Les travaux de réalisation de l’autoroute à péage ont un impact social et économique significatif, en donnant un coup de fouet au secteur du commerce et de l’immobilier. Une tournée dans les localités de Sangalkam, Keur Ndiaye Lo, Zac de Mbao, permet de s’en rendre compte.
Les travaux de réalisation du tronçon Pikine-Diamniadio de l’autoroute à péage sont en cours. Plusieurs jeunes travaillent dans les chantiers. Les camions transportant de la latérite y déversent leur contenu. Le soleil est au zénith. Il fait chaud. Le vrombissement du moteur de ces gros porteurs provoque une pollution sonore dans la zone. Les travaux se poursuivent. Les mesures de sécurité sont respectées.
« Nous en sommes au stade où nous devons réaliser la base pour stocker nos agrégats et tout ce qu’est matériel Eiffage. Ici, c’est Rufisque-Est et plus loin, il y aura une autre base. Les travaux évoluent de Diamniadio vers Pikine », soutient le technicien supérieur Khalilou Ezzan.
En face du Quartier général surnommée « Maison blanche », (c’est lié à la couleur blanche des zincs et des murs), le couple Ndour a érigé son restaurant. Mme Ndour, née Pourma Dacosta vend le petit déjeuner et le déjeuner. Le couple habite à Keur Ndiaye Lo. Le prix du déjeuner varie entre 250 F et 300 F. Alors que le plat du jour coûte 500 F Cfa. Nombreux sont les ouvriers qui sont abonnés au restaurant. Ibrahima Ndour est un ancien militaire à la retraite.
« Ces chantiers constituent une source de revenus aussi bien pour les ouvriers mais aussi pour les habitants des localités environnantes », indique M. Ndour. L’électricien Babacar Diop est aussi un abonné du restaurant. « Le prix est abordable. Les plats sont bien faits et propres. Les ouvriers que nous sommes se réjouissent de leur présence ici », commente-t-il.
Une aubaine pour les promoteurs et les ouvriers
Plus loin, Agnès Yade, qui habite Diamniadio, est vendeuse de petits mets. La quarantaine, elle vend aux ouvriers des chantiers de l’arachide, des beignets de couscous « sousseul », des bouillies comme le « ngalakh » et le « thiakry » et du lait caillé. Assise à l’ombre d’un arbre, Agnès Yade est choyée par tous les ouvriers. Quelques-uns parmi eux lui tiennent compagnie sous l’arbre, le temps de combattre la faim. « Agnès, s’il te plait, je suis pressé et je veux du « sousseul et du lait caillé », lance Mouhamed Sylla conducteur de camion. La dame s’active à satisfaire son client. Chaque jour, elle dépense 11.000 FCfa et réalise un bénéfice de 6.500 FCfa. « Les chantiers nous permettent de fortifier notre petit commerce pour mieux supporter nos charges familiales. Auparavant, je réalisais peu de bénéfice. Je rends grâce à Dieu et remercie le président Wade. Même si nous, les « goorgorlus » (démunis), n’avons pas les moyens de prendre l’autoroute à péage, force est de reconnaître qu’il y aura moins d’embouteillages pour entrer dans Dakar. Ça permet de gagner du temps et d’économiser de l’argent. Cet ouvrage est une aubaine pour nous les habitants de la banlieue lointaine », indique Agnès Yade, visiblement réjouie. « Pour l’essentiel, les aliments de Agnès sont faits à base du mil, de la patte d’arachide et du lait. Ils sont consistants et efficaces contre la faim contrairement au riz. En plus, ce qu’elle vend est propre et à bon prix », commente l’ouvrier Khadim Diaw en dégustant son « thiakry ». Les prix des sachets varient entre 100 et 200 FCfa.
Quant à Khady Sow, une habitante du quartier Diorga à Rufisque-Nord, elle vend sur le site des jus de bissap, de tamarin, de pain de singe. Elle réalise un bénéfice de 1.000 FCfa. Alors que son voisin, Abel Diène, qui a été contractuel sur les chantiers, réalise un chiffre d’affaire de 2.300 Cfa par jour en vendant du « café touba », des cigarettes, des bonbons, des arachides, des biscuits, de la cola.
Conducteur bétonnière, Mouhamed Diallo paie 18.000 FCfa par mois pour se restaurer tous les jours sur le site. Marié et père de deux enfants, une fille et un garçon, il habite à Rufisque-Est. Employé de Fougerolles devenu Eiffage depuis 1997, M. Diallo soutient que les travailleurs bénéficient d’un bon traitement salarial. En plus d’un Contrat à durée déterminée (Cdd), il souhaite bénéficier d’un Cdi (Contrat à durée indéterminée) pour plus de sécurité.
Conducteur de Car « Ndiaga Ndiaye », Farba Sarr avoue que grâce au premier tronçon de l’autoroute à péage, il a triplé son chiffre d’affaires sur le trajet, Thiaroye-Sandaga.
