GESTION - A l’époque de belles performances : Quand tout n’était pas catastrophique pour Wade

Contrairement aux affirmations du chef de l’Etat depuis Paris, son gouvernement n’a pas toujours considéré la gestion des Ics comme «une escroquerie», bien au contraire. Les écrits des thuriféraires de l’Alternance sont là pour le prouver.

Depuis Paris, lors de sa dernière conférence de presse, tenue à la résidence de l’ambassadeur du Sénégal, le président de la République, parlant de la crise des Ics, a dit qu’il s’agissait d’un cas classique d’escroquerie et de tromperie, en assurant que dès la fin du rapport d’audit, il prendrait des mesures pour sanctionner les fautifs. Aussitôt, tous les thuriféraires du pouvoir se sont donné le mot pour mettre à l’index «la gestion gabegique de l’ancien pouvoir socialiste» en ce qui concerne les Industries chimiques du Sénégal. Cela, bien sûr, est contesté par l’opposition socialiste, et même par les progressistes de l’Alliance des forces de progrès, qui ont plutôt considéré que la faillite annoncée de l’une des toutes premières entreprises industrielles du Sénégal était le fait d’abord, des modèles de gestion plus politiques qu’économiques du pouvoir de Me Wade.

Et les faits semblent leur donner raison, lorsque l’on scrute aujourd’hui l’histoire récente. Les partisans de Me Wade se sont souvent disputés avec les tenants de l’ancien pouvoir sur les réailités économiques au lendemain de la prise de pouvoir par l’Alternance. Dans son ouvrage-bilan, intitulé, Le Sénégal au 1er avril 2000, le dernier Premier ministre du Président Abdou Diouf, M. Mamadou Lamine Loum, écrit à la page 95 : «Les entreprises du secteur des mines et de la chimie (Cspt, Sspt) entreront, à leur tour, dans la crise au milieu des années 80 jusqu’au lancement des Ics, nouvelle création majeure. Malgré tout, le secteur phosphatier, jusque-là grand pourvoyeur des recettes pour l’Etat, entre dans un cycle de déficit structurel provoqué par la situation des Ics qui durent leur survie à un endettement important vis-à-vis de l’Etat sénégalais au titre de la dette extérieure rétrocédée, lequel endettement sera finalement rétrocédée en ressource longue, puis en capital, après un retournement favorable consécutif à la dévaluation du franc Cfa. par la suite, une opération stratégique de fusion-absorption de la Cspt par les Ics, renforcera la tendance et parachèvera le redressement spectaculaire du secteur qui, par la même occasion, double ses capacités de production et d’exportation.»

L’ancien ministre du Budget ainsi que des Finances du gouvernement de M. Habib Thiam d’ajouter, à la page 98, op. cit : «Outre la privatisation de la Sspt (Société sénégalaise des phosphates de Thiès) en 1998, le secteur des phosphates a connu, en 1996, l’opération de fusion sus-mentionnée. Cette nouvelle société émarge, au premier rang des entreprises sénégalaises par la production, le chiffre d’affaires et les exportations. Elle est en passe de consolider cette position avec le doublement de la production d’acide phosphorique prévu dès mi-2001, production appelée à être sécurisée avec la mise en service du gisement de Tobène, après les investissements en cours. Avec ce projet, notre pays accroit le volume, la valeur et la qualité de ses exportations.» Pour M. Loum, l’avenir de l’entreprise se déclinait, pour les années qui devaient suivre, par la réduction des parts de l’Etat dans l’entreprise, à une minorité de blocage, après l’achèvement des programmes d’investissements laissés pendants par le pouvoir du Président Diouf.

L’on peut comprendre que ceux qui ont pris le pouvoir politique des mains des socialistes n’aient pas envie de donner de la gestion de ces derniers une image positive. C’est presque politiquement correct pour Me Wade de déclarer, lors de sa conférence de presse que : «Nous avons été trompés, l’entreprise a été négociée par des gens qui ne connaissaient rien dans la gestion. Voilà ce que nous avons hérité de l’ancien système socialiste.» Dire qu’il n’y a pas longtemps, le son de cloche en la matière était bien différent. Dans son livre-réponse à Abdou Latif Coulibaly, intitulé, Un procès d’intention à l’épreuve de la vérité, le groupe d’auteurs qui a travaillé sous la direction du Professeur Iba Der Thiam, vantant les louanges de Me Wade, interroge par défiance : «Qui a été à l’origine des performances des Ics entre 2000 et 2003 et obtenu la cotation en bourse de cette unité industrielle ?» Quelque part ailleurs, dans le même ouvrage, les auteurs déclarent que l’Alternance a favorisé l’augmentation des investissements, sous la forme d’extension et de renouvellement de nouvelles entreprises, telles que les Ics, Sococim, Nestlé Sénégal et autres.

Le Livre Blanc de l’Alternance précise que «les efforts du gouvernement ont permis… le suivi du programme d’invstissment des Ics, prévoyant le doublement de la capacité de production (300 à 600 000 t d’acide phosphorique)». En plus de cela, les deux papiers de mai 2004, publiés dans ce numéro, montrent que les Industries chimiques du Sénégal n’ont commencé à connaître de déficit sérieux que trois ans après l’Alternance, avec le changement de sa direction.