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ENTRETIEN AVEC CHEIKH NDIGUEL LO, MUSICIEN « Jololi m'a escroqué... C'est le Bsda qui l'a découvert... »

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ENTRETIEN AVEC CHEIKH NDIGUEL LO, MUSICIEN « Jololi m'a escroqué... C'est le Bsda qui l'a découvert... »

Serein, calme, taquin, parfois absent, Cheikh Ndiguel Lô, lead vocal du Ndiguël Band, guitare à la main, ne mâche pas ses mots. Parlez-lui de ses mésaventures avec Jololi, sa carrière artistique, sa situation familiale, il ne se gêne pas. Sur différentes questions, Cheikh Ndiguël ne verse pas dans la langue de bois.

Walf Grand-Place: Cheikh Lô, on ne vous présente plus. Pouvez-vous nous refaire un bref aperçu de votre carrière ?

Cheikh LO : C'est une carrière qui commence à durer, machalala. Parce que si je me souviens bien, la première fois que j'ai pris un micro pour chanter, c'était en 1975 à Bobo Dioulasso. Cela fait bientôt trente-trois ans. C'est à Bobo Dioulasso que j'ai vu le jour, d'un père et d'une mère sénégalais. J'ai reçu beaucoup d'influences, je parle bien le dioula et le bambara.

Après, on est revenu au Sénégal et ma carrière a commencé en 1990, d'abord en solo avec Doxandem. Deux années plus tard, il y a eu Jëfjël, suivi, en 1995, de Nela thiass qui a été aussi réalisé sous forme de Cd international en 1996. Dans cette même année on a commencé à faire des tournées européennes. En 1999, il y a eu l'album Bambay Guédj et le dernier Cd qui a été réalisé, c'est Lamp Fall. Là, j'ai déjà fait une maquette et on veut des morceaux ici, au moins deux pour les envoyer à ceux avec qui je travaille. Eux, ils sont en Angleterre et il faut qu'on les rassure sur la qualité du son pour qu'ils nous disent si on peut ou non continuer à travailler ici ou bien trouver une solution et on va enregistrer en Europe. Mais cette dernière solution est très chère, parce qu'acheter des billets pour les musiciens, les loger à l'hôtel et tout le reste, ce n'est pas évident.

Pensez-vous mettre un album sur le marché d'ici là fin du mois de décembre ?

On travaille dessus, mais on ne fixe pas de date de sortie quand même. Ceux avec qui je travaille ne font pas la course de vitesse. Ils vont doucement mais sûrement. Chaque fois qu'on fait un album, ils veulent que ça marche et ils y mettent tous les moyens. Il faut que la promotion du Cd soit bien gérée, que tout soit bien callé dans tous les pays d’Europe avant la sortie. Généralement, ça marche et je ne sors d'album que tous les trois ans. D'ailleurs, c'est ce qui est dans le contrat qui nous lie. On cherche à faire de la bonne musique, trouver les bonnes paroles pour donner un bon produit. Mais si chaque année on doit sortir un album, ce sera difficile.

Travaillez-vous avec ces Anglais depuis longtemps?

Oui, nous travaillons ensemble depuis douze ans. Parce que j'ai d'abord eu à travailler avec Youssou Ndour, c'est-à-dire dans Jololi pour un contrat de trois ans. C'était en 1996 et ça devait expirer en 1999. Pour des raisons personnelles, j'ai décidé de suivre le contrat jusqu'à terme et de ne pas le renouveler si la proposition m'était faite. Parce que dans un contrat, il faut que les opportunités s'ouvrent aux différentes parties. Ça doit arranger tout le monde et c'est ce qui peut encourager à travailler avec les mêmes personnes pendant plus de dix ou quinze ans mêmes. Et avec ma maison de disques, cela fait douze ans que nous bossons ensemble. Jusque-là, tout se passe bien.

Vous avez travaillé avec jololi, mais il y a eu des problèmes entre ta maison de productions et des artistes parmi lesquels vous, à propos de produits piratés. Pouvez-vous revenir sur cet épisode?

