Une jeune youtubeuse était particulièrement enthousiaste après avoir été approchée par YouTube pour interviewer le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Laetitia Nadji a pourtant vite déchanté lorsqu'elle s'est rendue compte qu'elle avait été choisie pour jouer les potiches et servir la soupe au Luxembourgeois. Début septembre, Laetitia Nadji avait été sélectionnée en compagnie de deux autres youtubeurs européens pour poser quelques questions au président Juncker.
Un format importé des Etats-Unis et qui constituait une première en Europe. Comme elle l'explique à ses 62 000 abonnés, Laetitia s'étonne d'avoir été choisie alors que sa page se focalise surtout sur le bien-être et sur l'écologie. La jeune Française avoue d'ailleurs ne rien connaître en politique. Un choix qui prend finalement tout son sens lorsqu'on comprend les réelles intentions de YouTube et du service communication de la Commission pour cet entretien.
Une vulgaire opération de com Une vulgaire démonstration de communication déguisée en interview légère afin de véhiculer une image un peu moins austère du dirigeant européen, particulièrement impopulaire auprès des jeunes. Ainsi, la jeune femme devait initialement interroger le président de la Commission sur ce qu'est à son sens le bonheur, son Nokia 3310 ou encore son chien Platon. Pour la pertinence et l'intérêt des questions, on repassera.
Sauf que de son côté, La jeune femme a sondé ses abonnés pour retenir les questions jugées les plus pertinentes: l'arrivée de José Manuel Barroso chez Goldman Sachs, le role des lobbys auprès de l'UE, ou encore la légitimité de Jean-Claude Juncker dans la lutte contre l'évasion fiscale.
"Tu vas pas te mettre à dos la Commission et Youtube, hein?" L'interview est programmée le 15 septembre à Bruxelles. A son arrivée, on propose à la youtubeuse quelques questions qui ne risquent pas de froisser le président. Laetitia refuse poliment avant de voir débarquer un représentant de YouTube qui tente de l'influencer. "C'est déjà une question hyper difficile à répondre pour M. Juncker, tu parles du lobby des sociétés. A un moment, tu ne vas pas non plus te mettre à dos la Commission européenne et YouTube, et tous les gens qui croient en toi.
Enfin, sauf si tu comptes pas faire long feu sur YouTube", menace l'homme. Juncker, un "braqueur de banque comme chef de la police?" Un recadrage qui n'empêche cependant pas Laetitia de poser ses questions qui fâchent à Juncker, dont la cinglante: "Confier à quelqu'un qui a été ministre des Finances, pendant 18 ans du plus grand paradis fiscal en Europe, la mission de lutter contre l'évasion fiscale, est-ce que ça ne serait pas finalement comme désigner chef de police un braqueur de banque?"
, lance ainsi la jeune femme au Luxembourgeois. L'interview complète est à voir en fin d'article. Le lendemain, Laetitia est convoquée chez Google France. La trentenaire, anxieuse, s'y rend alors qu'elle sait qu'ils savent qu'elle a filmé la discussion avec l'homme au t-shirt YouTube. Mais contre toute attente, la jeune femme se voit offrir un contrat d'ambassadrice pour une durée d'un an. Un contrat dont elle a toujours rêvé. Youtube se défend de toute intimidation Un contrat qu'elle n'a cependant pu signer, comme elle l'explique dans sa dernière vidéo.
"Aujourd'hui, ce contrat, je ne peux pas le signer. J'ai été vraiment choquée d'être manipulée et menacée comme ça, et je ne peux pas laissé ça sous silence", explique Laetitia qui a décidé de retourner à ce qu'elle aimait faire, à savoir des vidéos chez elle, sur... YouTube, une plate-forme dans laquelle elle croit toujours. Elle souhaite cependant que "YouTube s'engage publiquement à ne plus jamais manipuler, menacer, instrumentaliser des youtubeurs." Contactée par le Nouvel Obs, YouTube a donné sa version sur cette affaire, se défendant de toute tentative d'intimidation et de censure.
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