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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
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[ Contribution ] Je rends grâce à Dieu ( par Mody Niang)

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[ Contribution ] Je rends grâce à Dieu ( par Mody Niang)

L’affaire qui m’opposait à Cheikh Amar a été finalement classée sans suite. Elle aura entre temps fait couler beaucoup d’encre et donné lieu à des titres de journaux tirés d’on ne sait où, et aussi alarmants les uns que les autres. « Après les déclarations fracassantes de Mody Niang, Cheikh Amar lui envoie un huissier, mais l’écrivain reste introuvable », « La principale source de Mody Niang, ?Nouvel Horizon?, dément », « Mody Niang à un pas de la prison », « Cette affaire va être portée au tribunal. Foi de nos radars », « Mody Niang s’est bel et bien rétracté sur ses accusations contre Cheikh Amar », « Mody Niang nie et charge le quotidien ?Rewmi? », les enquêteurs ont décelé « des indices graves et concordants de nature à motiver sa garde à vue », « Mody Niang a passé sa première nuit au Commissariat de Police de Dakar Plateau », « Mody Niang l’a échappé belle : il a été libéré in extremis sur instruction du président Wade », « Cheikh Amar a pardonné à l’écrivain et a retiré sa plainte », etc, etc.
Je précise d’emblée que ma préoccupation n’est pas ici d’engager une quelconque polémique avec les journalistes, parmi lesquels je compte de très nombreux amis. Nombre de mes compatriotes se contentent des revues de presse, avec les titres que l’on sait, pour se faire une religion sur une affaire. C’est à l’intention de ceux-là, et de bien d’autres encore que je voudrais faire légitimement la part des choses, pour remettre nombre d’entre elles à l’endroit. Le président Senghor rappelait souvent que « quand on fait l’historique d’un problème, on l’a à moitié résolu ». Je vais m’inspirer donc de cette méthode du poète-président pour faire le point sur l’affaire qui m’a valu d’être traîné devant la Dic, puis devant le Procureur de la République.
Dans son édition du samedi 1er août 2009, le journal de qui tout est parti, Rewmi quotidien, commentant ma dernière contribution, faisait remarquer que, cette fois-ci, j’étais moins insolent et qu’il y avait beaucoup moins d’injures dans mon texte. Le lundi 3 août, j’adressai à la rédaction du journal le texte suivant : « Sama gaayi, yèèna mana tooñ ! Je serais donc, selon votre rédaction, coutumier des insultes ! Je pensais pourtant naïvement avoir été bien éduqué. Je ne me savais vraiment pas insolent ! Il est vrai que l’imperfection est inhérente à la nature humaine. Il nous arrive, en tant qu’être humain, de ne pas nous rendre compte de certains de nos vilains défauts. En tout cas je peux vous assurer que, d’ores et déjà, je ferai des efforts surhumains sur moi-même pour être moins insolent. Les observateurs avertis et vigilants que vous êtes, m’aideriez notablement à y parvenir, en me signalant cinq à dix insultes grossières relevées dans ma modeste production intellectuelle. Que ce soit dans mes six livres ou dans mes 200 à 250 contributions, sans oublier mes rares interventions dans les différentes radios de la place ! 
Je vous remercie de m’avoir ouvert les yeux et vous souhaite une bonne fin de soirée.
J’espère surtout que je n’aurais pas été particulièrement insolent dans les lignes qui précèdent. Si c’était le cas, je vous présente d’avance toutes mes excuses. » 
Pour toute réponse, je reçus le même jour de la rédaction un très laconique « Merci tonton ! ».
Le 9 septembre 2009 je co-anime une conférence à l’intention de l’Association nationale des Cadres du Progrès (Ancp) de l’Afp. On connaît la suite : cette déclaration saugrenue que le même quotidien me prête dans son édition du lendemain : « Le plus petit scandale de Wade est plus grave que l’affaire Ndiouga Kébé ».
