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Ndiouga DIENG : ‘ La piraterie a fait renaître le Baobab’

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Ndiouga DIENG : ‘ La piraterie a fait renaître le Baobab’

Le Baobab orchestra, à l’image de l’arbre du Baobab dont il porte le symbole, se singularise par sa longévité. Le groupe a aujourd’hui survécu à une période de disgrâce de seize années. Cette renaissance, le Baobab orchestra la doit à la piraterie, avoue le chanteur Ndiouga Dieng dans l’entretien qu’il nous a accordé. Membre du groupe depuis 1972, Ndiouga Dieng, qui a cheminé avec les Sénégalais Ablaye Mboup, Balla Sidibé et le Togolais Atisso Barthélemy, lève le voile sur le mythe du Baobab. Il revient aussi, dans la première partie de cet entretien, sur ses relations avec feu Laye Mboup, les péripéties ayant abouti à la reconstitution du groupe, entre autres.

Origine du nom Baobab

‘Le Baobab a été formé en 1970. Au début, c’est une boîte créée par des autorités sénégalaises qui s’appelait Baobab et non l’orchestre. Parce qu’il fallait qu’il y ait à Dakar une boîte qui puisse recevoir de grandes personnalités. A l’époque, des autorités comme Adrien Senghor, Ousmane Diagne, Dame Dramé, avaient créé la boîte Baobab qui se trouvait à la rue Jules Ferry… A l’intérieur de la boîte, on avait installé des baobabs qui donnaient au décor, un charme extraordinaire. Nous avons perpétué ce nom parce que le Baobab est un arbre qui ne meurt jamais’.

De l’armée au Baobab

‘Au début, le groupe était composé de Balla Sidibé, Barthélémy Atisso, Ardo Sow, Barro Ndiaye, Moussa Kane, Rudy Gomis, Ablaye Mboup, Issa Cissokho, Sidate Sy, Benjelloun, etc. Pour ma part, j’ai quitté l’armée en 1972 pour rejoindre la même année le Baobab parce que j’étais militaire. Mais un militaire un peu hors du commun, car je chantais en même temps dans la section militaire. J’avais déjà commencé à enregistrer des morceaux comme Xarit mba méré wo ma. J’avais aussi ma propre troupe folklorique à l’image des Ndiaga Mbaye et Mangoné Ndiaye… ‘Concernant mon entrée au Baobab, c’est un grand technicien de radio du nom de Jules Sagna qui m’a contacté pour que j’intègre le groupe. L’orchestre était à la recherche d’un chanteur. J’avoue qu’au début, j’étais un peu réticent, car je n’avais pas pour seule vocation la musique. Je peux dire également que c’est la gentillesse d’Adrien Senghor, un homme de valeur, qui m’a motivé à rejoindre le groupe. Les autorités avaient créé cette boîte non pas pour se procurer de l’argent, mais pour réunir les personnalités et recevoir dignement leurs invités étrangers. Aussi, j’aimais beaucoup le Baobab, mais surtout Ablaye Mboup qui avait un don exceptionnel en musique traditionnelle. Et le groupe faisait un travail sérieux. C’est ce qui a fait que je n’ai pas eu du mal à intégrer le Baobab’.

Ablaye Mboup, une voix de rêve

‘Le premier enregistrement d’Ablaye Mboup avec le Baobab dans les années 70 a eu du succès, avec les titres Lat Dior, Diongama del wakh nidiaye, Aïda Ba Woury, etc. Il y avait d’autres chanteurs, mais le nom d’Ablaye Mboup était collé à l’orchestre Baobab. Il était le chanteur le plus en vue du groupe. Dans les premiers enregistrements, il y avait d’autres chanteurs, mais on n’entendait que la voix d’Ablaye Mboup dans les médias. Ce qui fait qu’il avait une place importante au sein de l’orchestre. C’est grâce à Ablaye Mboup que le Baobab a eu tant de succès et de visibilité sur la scène musicale à ses débuts, car les chansons de Laye Mboup et le travail mené par l’orchestre ont donné un tempo extraordinaire. ‘(…) J’avais de bonnes relations avec Ablaye Mboup, car il savait que j’étais d’abord son parent et un ego. Il est décédé en 1975. Mais bien avant son décès, Ablaye Mboup ne venait plus régulièrement au Baobab parce qu’il était avec l’Ensemble instrumental de Sorano. Après son décès, il y a eu Thione Seck, Mapenda Seck qui l’ont remplacé et de fort belle manière. Nous avons ainsi su gérer ce vide laissé par Ablaye Mboup. Sa disparition a été une perte énorme pour le groupe et pour le pays. Nous aurions souhaité être avec lui pour des années encore, car c’est quelqu’un qui jouait un rôle prépondérant au sein du groupe. Aujourd’hui, c’est Assane Mboup qui chante ses morceaux avec notamment Ndongo dara’.