C'est vrai et il y a eu beaucoup de bruits autour de ce problème. Mais ce qui s'est passé, c'est que le Bsda tel qu'il est conçu, avec sous sa direction Mme Siby, est allé dans le marché, précisément à Touba Sandaga. En fait, c'est le Bsda qui délivre les hologrammes et ils savent reconnaître les hologrammes pour cassette et ceux pour Cd. C'est différent. Donc, en tant que producteur, Jololi avait la bande mère de Néla Thiass même après qu’on a fini le contrat. Mme Sidy, directrice du Bureau du droit d’auteur, a eu la surprise de découvrir sur le marché des Cd qui, au lieu de porter des hologrammes de Cd, étaient frappés d’hologrammes de cassettes. Elle en a acheté pour en faire des pièces à conviction et m'a appelé pour m'alerter sur cette affaire d'une importance capitale. Kiné Lam et d'autres musiciens étaient produits sous le même label. Comme c'était à l'approche de la Tabaski, eux ils avaient déjà déposé une plainte commune, le temps que je quitte ma maison pour m'y rendre. Je suis allé au même commissariat central pour y déposer une plainte individuelle, Et le Bsda s'est chargé de commettre un avocat, Me Ousmane Sèye, avec qui nous avons tenu une rencontre pour discuter du dossier.

Quelques jours après, tous les artistes auteurs de la plainte ont renoncé aux poursuites et n'ont plus rien dit. Je ne sais pas comment le label a fait pour leur promettre de l'argent... Moi, je leur ai dit carrément que je n'ai pas besoin de leur argent. Ce que je voulais, c'est que justice soit faite et rien de plus. Parce que ce qu'a fait Jololi, c'est de l'escroquerie, c'est du vol. Il faut appeler 1e chat par son nom. Personne n'est au-dessus de la loi, un citoyen reste un citoyen et s'il fait quelque chose d'anormal, la loi doit être appliquée. On a déposé une plainte, mais il est impossible de se retrouver à la barre et de parler de l'affaire. Je ne sais pas comment ils se sont arrangés, mais franchement je leur dis bravo parce que jusque-là, on n'en a plus parlé. Et cela fait des années.

Personnellement, je ne me suis plus attardé sur cette affaire. Je me suis consacré à ma carrière et c'est l'essentiel. ­

Parce que, je ne peux pas rester là à me lamenter sur un dossier qui s'enlise de manière incroyable. Dieu merci, je suis passé à autre chose et je vis bien. Maintenant, ce qu'ils ont fait, il faut voir si ça leur a servi à quelque chose. Moi, je dis que ça ne leur a servi à rien du tout. Eux-mêmes s'ils le font, ils ne doivent pas le faire, ils n'en ont pas besoin, je pense. Ils ne doivent pas chercher à escroquer des musiciens qui ont besoin d'aide ou de producteur, pour leur voler des miettes. ça ne leur sert absolument à rien.

Vous étiez le seul à ne pas reculer et jusque-là d'ailleurs, ont-ils essayé de vous contacter pour que vous changiez d'avis ?

Moi, j'ai fait tout ce que j'avais à faire. Le reste, c'était à la justice de le faire. Donc, je ne pouvais pas me mettre à tirer la charrue avant les bœufs. Je ne peux pas faire le travail de la justice et si jusque-là rien n'est fait, alors que les preuves et tout et tout était là, il faut se dire qu’il y a magouille quelque part. C’est clair.

Mais après votre plainte, Jololi vous a-t-il contacté ?

Non. Je vous dit que c'est le Bsda qui coiffe tous les artistes, qui m'a appelé. C’est d'ailleurs le Bsda qui a découvert cette escroquerie et c'est Mme Siby qui m'a appelé. Il y a eu des magouilles. Ce n'est pas sérieux, ce n'est pas honnête.

