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Economie

LE SECTEUR DU CIMENT AU SENEGAL : Attention à la surcharge pondérale

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LE SECTEUR DU CIMENT AU SENEGAL : Attention à la surcharge pondérale

S’il est une industrie au Sénégal qui focalise beaucoup d’engouement chez les investisseurs, c’est bien celle du ciment. Après les intentions manifestées en 2007 du milliardaire nigérian Dangote d’injecter la bagatelle de 500 milliards de FCfa dans l’implantation d’une nouvelle cimenterie, la société Xewell, elle, a déjà posé sa première pierre (mars 2008) pour le même projet. Seulement, le terrain est déjà « miné » par une surcapacité qui risque de faire plus de tort que de bien, comme en atteste une analyse de la Sfi (Société financière internationale) qui investit dans le secteur depuis plus de 25 ans.

A priori, on pourrait se demander si les faramineux projets d’extension annoncés et initiés par les deux cimenteries qui sont déjà sur le terrain au Sénégal et dont l’aboutissement en 2011 porterait la capacité de production à  5 500 000 tonnes de ciment, ne seraient pas simplement un effet d’annonce visant à éloigner les potentiels concurrents dans un secteur très porteur pour ne pas dire juteux en termes de rentabilité. A postériori, il apparaît que l’arrivée annoncée de nouveaux projets de cimenterie au Sénégal est susceptible de compromettre durablement la viabilité des investissements en cours ou à venir, avec des conséquences sociales et économiques désastreuses.

C’est du moins ce que l’on peut tirer d’une analyse récente de la Sfi, filière de la Banque mondiale, qui investit depuis plus de 25 ans dans le secteur du ciment en Afrique de l’Ouest.

Parce que le ciment n’est pas la téléphonie, faut-il ainsi ouvrir le champ à une troisième cimenterie au Sénégal ? Le débat a été posé en 2007, il revient aujourd’hui à l’aune de l’intérêt accru que portent les investisseurs au marché local et international du ciment.

En 2007, le milliardaire nigérian, Aliko Dangote, PDG de Dangote Group qui, pour augmenter sa capacité au Nigeria à 26 millions de tonnes d’ici à 2010, avait même signé, avec Sinoma Engineering International, un contrat qui prévoyait la construction de six chaînes de production de ciment supplémentaires dans certains pays africains. Dangote Cement avait ainsi signé un accord de 1,85 milliards de dollars avec Sinoma pour la construction de trois nouvelles usines de ciment, une au Sénégal et deux nouvelles chaînes de production à Obajana Cement Plant, au Nigeria. L’accord portait ainsi l’engagement total de Dangote Cement pour une nouvelle capacité de production à plus de 5 milliards de dollars, avec Sinoma et d’autres fournisseurs.

Dans cette perspective, le Président Wade n’avait pas hésité à déclasser 3000 hectares de la forêt classée, Alou Kagne, au profit du projet du Groupe Dangote Industries, pour la construction d’une troisième cimenterie.

Coup de théâtre, voici qu’au mois de novembre dernier, le Groupe Dangote annonce à Sinoma son intention de « revoir » ses investissements dont le montant est supérieur à 3,25 milliards de dollars.

Est-ce la réalité du marché et du secteur sénégalais du ciment qui a échaudé l’investisseur nigérian ?

Cette réalité du secteur au Sénégal apparaît en tout cas comme un « cul de sac », si l’on en croît l’analyse faite par la Sfi, étant donnée une surcapacité prévue de 40% en 2011-2012, lorsque CDS(Ciments du Sahel) et Sococim Industries, les deux cimenteries déjà implantées au Sénégal, auront accompli leurs projets respectifs d’augmentation de leurs capacités. Dans ce cadre, rappelons que les deux sociétés ont bénéficié chacune de l’appui des bailleurs institutionnels. Sococim Industries s’est ainsi vu octroyer un prêt de 20 millions d’euros par la Sfi, tandis que les Ciments du Sahel ont signé, pour 130 milliards de francs CFA (197,6 millions d’euros), une convention de la phase d’extension avec l’Agence Française de développement (AFD), et la coopération allemande via la Société allemande d’investissement et de développement (DEG).