Nick Gold, le sauveur

‘C’est en 2001 qu’il est arrivé un miracle dans l’aventure du Baobab. Il y avait à l’époque, un Anglais du nom de Nick Gold qui piratait les morceaux du Baobab. Il reproduisait nos cassettes dans des Cd et les revendait. (…) Nick Gold s’est rapproché de notre dernier producteur, Mbaye Guèye, pour lui racheter les titres qu’il a eu à pirater (…). Heureusement pour nous, le pirate en question, Nick Gold, un grand producteur, fait partie de la maison de production de Youssou Ndour. Et c’est ce Nick qui a fait renaître le groupe. Il s’est approché de Youssou Ndour pour lui demander si les membres du Baobab étaient toujours vivants. Grâce à Youssou Ndour, il s’est rendu compte que seul Ablaye Mboup était décédé. C’est ainsi qu’il est entré en contact avec nous’. ‘En ce moment, tous les autres membres du groupe s’activaient dans divers domaines. J’étais pour ma part dans l’entreprenariat. Mais, je jouais en même temps au sein de l’Orchestre national. Quand j’ai été consulté, je leur ai fait comprendre que si tout le monde était disposé à reformer le groupe, je n’y voyais pas d’inconvénients. J’étais prêt à participer à la reconstitution du groupe. Pour vérifier que tout le groupe était bien présent, ils nous ont invité à un festival à Londres la même année. On y a rencontré beaucoup de musiciens sénégalais qui peuvent témoigner de notre prestation’. ‘Après ce festival, la maison de production nous a fait savoir son ambition de faire un album avec le Baobab. C’était pour voir si le groupe était toujours talentueux. Ainsi, nous avons monté une tournée pour… reprendre forme. Grâce à Dieu, nous avons enregistré un disque qui a eu 30 succès mondiaux. Cela nous a permis de faire le tour du monde. Nous nous sommes rendus en Nouvelle Zélande, à Hong Kong, en Australie, à Singapour presque dans tous les pays, exceptés l‘Inde et l’Arabie Saoudite’.

Piraterie

‘La piraterie tue le musicien certes, mais pour nous, la piraterie nous a fait renaître. Franchement, si on ne nous avait pas piraté, on ne serait pas connu au niveau international. Parce que lorsqu’on va chanter un morceau aux Usa, les Américains chantent aussi avec nous. En Allemagne, c’est pareil. Cela pour dire que le produit Baobab est connu dans beaucoup de pays grâce à la piraterie. Aujourd’hui, la majeure partie de nos concerts, depuis la reprise en 2001, se déroulent à guichets fermés. Pendant trois mois, nous pouvons jouer ainsi. Aujourd’hui, nous marquons une pause, après une tournée internationale qui nous a menés en Europe, en Amérique, en Australie, etc., dans le cadre de la promotion de notre premier album, produit par Nick Gold, Spécialist in all styles. Nous préparons une prochaine production en octobre intitulée Made in Dakar’.