Pourtant, ces mêmes artistes continuent de se faire produire à Jololi

Cela n'engage qu’eux et peut-être bien qu'ils ont leurs raisons. S'ils peuvent continuer à travailler avec eux, c'est bien et c'est leur problème. De toutes les façons, moi j'avais déposé une plainte comme eux. S'ils ont laissé passer le tort qu'on leur a fait, ça n’engage qu’eux. Moi on ne peux pas me corrompre avec de misérables petits millions. Le nombre de vente vaut plus que ça. Ils ont vendu jusqu’à Singapour, c’est de la fortune. Et tout cette argent, Jololi en a fait quoi ? Au moins, en tant que producteur, il avait la bande-mère de tous les artistes qu’ils produisaient. Et, il avait le droit de faire des compilations avec les artistes du même label mais en discutant avec eux. Parce que mes œuvres sont à moi, et ce n'est pas à eux de m'apprendre comment faire ma musique. Ils n'ont fait que me produire, mais ne m'ont ni indiqué la démarche à suivre, ni la manière de faire mes accords. Je suis venu avec mon savoir-faire, eux avaient l'argent et les moyens de me produire. On a collaboré, donc ils n'ont pas le droit de commercialiser mes œuvres en m'écartant. La moindre des choses, c'était d'être sérieux. S'ils avaient déclaré ça ils allaient gagner plus que tout le monde parce que c'était lui qui commercialisait. Nous, nous n’allions avoir que les retombées des droits mécaniques. Mais, il faut être vraiment gourmand pour faire ce genre de choses. De grandes stars, avec tout ce qu'ils coiffent comme structure, ne peuvent pas se permettre ces petits actes. C'est malheureux. Ils ont de la fortune. S'ils n'aident pas les autres, qu'ils les laissent avec ce qu'ils ont.

A part cette malheureuse expérience que vous avez eue avec Jololi, vous avez aussi eu aussi à faire des tournées dans le cadre de votre collaboration ? Pouvez-vous revenir là-dessus ?

On a fait une tournée avec le premier Cd. Nous avons fait un excellent produit, j'ai fait de bonnes choses avec Youssou Ndour, et c'est toujours possible. Mais, moi je ne me laisse jamais abuser. Oh non, je ne travaille que dans des conditions honnêtes et sérieuses. Je suis très ouvert musicalement.

Demain, je peux bosser dans un album avec Salif Keïta. Durant tous les mois de juin à septembre, j'ai fait des tournées avec des Américains du groupe de James Brown décédé en décembre 2007. C'est moi qu'on avait choisi au Sénégal, Manu Dibango au Cameroun, Angélique Kidjo. Mais Angélique Kidjo, je pense, à cause de sa tournée sur laquelle elle d'ailleurs travaillait avec Habib Faye et était trop chargée. On s'est retrouvé une fois en Espagne, elle avait un programme trop chargé. Le reste de la tournée; je l'ai fait avec tous les autres. C'est pour vous dire que là musique a besoin d'être ouverte, ce n'est pas un monopole. Et, personne ne peut la monopoliser, nul ne peut monopoliser la culture. Elle n'est la propriété de personne.

Mais racontez-nous un peu cette étape de votre carrière avec Youssou Ndour, notamment les tournées que vous avez faites ensemble ?

La tournée s'est déroulée en 1996; après le premier album. Parce qu'après la réalisation d'un album, il doit y avoir une promotion. Nous avons tourné durant tout cet été, dans les festivals. Mais cela fait douze ans maintenant que chaque année je me produis dans les festivals, partout dans le continent. Avec Jololi, ce fut une seule tournée que nous avons faite avec Yandé Codou et sa fille. On a fait presque un mois quinze jours et on est passé dans toutes les grandes capitales d’Europe. Et les frustrations ont commencé avec cette tournée. Ce qui m’a fait le plus mal, c'est que mon Cd a fait partie du Top Ten et fut le premier en world music, c'est-à-dire la musique mondiale, mon Cd était le numéro 1. Que ce soit Jololi, Super Etoile et Youssou Ndour, chacun avait pourtant sa touche dedans. Mais, ils ont minimisé cela, ils n'ont accordé aucune importance à cet honneur. Vous vous rendez compte, j'étais numéro 1 du Top Ten ! Pourtant, si c'étaient eux, je ne vous dis pas les médias, mais c'est à partir de l'aéroport jusqu'à leur bureau qu'ils allaient se trouver un bel accueil d'autorités.

