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Economie

YOUSSOUPH SAKHO, DG DE L’ARMP : « La limitation du gré à gré a permis d’économiser 250 milliards de francs Cfa »

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YOUSSOUPH SAKHO, DG DE L’ARMP : « La limitation du gré à gré a permis d’économiser 250 milliards de francs Cfa »

L’Autorité de Régulation des marchés publics (ARMP) est l’instrument complémentaire de la Direction générale des marchés publics (DCMP). Son directeur général revient ici avec nos reporters sur les missions de cet outil de bonne gouvernance créé dans le cadre des réformes engagées parallèlement à l’adoption d’un nouveau code des marchés.

Quelle est l’articulation entre l’Armp et la Dcmp et peut-il y avoir conflit dans la conduite de vos missions ?

En fait, la création de l’Armp et de la Dcmp découle de la transposition de la directive de l’Uemoa qui a décidé de faire en sorte que les fonctions de contrôle et d’audit soient séparées des fonctions de régulation. Dans la réglementation antérieure, la Cnsa avait cette mission de contrôle et en même temps de régulation. L’autorité de régulation des marchés publics est responsable du suivi du respect de la réglementation, du règlement des litiges, du contrôle à posteriori avec les audits qui sont en train d’être bouclés, mais aussi de la formation des acteurs des marchés publics et des délégations de services publics et de contrats de partenariats. Quant à la Dcmp, elle est un organe de contrôle à priori. Après attribution des marchés, c’est aussi elle qui donne un avis juridique sur les contrats qui sont soumis à l’approbation du ministre des Finances. Voila, il ne peut donc y avoir de conflit parce que ce sont des missions complémentaires.

L’actualité ce sont ces marchés suspendus, cassés ou annulés. Peut-on savoir dans quelles proportions et les griefs reprochés aux autorités contractantes ?

L’Armp est saisi par les entreprises et les autorités contractantes d’un certains nombres de recours. Aujourd’hui, nous avons rendu au total à peu près 150 décisions qui concernent toutes les étapes de la passation : les dossiers d’appel d’offre, les décisions d’attributions qui sont incriminées et les actes qui sont posés par les autorités contractantes pendant l’exécution des marchés. Il ressort des statistiques qu’à peu près la moitié des acteurs qui introduisent des recours ont gain de cause, et l’autre moitié est déboutée. Cela veut dire que nous sommes amenés dans plusieurs cas à prendre des décisions d’annulation, pour clauses discriminatoires, notamment. Il y a des autorités contractantes qui mettent dans les critères de qualification, des clauses qui excluent une catégorie d’acteurs, lesquels saisissent l’Armp qui se prononce en fonction des dispositions de la loi. Comme vous le savez, le code des marchés est basé sur trois principes : l’équité dans le traitement des candidats, le libre accès à la commande publique et la transparence dans les procédures de passation des marchés. Si un candidat juge qu’un de ces trois principes n’est pas respecté, il lui est loisible de saisir l’autorité de régulation des marchés publics. Il nous est arrivé également de casser des décisions d’attribution. Quant une autorité contractante attribue un marché sur la base de critères non annoncés dans le dossier d’appel d’offres, par exemple. Dans bien des cas, nous avons été amenés à annuler des décisions. Quelquefois, nous prenons aussi des décisions provisoires permettant d’apporter des correctifs à la procédure, si cette dernière peut être sauvée ; mais il y a des violations de la procédure qui sont significatives, substantielles, par exemple lorsque le délai de préparation des offres n’est pas respecté. Dans ces conditions, nous procédons à l’annulation de la procédure et sa reprise totale. Alors que les décisions provisoires portent sur une injonction à reprendre l’évaluation de l’offre sur la base de bons critères.

Peut-on avoir une idée globalement sur les audits, notamment sur le système du choix aléatoire ?

