Lettre ouverte aux autorités Sénégalaises

Je suis un ancien haut fonctionnaire canadien du ministère des affaires étrangères puis du ministère de la coopération internationale et ami de longue date du Sénégal.
Durant ces années, j’ai assisté impuissant à l’abaissement de votre pays au Canada. Vous me permettrez de garder l’anonymat.

En effet, votre pays a commis une faute diplomatique, en refusant de cautionner le refus opposé par notre pays à l’accréditation de M. Diallo comme ambassadeur auprès de Sa Majesté la Reine, chef de l’Etat du Canada.
Le Cabinet privé du Premier ministre, ayant étudié le dossier de M. Diallo avait conclu que celui-ci en tant que citoyen canadien ne remplissait pas le code de fiabilité et de crédibilité que le Canada exige à ses citoyens pour le poste d’ambassadeur.
Cela signifie que M. Diallo ne pouvait être un interlocuteur crédible aux yeux des autorités canadiennes.
Mais à notre grand étonnement, les autorités sénégalaises n’avaient pas compris le refus diplomatique ainsi exprimé. Ayant compris qu’elles voulaient coûte que coûte accréditer leur nouvel ambassadeur, les autorités canadiennes ont alors exigé que M. Diallo se départisse de sa citoyenneté canadienne.
Le Canada reconnaît la double citoyenneté à ses ressortissants. Le fait d’être citoyen canadien n’a jamais été un obstacle à la nomination d’un canadien comme ambassadeur du pays de sa seconde citoyenneté. Pour devenir citoyen canadien, il suffit simplement que la personne qui en fait la demande séjourne pendant 3 ou 4 ans dans notre pays à titre de résidant permanent, peu importe son niveau d’études ou sa profession.
Dans le cas de M. Diallo, l’argument de la double citoyenneté a été soulevé seulement dans le but de faire comprendre au Sénégal, qu’il ne proposerait pas au Canada la personne adéquate pour le poste d’ambassadeur.
Quant celui-ci a renoncé à sa citoyenneté canadienne, nos autorités ont accepté à contrecœur son accréditation.
Depuis lors, tout passe comme si le Canada voulait faire payer au Sénégal cette inconvenance diplomatique. Les autorités ont superbement ignoré le nouvel ambassadeur, se contenant de lire les rapports accablants que la GRC faisait sur lui.
Ce qui nous étonnait aussi au ministère des affaires étrangères, c’est que la majorité des diplomates sénégalais que nous recevions à l’occasion, baissait la tête ou répondait par des je ne sais pas, quand nous les interrogions sur leur ambassadeur. Un diplomate sénégalais, nous a une fois dit qu’il ne lui adressait pas la parole, un autre nous avait avoué qu’ils l’ont mis en quarantaine.
Quant j’ai quitté les affaires étrangères pour le ministère de la coopération internationale (ACDI), nous étions en train de nous pencher sur le recentrage de l’aide canadienne. Nous avions établi la liste des ambassadeurs à inviter pour discuter de ce sujet. A la vue de la liste, mon supérieur hiérarchique a simplement rayé le nom de l’ambassadeur du Sénégal en me disant : « Celui-là je ne veux pas le voir par ici ». Nous avions discuté avec tous les ambassadeurs sauf celui du Sénégal. Les ambassadeurs des autres pays se bousculaient à nos portes, défendant becs et ongles les intérêts de leur pays.
Heureusement que votre pays avait beaucoup d’admirateurs au ministère, ce qui lui a permis de rester parmi les pays de concentration de l’aide canadienne.
Lors de l’invasion des criquets dans votre pays, nous avions préparé un plan d’action pour venir en aide rapidement. Mais à notre surprise, aucune demande dans ce sens, émanant de votre ambassadeur, ne nous était parvenue.
J’ai alors compris que votre pays avait un problème de représentant.
Jusqu’à mon départ du ministère, suite à la défaite du Parti libéral du Canada, votre ambassadeur n’y a pas été reçu une seule fois. C’est comme si les Affaires étrangères et la Coopération internationale s’étaient passées le mot de ne pas recevoir l’ambassadeur du Sénégal. Je ne sais pas, cependant, si les conservateurs actuellement au pouvoir, ont changé d’attitude envers votre ambassadeur.
Maintenant que je suis redevenu simple citoyen, j’ai décidé de sortir de ma réserve pour écrire cette lettre ouverte en vue de faire prendre conscience aux autorités de votre pays le malentendu diplomatique non avoué qui existe entre nos deux pays. Cette lettre permettra aussi à la presse de votre pays de s’intéresser à ce dossier.
Le Canada aime le Sénégal et pourrait faire davantage pour votre pays, mais à la seule condition que vous ayez, comme nous disons ici the right man at the right place, à votre ambassade à Ottawa.

G.L
Un canadien ami du Sénégal,
Ancien haut fonctionnaire du Canada à Ottawa. 14 Aug 2006