Qu'on se dise la vérité, personne n'a jamais eu ce titre au Sénégal. Top Ten, se retrouver numéro1, personne ne l'a jamais eu dans ce pays. A l'étranger, tout le monde était au courant, moi j'ai les documents. Mais, dans mon propre pays, cela a été pris avec légèreté. Malheureusement, il n'y avait pas encore l'internet. Mon premier Cd, premier au Top Ten avec une audience mondiale, c'est important. Quand on a appelé Youssou pour lui annoncer la nouvelle, il a sursauté, il n'en croyait pas ses oreilles, il était hyper content. En effet, au moment où j'ai eu ce titre, lui avait déjà fait presque vingt ans à faire des tournées, sans jamais le décrocher. Moi, en une tournée, Dieu a fait que cet honneur me revienne. Youssou était content, mais il fallait réaliser cette satisfaction, il fallait être concret. Comment ? Ils ont Thiossane (le célèbre night-club dakarois, jadis très courue, mais aujourd'hui en déclin, Ndh), et puisqu'ils m'ont produit; ils devaient se charger de ma production. Même s'ils devaient m'accorder un mardi ou mercredi, et me louer le matériel, cela aurait été bien. Mais, le faire de telle sorte que les gens soient au courant que Cheikh LO se produit au Thiossane, pourtant Fallou Dieng y joue alors qu'il s'est autoproduit.

C'est mon boy, il est cool. Youssou, je suis aussi plus âgé que lui, mais ils préfèrent laisser des jeunes qu'il n'a même pas produit jouer au Thiossane, moi jamais. Mbaye Nder aussi y jouait. Alors, je me suis dit que c'est inadmissible que je travaille avec des personnes qui, chaque week-end, vendredi, samedi, dimanche jouent dans une boîte de nuit. Alors que vous dites que les affaires de Cheikh, ça ne doit intéresser personne, les Sénégalais ne doivent rien savoir de la belle manière avec laquelle j'ai représenté mon pays. Les Européens me réclamaient, qu'ils viennent ici ou pas. Et vous savez ce que faisait Youssou ? De temps en temps, il m'appelait tout d'un coup pour me dire de passer à sa soirée au Thiossane. Ce genre de collaboration ne se trouve que dans son intérêt. Et moi, cela m'a d'abord dégoûté avant que rien ne se passe. Mais puisque qu'on avait signé un contrat de trois ans, j'ai préféré être patient, et ne pas rompre les ponts tout d'un coup. je suis allé jusqu’au terme du contrat. Ils m’ont ramené trois fois de suite des contrats, et trois fois de suite je leur ai dit que ça suffit comme ça , je leur ai dit niet. Alors là, ils ont compris que je ne badinais plus, je n’étais pas près à travailler avec eux, en tout cas en ces moments.

Il paraît que lors de la tournée que vous avez faite ensemble, votre voix était tellement appréciée lors des prestations qu’une fois, on a diminué le son de votre micro et coupé le micro de votre guitare ?

(Il sourit et remue la tête)...Vous savez, tout ça, ce sont des détails. Plein de choses se sont passées lors de cette tournée, il y a eu plein de coups bas et cela me gêne un peu d'en parler. Dieu a fait que j'ai laissé toutes ces choses derrière moi. Certains peuvent penser que je cherche à m'acharner sur les gars du Jololi, non, loin de là.

Mais vous en avez vécu quand même ?

Vous savez, peut-être que vous n'en êtes pas conscient. Mais, si vous demandez à Youssou quels sont les musiciens qu'il respecte le plus dans ce pays, il vous parlera de Cheikh Ndiguel Lô. Musicalement, je veux dire. (Il se tait) Nul ne peut afficher ni publier sa défaite. Et tous ces coups-bas dont j'ai été victime, ils ne les publieront jamais parce que quelque part, c'est une défaite. Ils ne parleront jamais de ça, ils ne conteront que leur victoire.

Pensez-vous avoir définitivement tourné la page ?

Franchement, je suis passé à autre chose depuis. Que la justice règle ce problème ou pas, moi je ne m'attarderai plus là-dessus. Parce qu'aujourd’hui même, je pouvais faire un recours et décider de suivre ce dossier, aller dans les médias et en faire un ordre du jour. Mais en fin de compte, ils ne verront pas que je suis une affaire légitime, mais ils penseront que je ne compte que sur ça pour vivre, que je cherche à me faire. Non, moi je remercie le Bon Dieu, car, je ne me plains pas du tout. M'attarder sur ça va aussi me retarder sur ma carrière. Le temps que je peux perdre en m'occupant de cette affaire, je peux le consacrer à faire de bons produits. Ça vaut mieux. Je ne leur accorderai pas ce privilège. Que Dieu nous permette à tous de persévérer parce que c'est ce que veut chacun. voilà!