Sur le déroulement des opérations, oui ; mais sur les résultats, il faut attendre d’abord le dépôt du rapport définitif et sa validation par le conseil. Alors, nous n’avons pas voulu être subjectifs dans le choix des entreprises à auditer. La sélection des autorités contractantes à auditer est basée sur deux postulats : faire en sorte qu’aucune autorité contractante ne soit exclue délibérément et faire en sorte qu’aucune autorité ne soit visée délibérément. C’est pourquoi, nous avons mis en place une procédure de sélection avec des critères qui sont fonctions de l’importance du budget de chaque structure. Les autorités contractantes qui ont un budget supérieur à dix milliards, doivent être auditées systématiquement chaque année. En fonction maintenant de la tranche où se situe son budget, entre dix et cinq milliards, 50% des autorités contractantes sont sélectionnées sur une base aléatoire pour être auditées, grâce à un logiciel que nous avons mis au point. De même, entre cinq et un milliard, on prend les 25% et c’est le même principe. Les communautés rurales aussi qui gèrent des budgets très faibles, sont également visées. L’expérience montre que c’est les petits marchés qu’il y a le plus de violations des règles de passation. Avec cette méthodologie, nous avons sélectionné cette année, 80 autorités contractantes. Les rapports doivent être bouclés avant la fin du mois de décembre et les synthèses de ce rapport vont être publiées. Ce qui est important dans les audits, ce n’est pas le simple fait de mettre en évidence la violation du code des marchés, mais plutôt les actions qui vont être menées pour corriger les dysfonctionnements notés. De faire en sorte que les violations de la réglementation revêtent une proportion moins importante. C’est pourquoi nous avons mis sur place un dispositif de suivi des recommandations des audits, intégré à notre système intranet, pour permettre une évaluation périodique de l’application de la mise en œuvre des recommandations. Nous ne voulons pas considérer le programme d’audit comme un programme de gendarme ou mettre l’accent sur les aspects répressifs. Nous voulons surtout tirer les enseignements des audits pour renforcer les capacités institutionnelles des autorités contractantes.

80 autorités contractantes auditées, c’est beaucoup de boulot. Est-ce que l’Armp à les moyens financiers et physiques de sa politique. Y a-t-il des résistances ?

Nous avons divisé les autorités contractantes en trois lots. Des lots constitués entre 25 et 30 autorités contractantes. Chaque lot a été attribué à un cabinet qui a été sélectionné à la suite d’un appel d’offre international. Pour cette année, les audits ont été financés par la Banque mondiale à travers le programme de promotion des investissements privés. Conformément aux procédures pour les contrats, nous nous sommes conformés entièrement aux dispositions des directives de la Banque mondiale en matière de passation de marché. Nous avons sélectionné les cabinets en fonctions de ces dispositions. D’une manière générale, les audits se sont très bien passés, les entreprises contractantes ont donné suite aux requêtes des auditeurs, à part quelques cas liés à l’indisponibilité de certaines autorités contractantes ou certains cas de force majeure. On remarque même une volonté chez certains acteurs d’améliorer leurs procédures de passation de marché. Les requêtes qui émanent des autorités contractantes sont très nombreuses et, avec l’appui de certains bailleurs de fonds, notamment la Banque mondiale, le Canada par l’intermédiaire de l’appui budgétaire, cette année, comme l’année dernière, ce sont à peu près 2.000 autorités contractantes qui ont été formées.

Quels sont de manière générale les problèmes que vous rencontrez, les griefs que vous avez par rapport au marché ?

