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Economie

Oumar Sarr, conseiller juridique de l’Armp : ‘La dérogation accordée à l’Apix en matière de contrôle casse la cohérence du Code des marchés publics’

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Oumar Sarr, conseiller juridique de l’Armp : ‘La dérogation accordée à l’Apix en matière de contrôle casse la cohérence du Code des marchés publics’
Le conseiller juridique de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) relève une contradiction dans la loi 2007 qui accorde une dérogation à l’Agence nationale de promotion des investissements et des grands travaux de l’Etat (Apix) par rapport celle de 2006. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, en marge d’un atelier d’information sur les marchés publics, Oumar Sarr tire une conséquence à cette dérogation qui permet à l’Apix de passer des marchés publics sans être contrôlée par l’Armp. Ce qui casse la cohérence du Code des marchés publics. Pour lui, il aurait suffit un aménagement pour permettre au code de garder sa cohérence. Cette incohérence pourrait être dommageable à l’investissement direct étranger parce que ne rassurant pas l’investisseur qui a besoin d’une garantie juridique et judiciaire pour placer son argent.

Wal Fadjri : Pouvez-vous revenir sur les contradictions de la loi 2007 qui accorde une dérogation à l’Apix en matière de contrôle des marchés ?

Oumar SARR : Le Code des marchés publics a été conçu pour regrouper l’ensemble des achats qui sont effectués par les acheteurs publics. Tout cela a eu lieu à la suite de la mise en œuvre des directives de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa). Il s’agit de deux directives en matière de passation des marchés publics et aussi en matière d’organe compétent pour contrôler ou réguler le système de passation des Marchés publics (Mp). Et pour mettre en œuvre ces directives, le Sénégal a fait voter une loi en 2006 pour modifier le Code des obligations de l’administration. Dans ce code, on a intégré un mécanisme juridique qui était consacré comme mécanisme de passation des contrats, la délégation des services publics et les contrats de partenariat public/privé. Dans la même loi, il a été mis en place un organe chargé de la régulation des Mp. Dans ses attributions, cet organe devait effectuer un contrôle a posteriori sur la passation des Mp et devait également intervenir comme organe réglant les litiges qui peuvent intervenir lors de la passation des Mp. Donc, son champ d’intervention concernait les Mp, les délégations de services publics et les contrats de partenariat public/privé.

De quel organe s’agit-il ?

Il s’agit du Comité de règlement des différends (Crd) qui est un organe au sein de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp). Cette autorité a été créée par la loi de 2006 qui a modifié le Code des marchés publics. Et cette loi, qui est postérieure à la loi qui avait créé l’Agence nationale de promotion des investissements et des grands travaux de l’Etat (Apix) comme entreprise publique, a dit dans son article 25 que ‘tout ce qui concerne la passation des Mp et l’exécution se trouve réglementé par le Code des marchés publics. Et qu’il n’y a pas de dérogation pour une personne publique et qu’il n’y a pas de dérogation particulière à une catégorie de services ou de travaux ou de fournitures. Et que, donc, tout est compris dans le code et s’il y a exception, celle-ci doit rester au sein du Code des marchés publics’.

Mais il se trouve que la loi de 2007 transformant l’Apix en société anonyme a créé deux sortes de dérogations au profit de ladite agence. La première dérogation concerne les entreprises publiques et les sociétés anonymes qui sont créées par l’Etat et qui étaient soumises à la loi 90-07 relative au contrôle des établissements publics et les sociétés nationales. Donc la loi créant l’Apix Sa dit que cette loi n’est pas applicable à celle-ci.

S’agissant du deuxième niveau de dérogation, il s’agit des marchés qui sont relatifs aux prestations de services. La loi a dit que pour ce qui concerne les marchés, qui sont passés par l’Apix Sa, ce sont des marchés qui sont faits pour bien vendre la destination Sénégal. Par conséquent, ces marchés ne sont pas soumis au Code des marchés publics.

Est-ce que cette loi de 2007 n’entre pas en contradiction avec celle de 2006 ?

Cela constitue à la limite une contradiction à la disposition du Code des obligations de l’administration. Celui-ci disait qu’il ne peut pas y avoir une dérogation particulière à un acheteur public ou à une catégorie de service au profit d’un acheteur public.

Quelles sont les conséquences qui peuvent découler de cette contraction ?

Cette contradiction est de nature à casser la cohérence qui avait été créée avec la loi de 2006 et le Code des marchés publics qui avait mis en place un système unifié de passation des Mp, des délégations de services publics et des contrats de partenariat public/privé.

On dit que le marché des services relève du Code des marchés publics. Et la dérogation qui est accordée à l’Apix Sa concernant les marchés liés au marketing, ce sont des opérations qui concernent les services. Dès l’instant qu’elles entrent dans le cadre des services, à défaut d’avoir des éléments qui montrent que c’était nécessaire d’accorder cette dérogation, je ne peux pas me permettre de spéculer là-dessus.

Par contre, en tant que technicien, je vois que le système qui a été mis en place à partir de 2007 et qui était devenu un système cohérent, on risque de perdre sa cohérence. Il risque d’être galvaudé.