Y a-t-il possibilité que vous retravailliez un jour avec Youssou Ndour pour des contrats de production ? Vous pouvez revenir à de meilleurs sentiments ?

Oui. Ça arrive que des gens ne s'entendent pas sur un fait, mais qu'avec le temps, ils se ressaisissent. Si on me donne ce que je mérite, il n'y a aucun problème. Par exemple, un artiste qui tourne pendant deux ans dans le cadre de sa promotion et qui, à un moment donné, se retrouve avec un déficit. Vous voyer la maison de disques qui prend le risque de prendre 10000 dollars pour combler ce manque. C'est parfois des investissements à perte, mais il y a aussi le fait qu'en faisant ce genre de tournée, ils parviennent à vendre les Cd. Les Européens eux, ils travaillent. Mais ici, les producteurs veulent vendre de nombreuses cassettes et Cd. Cependant, ils refusent de faire la promotion comme elle se doit. Ils vous laissent dans l'oubli, c'est n'importe quoi.

On perse que l'on a vécu la même situation avec Eleuk Sibir...

Oui, avec Omar Pène. Bon, je pense que ce sont des stratégies qu'ils adoptent eux les gens de Jololi. Mais, je pense qu'arrivés à un moment il faut qu'ils arrêtent, qu'ils disent stop. Ça ne peut pas continuer. En plus, c'est une mauvaise démarche parce que la nouvelle génération, la génération montante, avec un aperçu de ce genre de situations, ils auront peur de se faire produire par les gens de Jololi. Investir une fortune quelque part et tout faire pour que les gens vous fuient. Ce sont des agissements qui vont se retourner contre eux.

Quelles sont vos relations avec Youssou N'dour présentement ? Pensez-vous que vous pouvez refaire un duo avec lui à l'avenir ?

Bien sûr. Je peux faire un duo avec n'importe quel artiste, il suffit juste que l'on se sente mutuellement. Là, il peut y avoir fusion. Parce que si ma conception de la Musique n'attire pas un musicien ou si la sienne ne m'attire pas, on ne peut pas travailler ensemble. On a eu la preuve, quand j'ai travaillé avec Youssou. Eux, leur unique problème, c'est leur démarche.

Est-ce que cette démarche n'a pas gâté vos relations ?

Avec Youssou, nous n'avons pas eu de rapports professionnels depuis longtemps. Mais, s'il arrive qu'on se retrouve quelque part, on se salue et si on a quelque chose à se dire, on se le dit. C'est tout.

Et vos rapports avec les autres artistes ?

J'ai de très bons rapports avec les artistes. Je vais vous dire une chose : il n'y a que l'argent la plupart du temps qui gâche les rapports humains. Si vous voulez connaître la véritable face de quelqu'un qui se proclame bon croyant, mettez entre vous de l'argent. Ce n'est pas la peine d'aller faire de la voyance ou autre. Allez voir un Imam et confier lui une importante somme d'argent, en lui disant que vous devez voyager et que vous reviendrez le prendre dans une semaine. Offrez-lui une somme à côté et revenez dans une ou deux semaines. D'abord, il va commencer par attrister sort visage le jour ou il vous verra. Ensuite, il vous exposera tellement de doléances que vous allez finir par oublier vos problèmes. Et pourtant, si c'était de l'argent confié à un prêtre, vous aller le reprendre sans aucun problème. Et on voit pourtant que les musulmans crient à qui veut l'entendre qu'ils sont de très bons croyants. Mais le bon Dieu n'a pas besoin de l'hypocrisie des gens mais de leurs qualités, de leur honnêteté. Si on est vertueux, on est bon croyant. Peu importe la religion dans laquelle on est.

Vous avez aussi côtoyé Yandé Codou dans un cadre professionnel, quel souvenir gardez-vous d'elle ?

On a été ensemble en tournée pendant un mois et quinze jours, donc je ne peux pas dire grand-chose d'elle. Ce que je peux vous dire, c'est qu'elle chante très bien, c'est aussi une dame de fer. Malgré l'âge, elle dégageait-fort. C'est vrai qu'elle verse dans les louanges et peut-être aussi que son répertoire de chansons n'est pas si élargi que ça, mais elle a une très belle voix.