Les problèmes qu’on rencontre sont liés à la faiblesse des capacités institutionnelles des cellules des marchés qui constituent l’épine dorsale du système à l’intérieur d’une autorité contractante. C’est pourquoi d’ailleurs nous allons faire une évaluation pour proposer des textes et des outils de gestion, notamment un manuel de procédure pour leur aider à bien remplir leurs fonctions surtout de contrôle interne. Aujourd’hui, une bonne charge du travail de contrôle effectué par la Dcmp pourrait revenir aux cellules des marchés qui peuvent dégrossir un peu les dossiers avant transmission. La plupart des contraintes que nous avons vécues au niveau du code, sont de trois catégories. Il y a les contraintes dues à une absence de maîtrise du code. Elles sont en train d’être levées progressivement avec l’intensification de la formation. Nous avons des contraintes dues à des imprécisions qui ont été relevées dans le code qui est à parfaire. D’ailleurs, nous sommes en train de procéder à une relecture du code. Enfin, nous avons un certain nombre de contraintes dues au statut spécifique de certaines autorités contractantes, notamment les universités qui sont des établissements publics ayant à leur sein d’autres établissements publics que sont les facultés. Nous avons aussi des difficultés à identifier des autorités d’approbation pour certaines autorités contractantes comme la caisse de dépôt. Ce sont des problèmes dont la résolution n’était pas évidente dans la situation actuelle. A force d’interprétation et d’application de la jurisprudence, nous sommes parvenus à régler un certain nombre de problèmes en attendant le toilettage du code.

Maintenant, en cas d’annulation, est-ce qu’il y a des recours ?

Ah oui ! Vous savez, les décisions de l’Armp sont des actes administratifs ; il ressort même des droits constitutionnels du citoyen de disposer de possibilités de recours contre tout acte administratif. Les décisions de l’Armp sont définitives et exécutoires, mais elles peuvent faire objet de recours auprès de la Cour suprême, en l’occurrence la Chambre administrative. Avant la réforme, c’était le conseil d’Etat. Sur ce point, je dois dire que sur les cent cinquante décisions que nous avons rendues, il n’y a que deux qui ont été remises en cause au niveau de la Cour suprême.

La réforme a aidé à lutter efficacement contre marché de gré à gré, est-ce qu’on peut savoir les estimations des économies réalisées dans ce cadre ?

Récemment, on a organisé un séminaire d’évaluation du code des marchés, et dans le rapport de la Dcmp, il y avait une tentative d’évaluation de l’impact financier de la réduction des marchés par entente directe. Je n’ai pas de chiffres en tête, mais il est consultable sur le site. Il y a deux repères qu’il faut relever ; dans l’ancien système, il y a des autorités contractantes qui passaient plus de 75% de leur marché par entente directe. Aujourd’hui, avec le nouveau système, le gouvernement du Sénégal s’est engagé à plafonner les marchés par entente directe à 20% du volume globale des marchés. Un suivi très rigoureux est fait par la Dcmp par trimestre. Il y a des trimestres où le taux des marchés par entente directe tourne autour de 7%, il y a des trimestres où il est à 13% et l’on s’achemine à un taux de - 20%. Je pense que le plafond ne sera pas atteint cette année, il n’a pas été atteint en 2008. Il y a eu alors une réduction drastique. Le deuxième repère est illustré par un marché d’une autorité contractante qui voulait le passer par entente directe, la Dcmp a donné un avis défavorable et a demandé à l’autorité contractante de passer par un appel d’offre ouvert. L’autorité contractante a fait un appel d’offre ouvert, mais a fait un seul lot. Un lot de plus de deux milliards. Il y a eu un recours auprès de l’Armp de quelques Pme qui se sont senties exclues du fait des critères de caution trop élevée. L’Armp a estimé effectivement que cet alourdissement était disproportionné et qu’on pouvait faire plusieurs lots, ce qui a été fait. Je pense qu’il y avait une économie de près d’un milliard, du simple fait de recourir à une autre procédure. Un marché par entente directe est par définition plus cher qu’un marché qui résulte de la concurrence. Selon les statistiques, le montant des marchés publics, les années passées, avoisinait 700 milliards. On se rend compte que depuis l’instauration du nouveau système, on ne parvient pas à dépasser un montant de 450 milliards. Il y a alors une réduction drastique des coûts, une plus grande efficacité dans les modalités d’exécution des dépenses publiques. Ce qui est dû à une plus grande transparence imposée par le nouveau code des marchés.