C’est un parent de Diourbel qui m’a appelé pour me demander comment j’ai pu déclarer ce qu’il a lu dans un journal. J’achète le journal en question (Rewmi) pour en avoir le cœur net. J’ai failli bien sûr tomber à la renverse. Pour une deuxième fois, je m’adressai au fameux quotidien en ces termes : « J’ai été inouï de lire la déclaration que vous m’avez prêtée à la ?Une? de votre édition d’hier. Cela fait plus de vingt ans que je n’entends pas parler de Ndiouga Kébé.  Vous allez me mettre en mal avec les parents du défunt qui devraient se sentir très atteints. En lieu et place de ce que vous m’avez fait dire, veuillez bien mettre ceci, qui est exactement ce que j’ai dit et que vous pouvez vérifier auprès de vos confrères qui étaient présents : ?L’immonde gouvernance libérale est jalonnée de scandales de toutes sortes, aussi graves les uns que les autres. Le moins grave de ces scandales est infiniment plus grave que l’affaire du Watergate, qui avait coûté au président Richard Nixon sa démission forcée en 1974?. Ndiouga Kébé n’a vraiment rien à faire ici. »
La rédaction me fit quand même l’amitié de corriger comme je le souhaitais et me présenta ses excuses, comme à la famille du défunt.
Je n’étais pas au bout de mes peines : à la page 5 de la même édition, on me prêta une autre déclaration qualifiée de fracassante. C’est celle-ci, qui me valut d’être traîné en justice : « Cheikh Amar avait bénéficié de 26 milliards pour les maisons présidentielles qui sont restées toujours virtuelles. » Estimant n’avoir pas du tout tenu de tels propos, je demandai encore une mise au point à la rédaction, pour préciser ce que j’avais dit exactement, jusqu’à preuve du contraire. Voici la mise au point demandée :
« Il est beaucoup question ces temps derniers des villas fantômes de l’Anoci, avec ces 26 milliards révélés par A. L. Coulibaly. Il en a été question aussi lors de la conférence que j’ai co-animée hier. Les villas dont moi je parle, et que j’ai abordées au moins dans deux contributions, sont celles révélées par Nouvel Horizon n° 597 du 09 au 15 novembre 2007. Voici ce qu’écrivait alors l’hebdomadaire : ?L’Anoci a adoubé la Société TSE de Cheikh Amar pour la réalisation d’un projet immobilier de très grande envergure, qui sera implanté sur l’emprise de l’aéroport international de Dakar L.S. Senghor de Yoff. Ce projet dit des villas présidentielles de l’OCI, poursuit l’hebdomadaire dakarois, serait estimé autour de 15 milliards de francs Cfa. Il s’agit d’un complexe immobilier de plusieurs villas de très haut standing, pour accueillir les grosses pointures politiques du prochain sommet de l’Oci, en mars 2008. L’heureux bénéficiaire de ce projet qualifié de pharaonique par Nouvel Horizon a déjà obtenu des services de l’Etat toutes les autorités requises pour la mise en œuvre du vaste terrain qui lui a été attribué.? »
Je précisais bien dans la mise au point que cette information, beaucoup plus catégorique que la déclaration qu’on me prêtait, n’avait pas manqué, à l’époque, de retenir mon attention. Je m’en servis même comme prétexte pour faire publier une contribution à la page « Opinions » du quotidien Walfadjri du mardi 13 novembre 2007, pour me poser un certain nombre de questions concernant ce monsieur Cheikh Amar qui bénéficiait d’une aussi grande faveur. En voici quelques-unes, bien en place dans la mise au point demandée :
?Qui est ce Cheikh Amar qui bénéficie d’autant d’attention de la part du président Wade ? De quelles expériences se prévaut-il pour mériter tant d’attention ? Quelles sont ses références d’avant le 19 mars 2000 ? Quelles expériences en bâtiments surtout lui valent-elles de bénéficier du gros marché de 15 milliards pour réaliser des villas de très haut standing destinées à accueillir d’illustres chefs d’Etat et de gouvernement ? Qui se cacherait derrière ce type inconnu des milieux du bâtiment et des équipements agricoles avant l’alternance ??
« Ces questions-là, poursuivais-je, nous nous devons de les poser ». Et je me les pose encore aujourd’hui.
C’est cela que j’ai écrit à l’époque sur ces fameuses villas présidentielles. Je ne les confonds pas avec ces autres villas fantômes qui occupent l’actualité aujourd’hui. Il est vrai qu’avec cette forte concentration de tous les chantiers entre les mains de quelques quatre à cinq privilégiés, on y perd facilement son latin.