Ne pensez-vous pas qu'elle ait besoin d'aide pour pouvoir élargir son répertoire ?

Elle avait un contrat avec Jololi, ils avaient sûrement trouvé qu'ils pouvaient lui apporter de l'aide et ils l'ont fait. je pense qu'ils lui avaient même cherché une maison de distribution, en Allemagne, je crois. Ont-ils bien vendu par rapport à ce qu'ils ont investi ? Ce sont des paramètres que je ne métrise pas. En tout cas, les Européens, eux, n’hésitent pas. S'ils voient qu’ils n’avancent pas dans une chose, un investissement surtout, ils arrêtent.

Dans votre carrière, il y a eu une rupture. N’était-ce pas par rapport à ce que vous aviez vécu avec Jololi ?

Cette rupture, c'est le moment où je suis resté pendant plus de quatre ans avant de sortir mon album Bambay Guédj. La raison de ce silence, c'est que le contrat qui m'avait lié à Youssou, parce qu'il y avait quelque part un genre d'autoproduction entre Cheikh Lô, Youssou Ndour et la maison de production. Comme j'avais attelé avec Youssou, j'ai dit à la maison de disques que s'ils le veulent bien, on peux continuer à travailler ensemble. Si ça ne les arrange pas, tant pis. Et là, le gars m'a dit que lui, il était toujours prêt à travailler avec moi. Donc, je savais déjà où poser mes pieds. Cependant, Pour une simple signature que devait faire Jololi, prouvant que la structure n'en faisait pas partie, j'ai couru derrière pendant huit mois. A chaque fois que j'appelais les Anglais avec qui je travaillais pour leur demander où ils en étaient, ils me disaient qu'à chaque fois qu'ils appelaient Youssou, il était soit occupé ou en tournée. Jusqu'à ce qu'un jour, le producteur m'appelle pour me dire qu'enfin, on pouvait faire notre travail. Le temps qu'il signe, qu'on prenne les voix et tout le travail à accomplir, ça a pris du temps. Mon producteur fait tout pour que mes albums aient de la brillance. On se déplace même dans d'autre pays pour avoir de nouvelles et bonnes sonorités. Par exemple, on est allé au Brésil pour travailler et dans d'autres pays. Pour le produit en vue, je ne sais pas ce qu'il me réserve, il peut encore avoir une bonne idée.

Comment trouver vous l'environnement musical Sénégalais ?

En tout cas, ce que j'ai toujours reproché aux musiciens Sénégalais, c'est de faire trop de mbalax. Le roi du mbalax, il n'a jamais eu de distinction avec la musique dont on le proclamé roi. Son dernier disque; c'est le tube qu’il a chanté avec les Magrébins. L’autre, c’est ce qu'il a chanté avec Neneh Cherry. Aucun des deux n'est du mbalax. Pendant Vingt ans; il a sorti toute sorte d'album, Thiapathioli et autres, mais ce n'est pas ce qui lui a valu des honneurs dans la musique. Coumba Gawlo n'a pas eu un disque d'or avec du mbalax. Les artistes doivent tenir compte de cela. Je ne suis pas contre le mbalax, mais il faut varier. Au-delà du Sénégal, le mbalax n'est pas grand-chose. La musique est universelle, elle n'a pas de frontière. Donc, ce n'est pas parce qu'on est Sénégalais qu'on se sent obligé de ne faire que du mbalax.

Qui est Massamba et où est-il ?

Qui, Mame Massamba ? Mame Massamba, il est âgé. Venez avec moi, je vais vous montrer sa photo. (Une grande photo est accrochée juste dans le couloir. Cheikh Lô le regarde et le montre avec enthousiasme, Ndlr. Il a maintenant plus de 100 ans et il ne tient pas de canne. Durant les cérémonies des Baay Fall c'est lui qui fait le partage de la nourriture. Il voit bien, marche bien et porte encore la grosse ceinture en cuir des Baay Fall. Il partageait avec ­Serigne Fallou la même tasse de café touba. Parce que quand on leur donnait séparément un verre à chacun; il disait que ce n'était pas la peine. Un seul verre suffisait car Serigne Fallou c'est Samba et Samba c'est Serigne Fallou. Il lit ses xassidas sans problème, sans lunettes. Pourtant moi, je suis obligé parfois d'en porter pour bien voir. C'est quelqu’un de spécial, d’extraordinaire... (Il devient pensif). Mon fils porte son nom c’est lui son homonyme.