Reprise du groupe

‘Le Baobab est d’abord une famille. Lorsque Nick Gold a manifesté son désir de revoir le groupe se recomposer, il n’y a pas eu de problème. C’est Balla Sidibé qui est venu me voir pour me faire part de cette proposition. J’ai accepté, car il y a de ces choses que nous avons vécues qui font que si les autres acceptent, vous êtes obligé d’accepter. Nous n’avons pas accepté pour nous faire de l’argent. Chacun de nous avait son travail et parvenait à vivre aisément. Atisso Barthélemy avait son cabinet d’avocat à Lomé. Issa Sissokho était avec Youssou Ndour, Balla Sidibé avec l’African Salsa de Pape Fall. Médoune Diallo est à Africando, etc. Nous ne chômions pas, même si le Baobab était en disgrâce… Aujourd’hui, Atisso Barthélemy est le chef d’orchestre du groupe. Avec le concours du doyen Balla Sidibé, je gère les contrats à Dakar. Et au niveau extérieur, c’est la maison de production qui s’en occupe. Nous ne sommes pas des salariés du groupe, notre rémunération dépend du travail fourni, des enregistrements, du droit d’auteur et des tournées’.

Un chef d’orchestre à la place du lead vocal

‘Au Baobab, on ne sentait pas la présence d’un lead vocal dans le groupe. D’Ablaye Mboup à Médoune Diallo, en passant par Balla Sidibé ou moi-même, c’est à tour de rôle qu’on chantait sur scène. Parce que le Baobab n’était pas comparable aux autres formations musicales où l’on voyait un seul chanteur s’illustrer pendant toute une soirée. Au Baobab, il y avait une telle organisation que si quelqu’un chantait, tous les autres étaient derrière pour assurer les chœurs. Ce qui faisait que nous n’avons jamais eu de lead vocal. Il avait aussi au sein du groupe de grands chanteurs, comme Balla Sidibé, Médoune Diallo, Moussa Kane. Et chacun de nous jouait un instrument en plus de la chanson. Il fut des temps où Balla Sidibé était le batteur du groupe. Moussa était le toumbiste, etc. Il y avait au sein du groupe un chef d’orchestre, mais jamais de lead vocal. Le premier chef d’orchestre était un saxophoniste, Barro Ndiaye. Il y a eu Issa Cissokho qui a rejoint, par la suite, la formation de Youssou Ndour. Il fut un temps où j’étais chef d’orchestre du Baobab et Balla Sidibé a également occupé ce poste’.

Le Baobab face à l’émergence du Mbalax

‘Il n’y a aucun musicien du Baobab qui a quitté le groupe pour une autre formation musicale avec l’émergence de la musique Mbalax. C’est bien après, qu’Issa Sissokho a rejoint le Super Etoile de Dakar, en 1985. Certains disent que c’est l’Etoile de Dakar et les autres groupes, comme celui du Super Diamono d’Omar Pène, qui ont mené le Baobab dans l’impasse. Je ne suis pas d’accord avec ces gens, car l’Afro-mbalax a son propre public. Le Sénégalais ne s’attache qu’à ce qu’il sent et à ce qui a de la promotion. Il y a eu des moments où nous ne jouions que dans les grandes soirées. Mais avec l’arrivée du Mbalax, notre succès y a pris un coup, car cela ne marchait plus comme avant. Ces nouvelles créations ont attiré du monde. A cela, s’est ajouté le fait que les plus âgés avaient abandonné les scènes. Tous ces facteurs ont participé à la chute du Baobab en 1985. C’est quelque chose qui devait arriver… Les nouvelles formations musicales n’empêchaient pas au Babaob d’évoluer. Le Baobab avait une musique universelle qui réunissait presque toutes les musiques. ‘Face à cette nouvelle donne, chacun de nous est allé faire autre chose. J’avais déjà mon métier de même que Rudy Gomis. Le Togolais Attisto Barthélémy était avocat. Et chacun est parti s’occuper de son métier. Je fais partie des premiers à quitter le Baobab. Après, j’ai été sollicité par l’Orchestre national où j’ai évolué jusqu’en juin 2007, période pendant laquelle j’ai pris ma retraite. Après l’arrêt du Baobab, les gens nous appelaient de partout pour que l’on reconstitue le groupe. Il y a eu même des gens qui nous disaient qu’ils ont cessé d’écouter la musique à cause de la ‘disparition’ du Baobab’. *(A suivre)



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