ÂLÂ aie pitié d'eux, leur pardonne leurs fautes et leur accorde le Paradis Firdaws pour l'éternité. Âmîn 
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    Auteur

    il y a 3 semaines (03:10 AM)
    Adama Faye  et lamine Faye Super Diamono

    Vieux  Mac Faye Iso Lo

    Habib Faye Youssou Ndour

    Tapha et Lamine Faye lemzo Diamono

    Le Senegal doit avoir un museum pour la famille Faye.
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    Auteur

    il y a 3 semaines (14:05 PM)
    Faut pas oublier Vieux Mac Faye,Feu Adama Faye était très bon ,mais sur le plan pro ça laisser un peu à désirer .

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