Comment voyez-vous la situation actuelle du pays ?

Les Sénégalais sont fatigués. C’est très difficile et le gouvernement doit se concentrer davantage sur les problèmes du pays. Goana, c’est bien mais il faudrait avancer, se concentrer sur d'autres projets d'avancement. Il ne faudrait pas que l'on fasse de la Goana un éternel ordre du jour, ça ne servira à rien. Tout le monde vit la crise, en tout cas moi, mon principal souci, c'est d'assurer le bon vivre de ma famille, la scolarisation de mes enfants.

Vous avez combien d'épouses ?

Pour le montent une seule mais, si Dieu veut que j'en aie deux, j'en aurais une autre inchalah.

Vos dreadlocks sont très longs...

C'est qu'ils ne datent pas d'aujourd’hui. Je l'ai fait très tôt, seulement, j'avais de longs cheveux. Je faisais d'abord de l'afro, après j'ai fait ça.

Il paraît que vous avez des camions?

Amine ! Ah, peut-être que je suis sur le point d'en avoir. Mais, pour le moment, je n'ai même pas le pneu d'un camion, même pas un pneu. Que Dieu nous donne des camions de gnankatang (riz), de gnekh (sauce)... (Il rit)

Mais votre maison quand même, elle est grande et belle !

J'ai pris tout mon temps pour la construire. Peu importe où on a une maison, l'endroit, c'est d'en avoir. Je louais une maison à la cité Mamelles, j'ai loué pendant huit ans et je payais une somme considérable. J'ai fait une prise de conscience et je me suis rendu compte que je travaillais pour le propriétaire de la maison qui me louait l'appartement. Mon épouse a trouvé ce terrain et c'est en décembre 2000 que je suis venu ici. C'est en ce mois de décembre que je ferai huit ans ici. Je m'y suis mis petit à petit et Alhamdoulilahi. Les gens qui habitent Dakar cherchent à s'évader, à aller hors de Dakar, moi ce n’est pas mon cas. Je suis bien où je suis.

Voudriez-vous que vos enfants deviennent des musiciens?

Je ne leur dirai pas non s'ils veulent en faire à l'avenir. Mais avant tout, je voudrais et veillerais aussi à ce qu'ils, soient bien instruits.

Donc c'est que vous avez fait. Vous avez d'abord étudié avant de vous lancer dans la musique ?

Moi, j'ai eu la chance d'être autodidacte. Et je compose mes morceaux moi-même parfois. Une fois, j'ai dit aux Américains que je devrais m'inscrire dans une école de musique, L’un d'eux m'a dit que non, ce serait du gâchis. Parce que là-bas, ils vont déformer mes connaissances. II y en a qui ne sont pas restés longtemps, mais qui lisent et écrivent comme ils veulent. Ils n'ont pas besoin de suivre des cours pour pouvoir bien parler une langue.

On a l'impression, que vous avez une grande audience à l'étranger

Franchement, machalah ! Aujourd'hui, on ne présente plus Cheikh Lô. Cheikh Lô, il est universel.

Que pensez vous de la solidarité entre musiciens, dont on parle de plus en plus ?

Je ne sais pas. Je n'y crois pas trop. Bon, ça existe peut-être et c'est bien si c'est le cas. En tout cas, je sais qu'il y a l'association des métiers de la musique du Sénégal qui œuvre en ce sens, et c'est une belle initiative. Mais à cette association, certains ténors n'ont pas adhéré. Juste parce qu'ils ne sont pas sûrement les initiateurs de cela. C'est dommage, tous les musiciens devraient adhérer. Il faut vraiment être bête, illettré pour se comporter d'une certaine manière et agir d'une certaine manière. C'est pourquoi, l'instruction, c'est important.

Réalisé par Lalla CISSOKHO et Aïssatou THIOYE

 



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