Dans la mise au point, j’ai aussi abordé « ces importants équipements agricoles importés d’Inde à coût de dizaines de milliards et dont M. Amar a pratiquement l’exclusivité ». Je ne connais pas un autre compatriote qui soit impliqué aussi étroitement dans ces importations d’équipements  agricoles indiens. Je poursuivais dans la mise au point : « Ce pays nous appartient à nous tous, et nous avons le droit d’avoir un regard appuyé sur la manière dont il est gouverné. C’est encore notre devoir de chercher à comprendre comment nos maigres deniers sont dépensés. »
C’est aussi simple que ça ! Je n’ai vraiment aucun contentieux avec ce Cheikh Amar que je ne connais point. Ni avec aucun autre « Bolloré » sénégalais. Je parle d’eux parce que leurs noms sont cités dans de gros marchés publics, attribués dans des conditions souvent nébuleuses. 
Et je concluais ainsi ma mise au point qui ne sera jamais publiée : « Voilà quelques précisions, en attendant notre éventuelle rencontre pour que j’entre plus dans les détails. Pour le moment, je vous fais confiance, même si je crois savoir que vous êtes proche du régime que je combats sans désemparer. Du moins votre quotidien l’est. Je fais confiance en tout cas, jusqu’à preuve du contraire, à votre objectivité. Bonne nuit ! »
Je rappelle quand même que ce journal appartient à Mbagnick Diop, du Mouvement des Entreprises du Sénégal (Medes). Ce rappel n’est pas tout à fait inutile.
La mise au point n’étant pas publiée, j’en fis une autre avec pour titre : « Ce que j’ai dit et écrit à propos de Cheikh Amar ». Sachant que celle-ci allait connaître le même sort que la première, je l’ai aussi envoyée aux rédactions de journaux sénégalais les plus significatifs, ainsi qu’à Seneweb et à xalima.com.
A propos de cet homme (M. Amar) comme de nombreux autres, que l’on présente en général comme les privilégiés du régime libéral, j’ai le droit de me poser des questions. C’est la Constitution qui me reconnaît le droit à une information plurielle, surtout lorsque celle-ci est relative à la conduite des affaires publiques et à la manière dont nos maigres deniers publics sont dépensés.
C’est le lieu de signaler qu’à propos de l’information que j’ai tirée de Nouvel Horizon, un quotidien, le même qui m’avait fait passer la nuit du jeudi 10 au vendredi 11 septembre 2009 au Commissariat de la Police de Dakar Plateau, s’est empressé d’annoncer que cette information a été démentie par un agent de l’hebdomadaire joint au téléphone. C’était évidemment faux, archi-faux. J’invite le lecteur à se reporter à la précision apportée par l’hebdomadaire lui-même, à la page 8 de son numéro 690 du 18 au 24 septembre 2009, où il reconnaît que « (…) La proximité des sites (leur) avait fait commettre une confusion ». Ce n’est donc pas Mody Niang qui est démenti, mais plutôt la rédaction du journal qui reconnaît, en toute humilité, s’être trompée. La seule question que je suis évidemment tenté de me poser est celle-ci : Pourquoi Cheikh Amar n’avait-il pas, à l’époque, exigé un démenti ou porté plainte, surtout que, sur la base de l’information en question, j’avais fait la contribution parue à la page « Opinions » de Walfadjri du 13 novembre 2007 ?
On a prétendu que « j’ai frôlé la prison », que « je l’ai échappé belle ». On a fait état « d’indices graves et concordants de nature à motiver (ma) garde à vue ». Je n’avais vraiment pas la même appréciation de l’affaire que les auteurs de cette littérature : le seul argument retenu contre moi – il n’y en avait pas un autre, il n’y avait aucun indice grave et concordant avec un autre –, le seul « délit » autour duquel s’est déroulé l’interrogatoire, aussi bien à la Dic que devant le Procureur de la République, est cette « déclaration fracassante », selon laquelle j’aurais affirmé que M. Amar est bénéficiaire de 26 milliards de l’Anoci pour la réalisation de villas jusqu’ici restées fantômes. Et il n’y avait que ma parole contre celle de ce jeune journaliste de Reewmi, qui confond « l’Affaire du Watergate » et « l’affaire Ndiouga Kébé ». Ce qui m’a paru fort bizarre d’ailleurs et qui sentait manifestement le roussi, c’est que le directeur de publication du quotidien n’a même pas été entendu. En tout cas pas à ma connaissance. C’est à ce seul stagiaire donc qu’on m’a confronté. Tout juste lui a-t-on demandé s’il maintenait que j’ai bien fait la déclaration incriminée. Il a évidemment répondu « oui » et a été aussitôt libéré, sans autre forme de procès. Je rappelle que pour donner peut-être un peu plus de poids au témoignage du jeune journaliste, un quotidien a prétendu qu’il « a été auditionné de 14 heures à 19 heures ». S’il n’a pas été auditionné ailleurs, son audition par l’inspecteur de police qui m’a interrogé et notre confrontation n’ont pas duré plus de trente minutes. On m’a donc notifié ma garde à vue, sur la base du seul « témoignage » de ce garçon-là.