Si l’on en croît le rapport de la Sfi, ces deux sociétés en place produisent déjà quelque 2,9 MT de ciment dont 600 000 T exportées vers les pays voisins notamment le Mali. Si la consommation locale de ciment tourne autour de 2,3 MT (en 2007), elle devrait évoluer jusqu’à 3,1 voire 3,5 MT en 2012, à supposer un taux de croissance de 6 à 8%.

Une fois les projets d’extension des deux cimenteries existantes aboutis, la capacité de production de ciment au Sénégal sera ainsi portée à 5,5 MT en 2011, d’où une surcapacité de production de l’ordre de 1 à 2 millions de tonnes entre 2012 et 2015.

Dans un tel contexte, deux gros problèmes se dégagent : d’abord la nécessité de faciliter les infrastructures routières, ferroviaires et portuaires pour une meilleure distribution du produit et une meilleure réception des matières premières achetées (fuel, équipements de construction, etc…) ; cette question est aussi liée à la nécessité d’une réduction des coûts des facteurs techniques de production qui semblent obérer la compétitivité des entreprises. Des facteurs basiques sans l’amélioration desquels les sociétés de ciment au Sénégal auront des difficultés à fonctionner à des capacités d’utilisation de plus de 70 voire 80% après 2011-2012.

Dans quelles conditions ?

Ensuite et c’est le deuxième gros problème, l’idée d’une troisième cimenterie laisse plutôt perplexe et la Sfi va plus loin en soutenant même que cela « aggraverait » la situation de surcapacité et de sous utilisation, compromettant le secteur et mettra à risque toutes ses parties prenantes. Même si un surplus de l’offre serait tout bénef pour le consommateur moyen ? Le rapport de la Sfi n’aborde pas la question, mais on peut supposer qu’avec le niveau de la consommation, cela ne changerait pas grand’ chose de ce côté-là d’autant plus que, comme on l’a dit plus haut, les coûts de production dans ce secteur sont jugés très élevés (20% de plus qu’au Nigéria, 40% de plus qu’en Algérie). Sur le marché à l’export, c’est une donnée qui posera lourd sur la compétitivité des entreprises locales face à leurs concurrentes notamment les multinationales qui gravitent autour. Aussi, même sur ce marché à l’export, les choses pourraient vite tourner à la « catastrophe » si et tel que cela semble être la tendance, le marché régional se contracte d’ici peu du fait des projets d’implantation de cimenterie ici et là, au Mali, par exemple.

Néanmoins, allons un peu dans la comparaison pour relativiser l’analyse de la Sfi sur la question, en considérant par exemple qu’un pays comme la Tunisie dispose aujourd’hui de pas moins de 7 usines de production de ciment tandis que son voisin marocain en est à 9 usines. L’explication apparaît en fait très simple. Le marché marocain consomme quelque 11 millions de tonnes par an et la demande est sans cesse croissante de sorte que, pour couvrir les besoins grandissants de ce marché, il faut construire une unité de production par an. Comparé à un marché d’à peine 2,5 millions de tonnes, y a pas photo.

Quant à la Tunisie, les sept cimenteries du pays produisent chaque année 6,9 millions de tonnes soit une augmentation de la production de ciment de 3% en 2006. Cette évolution est venue satisfaire les besoins d’une demande intérieure et extérieure en croissance continue. A titre d’exemple, les exportations totales de ciment se sont élevées à 1,4 million de tonnes (+11,7%).

En outre, dans ces pays, il a été pris en considération plusieurs facteurs dont le voisinage des centres de consommation, le développement équilibré de toutes les régions du pays et particulièrement la proximité des gisements de matières premières et l’existence des infrastructures nécessaires. Ce qui n’est pas le cas au Sénégal où, dans l’état actuel des choses, seule la satisfaction et l’amélioration des besoins en logistique et d’autres facteurs techniques pourraient justifier l’implantation de nouvelles cimenteries.



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