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Entretien avec… Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, président-déchu de la Mauritanie : ‘ Je n’ai pas été surpris par le putsch du 6 août ’

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Entretien avec… Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, président-déchu de la Mauritanie : ‘ Je n’ai pas été surpris par le putsch du 6 août ’
Malgré le rétrécissement de l’espace des libertés, le peuple mauritanien a choisi son camp : Celui de la défense des acquis démocratiques. Car, pour la première fois dans l’histoire de ce pays, toutes les composantes se sont élevées pour rejeter l’usurpation du pouvoir par la junte. Telle est la conviction du premier président, démocratiquement élu, et renversé le 6 août 2008 par un coup d’Etat militaire. Dans sa retraite de Lemden, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, qui se montre jovial et serein, n’en démord pas pour autant : ‘Je ferai tout ce qui sera de mon possible pour faire échouer ce putsch’, lance le président Abdallahi. A son avis, le retour à l’ordre constitutionnel n’est pas négociable. Dans l’entretien exclusif qu’il a accordé à Wal Fadjri, l’ancien pensionnaire des cours William Ponty évoque les motivations des putschistes, le simulacre de sa libération et la mascarade des états généraux de la démocratie visant à ‘légitimer une forfaiture’. Entretien !

Wal Fadjri : Quels sont aujourd’hui M. le président les sentiments qui vous animent, trois jours après la levée de votre assignation en résidence surveillée. ?

Sidi Ould Cheikh ABDALLAHI : Très franchement, j’ai les mêmes sentiments que j’avais avant. Mon sentiment est que la Mauritanie vit actuellement une période trop critique. Le peuple vit un coup d’Etat militaire contre un régime démocratiquement élu. Ce coup d’Etat, bien entendu, a conduit à l’assignation en résidence surveillée d’un chef d’Etat. En fait, ce qu’on appelle une libération du chef de l’Etat n’est pas une libération politique. Maintenant par rapport à une libération politique, c’est tout simplement de permettre au président légitime de pouvoir reprendre son poste. Or, ce n’est pas encore le cas. Tant que cela n’arrivera pas, nous resterons toujours dans une situation particulière, spéciale. Par conséquent, c’est une situation dans laquelle la liberté n’a pas de beaucoup de sens.

Wal Fadjri : Votre tombeur et ex-chef d’Etat major particulier, vous a-t-il rendu visite ou envoyé un émissaire durant votre résidence surveillée ? Si oui, qu’est ce que vous vous êtes dit ?

Sidi Ould Cheikh ABDALLAHI : Non, en aucun *cas je n’ai rencontré l’auteur de ce coup d’Etat. Par contre, j’ai reçu deux membres de l’organisation putschiste qui dirigent actuellement le pays. La première fois, c’etait pour me signifier mon transfert à Lemden dans mon village natal. Et la deuxième fois, c’etait pour m’amener à Nouakchott en pleine nuit vers trois heures du matin. Et c’est à partir de la ville de Nouakchott qu’on m’a signifié dans ma maison même que j’étais libre de tout mouvement ; et que mon assignation en résidence surveillée est complètement levée.

Wal Fadjri : Avez-vous été surpris par le putsch survenu le 6 août dernier ?

Sidi Ould Cheikh ABDALLAHI : En vérité, je n’étais vraiment pas très surpris. Parce que, depuis quelque temps, avant même ce putsch fait par Abdel Aziz et son ami Ghazouani, ces derniers avaient déjà commencé à mener des activités politiques de plus en plus visibles. Et leur intérêt pour le pouvoir était tout à fait évident pour tous ceux qui suivaient la scène politique en Mauritanie. Et c’est lorsque, je me suis rendu compte que cet intérêt était tel qu’il ne leur permettait plus de pouvoir exercer les fonctions et répondre aux exigences et autres promesses que j’avais faites aux Mauritaniens, j’ai décidé de les écarter. Mais en prenant une telle décision, je savais que cela pouvait aussi les conduire à tenter de prendre le pouvoir.

Wal Fadjri : Pourtant, selon certains observateurs, les militaires n’ont fait que reprendre que ce qu’ils vous avaient confié, étant entendu que vous étiez perçu comme étant leur candidat, lors des présidentielles de 2007 ?

Sidi Ould Cheikh ABDALLAHI : Vous savez qu’on a beaucoup parlé de cette question devenue un thème politique. Un thème choisi par une partie de l’opposition. Et il est vrai que pendant la période de transition, les militaires, qui eux-mêmes avaient fait le coup d’Etat et organisé les élections, n’avaient pas pris un certain nombre de précautions par rapport à la politique. Certains d’entre eux avaient soutenu l’autre candidat, et les deux auteurs du putsch avaient soutenu ma candidature. Cela rentrait dans une pratique qui était celle qui avait prévalu durant cette période.

Wal Fadjri : Ce coup de force doit-il être inscrit dans le registre du lent apprentissage de la démocratie dans un pays longtemps dominé par des militaires ?

Sidi Ould Cheikh ABDALLAHI : Vous savez, dans ce pays, il y a toujours eu une profonde aspiration à la démocratie. Déjà, depuis la période coloniale, il y avait plusieurs partis politiques, créés, et qui avaient commencé à faire apprendre aux Mauritaniens à s’exprimer et à exprimer librement leur différence. Ensuite, il y a eu cette période d’arrêt par rapport à ce système multipartite dans les années 1960 et 1970. Il y avait un régime démocratique qui travaillait pour l’intérêt du pays. Ce régime se préoccupant des libertés et de la dignité des gens. Mais c’était une époque où, pour des raisons relatives à la nécessité de chercher la cohésion dans la société africaine, les partis uniques avaient été privilégiés.

Nous avons, par conséquent, connu une période qui a abouti au coup d’Etat de 1978, suivie d’une période militaire ou se sont succédé plusieurs chefs militaires. Et le dernier d’entre eux a organisé un système démocratique, le multipartisme. Mais en vérité c’était beaucoup plus une apparence qu’une réalité politique. Entre les années 2006 et 2007, les Mauritaniens ont réellement renoué avec cette grande liberté et un très grand nombre de partis avaient pris part aux différentes joutes électorales. Dix-neuf candidats se sont présentés et tout cela s’est fait de façon pacifique. Ces élections ont été observées par le monde entier. Ce qui a fait apparaître la Mauritanie aujourd’hui comme un pays qui était réellement désireux et avide de vivre sa démocratie. Et effectivement, pendant quinze mois, ce pays a vécu ce coup de force pendant ces grands moments de démocratie, de liberté. Aujourd’hui, je pense qu’en dehors de l’action militaire actuelle, ce pays est tout à fait prêt à vivre de façon pacifique sa démocratie.



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