Devant le Procureur de la République, l’interrogatoire a porté sur la fameuse déclaration fracassante, et sur rien d’autre. Je me garderai, évidemment, d’étaler sur la place publique les échanges que nous avons eus, qui n’étaient pas très longs d’ailleurs. Tout juste ferai-je remarquer que la liberté est belle, très belle. Cependant, la mort est de loin préférable à l’acceptation de certaines conditions exigées pour en jouir.
On a aussi laissé entendre que M. Amar a retiré sa plainte pour me pardonner. Ce qui a entraîné le classement pur et simple de l’affaire. C’est encore faux. Je suis sûr qu’en retirant sa plainte, M. Amar avait bien d’autres préoccupations que ma liberté ou ma sécurité. En tous les cas, on me notifia le retrait de la plainte, tout en me précisant que le délit de diffamation tombait en même temps, mais que celui de « diffusion de fausses nouvelles courait encore ». Cependant, comme c’était ma parole contre celle du jeune stagiaire, on ne pouvait quand même pas m’envoyer devant un tribunal correctionnel, sur la base de cette seule « preuve ». C’est pour cette raison que l’affaire a été purement et simplement classée. Même si M. Amar avait maintenu sa plainte, il n’y aurait pas contre moi plus que la parole de ce garçon, qui a reconnu humblement avoir compris « affaire Ndiouga Kébé » plutôt que « Affaire du Watergate ». Il est vrai qu’il ne sait pas ce que « Watergate » signifie.
Je répète donc que je ne me suis pas du tout rétracté ; je n’ai rien nié : j’ai répété ce que j’ai dit et écrit, avec des sources à l’appui. J’ai tenu aussi à reconnaître devant l’inspecteur de police qui m’interrogeait comme devant le Procureur de la République, que je ne suis qu’un homme, donc un être imparfait, susceptible, partant, de me tromper. Et  j’ajoutais que si, par extraordinaire, on me donnait la preuve formelle que j’ai bien fait la déclaration qui m’a été prêtée, en me faisant écouter un enregistrement authentique, où je reconnaissais sans équivoque ma voix, j’aurais l’humilité de faire mon mea culpa, et d’accepter que je m’étais trompé, que ce n’était point ce que je voulais dire.
Je profite de cette opportunité pour rassurer tout le monde, d’abord mes parents, mes amis, mes sympathisants : je ne suis ni un va-t-en guerre ni un candidat au suicide. Je fais beaucoup attention à ce que je dis et à ce que j’écris. En particulier, je n’écris ni pour nuire, ni pour plaire à qui que ce soit, ni pour récolter des lauriers. Je me prends pour ce que je suis : un citoyen qui a un droit de regard appuyé sur la gouvernance de son pays.
Après les avoir rassurés, je les remercie du fond du cœur pour leur forte mobilisation. Des mails, des appels téléphoniques et des SMS me sont venus du Sénégal et des quatre coins du monde. Ne pouvant pas répondre à chacun d’eux, je les prie de trouver ici l’expression de ma profonde reconnaissance.
Je rends enfin grâce à Dieu, qui m’a soutenu et a fait échouer le sordide projet mis en œuvre par mes adversaires pour m’humilier. Il m’a rendu très fort, très confiant, très serein. Je n’ai flanché en aucun moment, ni devant l’inspecteur qui m’interrogeait, ni devant le Procureur de la République. Je n’en voyais d’ailleurs pas la raison, et je crois être sorti ragaillardi de cette sordide affaire, indigne d’une Démocratie, d’une République qui se respecte.

MODY NIANG, e-mail?: [email protected]



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