Est-ce que vous avez des entreprises modèles et des entreprises qui cherchent toujours à passer à travers les mailles du filet ?

Nous n’avons pas catalogué les acteurs. Nous avons simplement, et c’est ça notre rôle, sanctionné les violations de la réglementation. L’Armp est compétente pour sanctionner un acteur, un seul candidat au marché public, mais nous n’avons pas sanctionné une autorité contractante. En ce qui concerne ces dernières, notre autorité se limite à la sanction des actes. Nous pouvons, par exemple, annuler une décision prise par une autorité contractante alors que pour les entreprises, notre compétence s’étend à la sanction. Je crois que nous avons eu à suspendre un certain nombre d’entreprises pour six mois, pour deux ans ; il y a même une entreprise qui a été suspendue pour dix ans des marchés publics pour fraude substantielle, notamment la falsification d’une caution qui lui a permis de toucher des avances assez importantes. Et nous publions à chaque fois la liste des entreprises sanctionnées qui ne doivent pas accéder, pendant une période, au marché public au Sénégal. Nous faisons en sorte que toutes les entreprises soient des entreprises modèles.

Souvent, les Pme disent que les appels d’offres sont faits de sorte qu’elles sont exclues, elles font notamment référence au chiffre d’affaire réalisé... ?

Oui, çà c’est vrai, mais il y a deux choses. Il y a la qualification et la classification des entreprises. Il y a dans ce sens une commission logée au ministère de l’Habitat. Dans le domaine des Btp, les entreprises sont classées en fonction de leur envergure, du chiffre d’affaire, du personnel, des moyens, d’une manière générale. Et, les appels d’offre doivent s’adresser en fonction de leur importance à des catégories d’entreprises ; il faut dire que le système n’est pas tout à fait opérationnel. C’est pourquoi, en rapport avec la commission de classification, nous avons élaboré les termes de référence d’une étude diagnostic du système qui va déboucher sur de nouvelles propositions de renforcement de cette commission et avec des mesures qui tendront à rendre cette mesure plus opérationnelle. Cette étude va démarrer avant la fin du premier trimestre de 2010. Cela permettra de gérer les catégories de façon beaucoup plus rigoureuse. En attendant, les entreprises qui s’estiment lésées peuvent saisir l’Armp. Je le rappelle, 50% des entreprises qui ont saisi l’Armp ont eu gain de cause. Il n y a pas de favoritisme, les décisions sont prises sans aucun critère en dehors des dispositions réglementaires et législatives.

On est en train d’ailleurs de préparer une circulaire que nous allons soumettre à la signature du Premier ministre pour mettre un peu d’ordre dans les critères de qualification qui sont édictés dans les dossiers d’appel d’offre.

C’est vrai que les exigences en matière de chiffre d’affaire doivent être calées en fonction du montant du marché. Nous estimons qu’une exigence pourrait être qualifiée d’exorbitante lorsqu’un chiffre d’affaire supérieure à trois fois le montant du marché est exigé du fournisseur. Nous allons donc proposer des normes en matière d’exigence des chiffres d’affaire. Toutes les clauses discriminatoires qui ont été dénoncées ont été corrigées. En revanche, ceux qui introduisent des recours doivent le faire dans des délais parce que si un recours est déposé hors délai, on est obligé de le déclarer irrecevable. Notre souhait, et nous y travaillons, c’est de supprimer tous les points de non conformité par rapport aux standards internationaux.

Nous avons subi une évaluation de la Banque mondiale sur la base des critères Ocde, qui sont des standards internationaux, et nous avons obtenu une note de 89, presque 90%. Nous voulons arriver à 100% ; dans cette perspective, nous sommes en train de revoir certaines dispositions du code des marchés dans le cadre du toilettage. En plus de la prise en compte de la préoccupation des autres facteurs, nous allons intégrer les standards internationaux. Nous voulons que le code des marchés du Sénégal puisse figurer dans le top des codes de marchés.



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