A votre avis, quels sont les motifs qui justifient cette dérogation accordée à l’Apix ?

Je n’ai pas eu accès à l’exposé des motifs de la loi accordant cette dérogation à l’Apix Sa. Mais ce serait intéressant d’interroger l’Apix Sa ou bien ceux qui ont fait cette loi… Maintenant si c’est fait dans le désir de permettre à l’Apix d’être suffisamment opérationnelle, je pense que la dérogation aurait pu, conformément aux dispositions de la loi de 2006, être intégrée au Code des marchés publics. On n’avait pas besoin d’une loi. Il suffisait de trouver un aménagement par décret au sein du Code des marchés publics pour que le système puisse garder sa cohérence.

Si vous prenez le Code des marchés publics, l’article 2 énumère les acheteurs publics qui sont soumis à ce dispositif. Et l’article 3 dit quand bien même les exceptions qui y sont apportées, c’est-à-dire les marchés pour lesquels on ne doit pas appliquer ce code. Je peux prendre, en exemple, le cas du mobilier national qui peut participer à des enchères. Donc là, le code ne s’applique pas. Autre exemple : les missions diplomatiques sénégalaises, quand elles font des achats à l’étranger, le code ne s’applique pas à ces achats-là qui sont des achats publics qui sont faits sur financement public sénégalais.

Est-ce que c’est pour permettre à l’Apix Sa d’attirer des investisseurs étrangers qu’on lui a accordé cette dérogation ?

L’Apix a certainement attiré des investissements très lourds dans ce pays. Le Sénégal, de tout temps, pour attirer des investisseurs, a donné des facilités fiscales, douanières et même des facilités pour l’implantation des investisseurs étrangers dans ce pays. Malgré tout, on voit que le résultat escompté n’a pas été atteint. Et le plus souvent, quand vous interrogez les investisseurs étrangers, ils vous disent que ‘ce qui nous rassure beaucoup plus, c’est qu’on ait une situation juridique et judicaire stables ; qu’on sache que quand on vient dans ce pays, si quelque chose se passe et qu’on s’adresse à la justice, qu’on puisse nous dire que telle loi sera appliquée’.

Alors cela suppose d’abord qu’il y ait une stabilité juridique et judiciaire et que le système reste cohérent. C’est-à-dire qu’on ne multiplie pas le nombre des acteurs et les dispersent. Un investisseur étranger, qui vient au Sénégal, veut savoir d’abord quand il a un problème à qui il va s’adresser. Mais s’il ne sait pas, avec une multitude d’acteurs, à qui s’adresser, il n’est pas tenté de venir investir. Après tout, ce qu’il veut, c’est que son investissement soit garanti. S’il n’a pas de garantie, quelles que soient les facilités qu’on lui donne, il ne viendra pas.

Et le Conseil des infrastructures, est-ce qu’il ne constitue pas un doublon avec l’Armp ?

Non. Il faut dire que le Conseil des infrastructures a existé avant l’Armp parce qu’il a été créé en 2004, si mes souvenirs sont bons. Selon la loi, c’est un organe consultatif qui donnait son avis sur des questions d’opportunité, la régularité de la procédure et sur ce qui est envisagé. On voyait que le Conseil des infrastructures était même partie prenante dans la commission des marchés. Mais tout récemment, il y a eu une modification de la loi instituant le Conseil des infrastructures qui fait que celui-ci ne peut plus participer à la commission des marchés. Il a maintenant compétence pour statuer sur les litiges nés de l’attribution des contrats de partenariat public/privé.

C’est à ce niveau que la question du doublon peut se poser par rapport à l’Armp. Et je ne le crois pas. Parce que, si on veut interpréter positivement la loi qui donne compétence au Conseil des infrastructures pour statuer sur les litiges nés de l’attribution des contrats de partenariat public/privé, on peut constater que cela ne concerne qu’une compétence résiduelle. Et l’Armp a une compétence générale sur les Mp. C’est une sorte d’exception qu’on lui donne mais qui n’empêche pas l’Armp de statuer parce qu’elle reste compétente.

Qu’en est-t-il du Centre d’arbitrage et de conciliation qui est logé à la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Dakar ?

Nous n’avons pas le même champ d’intervention. L’Armp intervient beaucoup plus pour des contentieux qui sont nés lors de la passation des Mp. Or, l’arbitrage n’intervient que lorsqu’il y a des difficultés dans l’exécution d’un contrat. Cela suppose que le contrat est déjà formé. L’intervention de l’Armp se situe avant l’exécution du contrat. En ce moment, on prépare le contrat. Et c’est une des clauses du contrat qui prévoit, dans le cas d’un litige, que celui-ci sera soumis à un centre d’arbitrage. Or, on n’est pas encore à ce stade-là. De sorte qu’il n’y a pas de possibilité de concurrence entre l’Armp et le centre d’arbitrage. Si les parties décident que quand il y a un litige qui va naître au cours de l’exécution du contrat, que ce litige ne sera pas soumis aux juridictions compétentes mais plutôt à un arbitre, cela veut dire que les parties ont opté pour ça. Et l’Armp n’a pas de compétence pour s’imposer aux parties.



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