Mon seul regret, c’est de n’avoir jamais vu, El hadji Abdoul Aziz Sy. C’est compréhensible. Presque 400 kilomètres séparent nos deux villes : Tambacounda et Tivaouane. Toutefois, les échos de sa bonté légendaire, qui lui a valu le surnom glorieux de «dabbâkh» (il est bon), me sont parvenus. Treize ans après, les Sénégalais pleurent toujours la disparition de cet érudit, homme de Dieu. L’homme était bien. Sa personnalité se résume à sa bonté. Il aimait tout le monde. Son humilité était sans commune mesure. La preuve, il faisait l’unanimité. Mame Abdou était un guide des musulmans et chrétiens.
Chaque fois qu’il parle, c’est pour rappeler aux croyants leurs devoirs. Son message est intemporel. Et son legs constitue, plus que jamais, un bréviaire pour les générations actuelles et futures. Si je parle de cet homme que je n’ai jamais vu, ni rencontré, c’est parce que j’ai pris le temps de m’approprier son riche héritage. Le sage de Diaksao est devenu un immortel grâce au caractère immuable et intemporel de son message. Le Coran et la Sunnah du Prophète (Psl) ont toujours été les directeurs de sa conscience. Il ne pouvait s’égarer.
El hadji Aboul Aziz Sy a été arraché à notre affection le 14 septembre 1997. Ce jour reste gravé dans la mémoire collective de la Oumah Islamique. Un érudit de Dieu venait de s’éteindre. Le doute a habité certains sénégalais. Le fils d’El hadji Malick Sy a été toute sa vie durant, un régulateur social hors pair. Vous conviendrez avec moi, que les grands hommes ne meurent jamais. Ils survivent toujours à travers leurs bienfaits légués à la postérité.
«Affectueusement appelé Mame Abdou, il a été un modèle accompli du disciple de la tijânia, comblé par l’amour du prophète et tendu vers la proximité avec Dieu par le biais de l’élégance morale au sein des hommes», a expliqué le Pr Abdoul Aziz Kébé lors de la cérémonie de dédicace de son livre intitulé «Serigne Abdoul Aziz Sy Dabbâkh : Itinéraire et enseignements».
Retenons ce message du sage de Diaksao : «la diversité des minarets n’altère pas l’unicité du message d’Allah». Quelle belle formule pour inviter les croyants à la tolérance, à l’entente mais surtout au respect ? Il a marqué le Sénégal par son enseignement sur le plan religieux, spirituel et politique. Conscient de la dimension religieuse de sa mission sur terre (si on considère que les érudits sont les héritiers du Prophète), «Mame Abdou a été, renseigne le Pr Kébé, le symbole vivant de la dignité à toutes les circonstances. Il pouvait être très familier avec les gens sans être banal. Il a suivi les enseignements de ses ancêtres en se disant que l’homme digne ne vole pas, ne ment pas, ne fait pas du trafic d’influence pour occuper un poste, entre autres».
En plus, le saint homme avait mis la loyauté au cœur de la dignité humaine. Car, la loyauté reste un élément important dans nos amitiés, engagements et compagnonnages. Ce qui fait qu’aujourd’hui, le manque de loyauté entre les hommes a perverti la société parce que les repères ont bougé. La décadence ! L’appât du gain facile engendre toutes sortes de dérives. Pour certains, la réussite est au bout du mensonge, de la tortuosité et de la courtisanerie.
Ce que je retiens de Mame Abdou, c’est la pureté de son cœur. C’est l’organe de perception des grandes réalités. Il est aussi le siège des sentiments et ressentiments.
Toujours est-il que le manque de loyauté, la jalousie, la méchanceté, la médisance et l’hypocrisie sont les fruits d’un cœur impur et malade qu’aucun médecin ne peut guérir. Que Dieu nous en préserve. L’autre grand enseignement de Mame Abdou, c’est son humilité. Il traitait de la même manière le riche et le pauvre. Et l’éthique était au cœur de tous les actes qu’il posait.
D’ailleurs, il me plait de rappeler cette assertion de son ami et disciple, le président Kéba Mbaye : «Que ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir et en abusent, ou qui se sont enrichis en foulant aux pieds les règles d’éthique se le disent bien; ils n’inspirent aucun respect aux autres Sénégalais. Or le respect de ses concitoyens est le bien le plus précieux du monde. C’est le seul qu’il faut désirer, qu’il faut rechercher. C’est le seul qui est admiré. Le respect dû au pouvoir ou à l’argent, s’il a un autre nom, s’il s’appelle crainte ou courtisanerie, c’est que les paramètres éthiques qui les régissent se sont déréglés. Or, la crainte et la courtisanerie sont détestables parce qu’elles avilissent celui qui les inspire comme celui qui en est la proie. Elles ne durent que le temps que dure la force ou la fortune qui les motivent, c’est à dire peu ; et elles s’effacent avec la perte du pouvoir ou de l’argent». En temps de crise comme en temps de paix, le sage de Diaksao nous a toujours recommandés à faire du bien. Mame, je prie Dieu que la terre de la ville Sainte de Tivaouane te soit légère. Merci…
Maké DANGNOKHO
Journaliste
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