« Avec moins d’embouteillages, la quantité de carburant que je dois acheter a sensiblement diminué. Maintenant, nous gagnons plus d’argent. Imaginez quand le tronçon Pikine-Diamniadio sera livré au trafic ; ce sera le jackpot tous les jours », dit-il en souriant.
Le promoteur immobilier El Hadji Mamadou Touré révèle que la réalisation de l’autoroute à péage Pikine-Diamniadio a provoqué la flammée des prix dans l’immobilier dans les zones longeant cette infrastructure. Deux ans auparavant, avec 500.000 Fcfa, l’on pouvait obtenir une parcelle de 150 m2. Aujourd’hui, le prix a grippé entre 1,5 à 2 millions de FCfa. « J’ai passé des années en Europe. L’autoroute à péage est une nécessité aujourd’hui pour résoudre définitivement le problème de la mobilité interurbaine entre Dakar et sa banlieue lointaine. Les embouteillages nous font perdre des milliards de FCfa par an. C’est une catastrophe qui ne peut pas continuer. L’impact social de cette autoroute est incommensurable » affirme-t-il, avant d’ajouter que les générations futures « diront mille fois merci au chef de l’Etat ».
Les prix du loyer et du foncier ont plus que doublé
Mamadou Touré qui dit ne militer dans aucun parti politique de continuer : « pour avoir vécu en Europe pendant des années, je connais l’importance des infrastructures routières pour le développement d’un pays. Les hommes passent mais le Sénégal demeure. Ceux qui viendront après nous auront d’autres défis à relever en ayant surtout la possibilité de se déplacer. Sans les routes de ce genre, les dakarois seront des prisonniers d’ici deux décennies notamment avec la démographie galopante ». Il a qualifié l’autoroute à péage de « révolution infrastructurelle » dont les retombées dans l’immobilier créeront des emplois et des richesses. M. Touré souligne que nombreux sont les hommes d’affaires qui cherchent des terrains dans la zone de Sangalkam pour investir dans l’immobilier.
« Dans quelques années, les localités de Sangalkam-Rufisque-Diamniadio-Dias (avec l’aéroport international de Blaise Diagne) deviendront une zone économique avec des cités d’affaires. C’est pour vous dire que personne ne peut mesurer l’impact économique et social de l’autoroute à péage », confie-t-il. Il s’y ajoute que les agences immobilières commencent déjà à se bousculer dans la zone.
Commerçant grossiste au quartier Zac Mbao, Badara Lô affirme que la réalisation de l’autoroute à péage est, plus que jamais, une aubaine pour les populations de la banlieue. « Tous ceux qui ont des parcelles et qui hésitent à construire vont désormais bâtir leur maison. Je donne l’exemple de la coopérative d’habitat du « Soleil » dont les parcelles ne sont pas encore transformées en logement. Plus il y a du monde, plus le commerce devient florissant. Ce qui engendre, sans nul doute, la création de richesses », se réjouit-il. Quelques années auparavant, la parcelle de 150 m2 valait 3 millions FCfa. Depuis l’avènement de l’autoroute à péage, les prix ont grimpé à 6 millions de FCfa.
Notable et première habitante de Zac Mbao, Mme Dado Mar rapporte que le loyer est devenu un casse-tête dans cette zone. Mme Mar, qui doit 6 mois d’arriérée de location à son logeur, en raison de 75.000 FCfa par mois, a déploré le déficit de législation dans le secteur immobilier. Elle est sous la menace d’une ordonnance d’expulsion du cabinet de l’huissier commis par son bailleur. « La face hideuse de l’autoroute à péage sera, dans quelques années, une boulimie foncière suivie d’une inflation des loyers. Cette anarchie s’annonce déjà. Il faut que l’Etat mette de l’ordre dans le secteur de l’immobilier sinon la question du logement demeura toujours un cauchemar pour les habitants de la banlieue », a précise la vieille Dado Mar.
Ultime avantage : les habitants du quartier derrière la Sips (Société industrielle de papeterie du Sénégal) considèrent que l’autoroute à péage comme une solution à leurs problèmes d’assainissement. Selon les témoignages recueillis, l’Apix a promis la restructuration de ce quartier mal loti. L’assainissement étant un processus par lequel des personnes peuvent vivre dans un environnement plus adéquat, des moyens physiques, institutionnels et sociaux sont mis en œuvre dans différents domaines, tels que l’évacuation des eaux usées et de ruissellement, l’évacuation des déchets solides, l’évacuation des excréments et le traitement de tous ces éléments.
Tous les propriétaires de maisons délocalisées seront indemnisés, y compris les locataires. Habitante à Sips, Ndèye Thiam s’est réjouie de la réalisation de l’autoroute à péage, soulignant que l’assainissement va régler beaucoup de problèmes sociaux, notamment l’insalubrité dans ce quartier.
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