Il y a du chemin à parcourir pour le Sénégal en matière de mise en place de Train à grande vitesse (Tgv). Suite à la promesse du chef de l’Etat, la semaine dernière, de doter le Sénégal de sept Tgv, nous nous sommes rapprochés de la direction d’Alstom pour en savoir un peu plus sur les conditions de faisabilité de ce projet. Le principal fournisseur de la grande vitesse dans le monde indique qu’il faut, en plus d’une volonté politique forte, pour la faisabilité de ce genre de projet, un besoin de transport adapté aux lignes grandes vitesses, en terme de mobilité et en terme de fréquentation des lignes qu’on veut construire.
Il a fallu cinq jours pour que la direction d’Alstom, principal fournisseur de la grande vitesse dans le monde, accepte, enfin, de nous dire un mot sur les conditions de fabrication d’un Tgv dans un pays en voie de développement comme le Sénégal. Motif invoqué par l’attaché de presse, à chacune de nos relances : «Nous n’avons personne qui connaisse le Sénégal pour donner son avis sur le projet de votre président.» Une réplique suffisante pour se dire que notre pays n’est, peut-être pas, «éligible», ou n’est pas encore prêt pour passer à la très grande vitesse.
Alors, le Tgv au Sénégal dans quatre ans, est-ce vraiment réaliste ? «Je ne peux pas vous dire à chaud si c’est une idée réaliste ou pas, mais ce qui est sûr il faut au préalable remplir un certain nombre de conditions, pour que cela puisse se faire», répond Emmanuel Mouton, directeur des solutions grandes lignes à Alstom-Transport. Et, l’expert d’insister, d’abord, sur une «volonté politique forte», qui, à ses yeux, constitue le fondement de ce type de projet. On peut dire, sans risque de se tromper, que la volonté, ce n’est peut-être pas cela qui manque le plus à notre Président.
Mais, pour la volonté politique, on peut s’interroger. Car, si, selon le Larousse, la volonté est la «faculté de se déterminer à certains actes et de les accomplir», la volonté politique, pourrait être définie comme suit : «Promettre ce qui est réalisable.» Sous cet angle, la surprise et l’ironie avec la quelle les Sénégalais, de l’intérieur comme de l’extérieur, ont accueilli la «promesse de Touba» en disent long sur l’applicabilité de ce projet en si peu de temps.
L’autre condition de l’expert d’Alstom pour que le Sénégalais lambda puisse avoir le choix de voyager en Tgv ou par un autre un moyen de locomotion, est non moins importante. «Il faut un besoin de transport qui se révèle adapté aux lignes grandes vitesses, en terme de mobilité et en terme de fréquentation des lignes qu’on veut construire.»
En clair, les autorités doivent, d’abord, s’assurer que toutes les rames seront remplies à chaque trajet. Ce qui reviendrait à mener une étude pour savoir le nombre de Sénégalais qui serait susceptible d’emprunter ce moyen de transport des plus modernes. Car, comme le prévient M. Mouton, «ce qui est important dans ce type de projet, il faut que l’exploitation de la ligne soit rentable».
Or, dans un pays où les trois-quart de la population préfèrent faire des centaines de kilomètres en car ndiaga-ndiaye plutôt qu’en taxi «sept places», histoire d’économiser 1000 à 2000 francs Cfa pour d’autres nécessités, il est difficile de prédire que les futures voitures de Tgv seront prises d’assaut. Sans compter les nombreuses installations electriques qui doivent jallonner tout le parcours du Tgv.
Mais, le nerf de la guerre, pour que cette ambition soit réalisée dans les temps, c’est évidemment le financement de ces sept Tgv annoncés. En effet, vu la cherté des trains, mais aussi le coût lié à l’installation d’infrastructures adaptées et à l’exploitation de ces rames, on peut dire que c’est là que réside toute la question. Qui de l’Etat ou du privé serait propriétaire ? En France, en tous cas, dans les premières années du Tgv, c’est l’Etat qui assurait le financement à 100 %. Mais, aujourd’hui, les nouvelles lignes sont bâties par des financements privés.
Dans le cas de notre pays, on peut imaginer que le président compte à nouveau mettre les pétrodollars du Moyen-Orient pour réaliser son nouveau rêve. Car, on voit mal comment le contribuable pourrait être mis à contribution pour l’accomplissement de ce projet à l’horizon fin 2011.
Mais, eu égard aux nombreuses péripéties et au grand retard accusé dans les chantiers de l’Anoci, il faudrait avant tout montrer patte blanche. Autrement dit, convaincre les mécènes arabes ou autres bailleurs internationaux que le Tgv au Sénégal, un rêve soudain, n’est pas une utopie en soi. Pour cela, il aurait fallu, au préalable, engager des experts avertis pour qu’ils puissent étudier la nature de notre sol, le tracé, la fréquentation… Bref, pour savoir quel type d’infrastructures peut-on bâtir. Et, c’est la condition préalable d’ailleurs pour estimer le vrai coût pour les sept Tgv.
D’ici là, une chose est, en tous cas, sûre : avant que le Tgv de Wade n’arrive à l’heure, il lui reste encore un long chemin de fer à parcourir entre le virtuel et… le réel. Et, ce n’est pas Alstom, qui assure n’avoir encore reçu aucune «demande formelle» qui nous démentira.
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