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Maladie d'Alzheimer : pour les proches, un quotidien transformé en "enfer"

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Avec 900 000 personnes touchées en France, la maladie d'Alzheimer est la plus fréquente des maladies neurodégénératives.
En France, plus de 900 000 personnes sont atteintes de la maladie d’Alzheimer. À l’occasion de la journée mondiale ce lundi 21 septembre, France 24 a recueilli des témoignages d’"aidants", ces proches qui partagent le quotidien des malades.
C’est la plus fréquente des maladies neurodégénératives. En France, 900 000 personnes sont atteintes d’Alzheimer. Un chiffre exponentiel qui accompagne le vieillissement de la population : on estime à 225 000 le nombre de nouveaux cas recensés chaque année.

Mais la maladie ne concerne pas que les malades eux-mêmes, car la perte cognitive associée, qui peut être un long processus nécessitant un accompagnement quotidien, affecte fortement leurs proches.

En 2020, trois millions de personnes seraient concernées par la maladie, selon la Fondation recherche Alzheimer. Ce chiffre englobe les malades, les professionnels de santé mais aussi des centaines de milliers d'"aidants", les membres de la famille qui accompagnent les malades. France 24 leur a donné la parole à travers deux témoignages croisés.

Trous de mémoire et problèmes de logique

Depuis six ans, François, aujourd’hui âgé de 85 ans, voit le spectre de ses activités se réduire. Sa vie est ponctuée de trous de mémoire, devenus légions, obligeant sa femme Annie, 79 ans, à lui porter une assistance constante. "Aujourd’hui par exemple, je lui ai demandé de tondre la pelouse. Il en est parfaitement capable, si je lui mets la tondeuse entre les mains, la lui branche et la démarre. Mais il lui est complètement impossible de préparer des choses", témoigne-t-elle. "Par ailleurs, la fonctionnalité des objets lui échappe. Il a ainsi voulu tondre la terrasse, comme si la tondeuse était un aspirateur", ajoute-t-elle, un brin amusée.

Réduite parfois aux troubles de mémoire qu’elle provoque, la maladie d’Alzheimer atteint au fur et à mesure de son évolution d’autres zones du cerveau, affectant ainsi le langage et la capacité à accomplir les tâches du quotidien, entraînant des comportements qui peuvent parfois devenir violents.

"Les nuits sont particulièrement difficiles", observe Christiane, 73 ans, au sujet de Jean-Pierre, son mari malade. "Il se lève beaucoup, hurle parfois ou tombe du lit mais ne se rappelle de rien. C’est très déstabilisant de ne jamais savoir à quoi s’attendre."

"Une épreuve mentale très dure à vivre"

"Ce truc m’est tombé dessus très rapidement. C’était brutal et je n’étais pas préparée à ça !", poursuit Christiane. Son mari a été diagnostiqué à l’hôpital cet été, après un malaise dans la maison de campagne du couple. Depuis, tout s’est accéléré : "Aujourd’hui, il ne peut plus aller aux toilettes tout seul, je dois être constamment derrière lui. C’est très difficile à vivre, je n’ai pas de formation d’infirmière, et je perds patience très facilement. Ma vie est devenue un enfer."

Pour Annie, le processus est tout autre, car la maladie de son mari évolue doucement au fil des années. "Avant, je ne connaissais rien de la maladie d’Alzheimer. Aujourd’hui, ce qui me surprend, dans notre cas, c’est cette forme de lente agonie", explique Annie. "Bien sûr, il est préférable pour mon mari que la maladie évolue lentement… Mais c’est une épreuve mentale très dure à vivre."

Comme Christiane, Annie a beaucoup de mal à faire preuve de patience et s’énerve quotidiennement contre son mari. Une attitude observée fréquemment au sein des familles selon les spécialistes, mais difficilement comprise par l’entourage.

"Je ne suis vraiment pas aimable, je ne peux pas rester calme et je n’arrive pas à me contrôler face à cette situation qui n’est pas normale", analyse Annie. "C’est plus fort que moi : je réagis, et puis je m’en veux. D’autant plus que je sens parfois les regards réprobateurs. Les gens ne comprennent pas que je ne sois pas plus conciliante, mais on ne peut pas dire amen à tout. Ils ne se rendent pas compte à quel point la situation est étouffante."

Une vie sociale réduite

Comme beaucoup d’aidants, Christiane a vu sa vie sociale se réduire considérablement. Une réelle souffrance pour cette ancienne DRH restée jusqu’ici très active. "Dans ma vie d’avant, je sortais tout le temps, j’avais des activités sportives, associatives", souligne-t-elle, nostalgique. "Aujourd’hui, je me dépêche de faire mes courses avec l’angoisse que quelque chose arrive. Je suis une 'aidante', certaines personnes me regardent différemment, on me dit bon courage. Mais je n’ai pas besoin de courage, je n’ai pas choisi cette situation, je n’ai pas le choix !"

Pour Annie aussi, les interactions avec l’extérieur sont devenues bien plus rares. "Fatalement, notre cercle d’amis s’est réduit car mon mari ne peut plus communiquer de la même manière. Nous avons moins de visites", constate-t-elle. "Mais ce dont je souffre vraiment, c’est l’éloignement de ma famille. Je ne peux pas aller voir mon fils à Rennes car il faudrait que je dorme là-bas et c’est complètement inenvisageable."

Si des soins palliatifs permettent d’accompagner les malades, il n’existe aucun traitement curatif pour la maladie d’Alzheimer. Les proches sont les témoins impuissants de son évolution. "Le manque de perspectives me bouffe. C’est désespérant de savoir qu’il n’y a aucun espoir", s’agace Christiane. "On traîne mon mari de rendez-vous en rendez-vous alors que ça ne sert à rien, c’est hypocrite comme système. Aujourd’hui, je vis au jour le jour en essayant de préserver ma santé. Moi qui n’ai jamais pris de médicaments, je ne dors plus sans anxiolytiques."

"Il faudra vendre la maison"

Pour les personnes en perte d’autonomie et les malades d’Alzheimer notamment, certains centres proposent un accueil de jour pour rompre l’isolement et recréer une vie sociale. Mais s’ils constituent une bouffée d’air essentielle pour les patients et leur entourage, cet accompagnement n’est qu’une étape.

"Dans ma situation, je suis obligée de penser à la suite et faire mes comptes", déplore Christiane. "Une place en Ehpad coûte entre 2 500 et 3 000 euros. Ça correspond à la totalité de notre retraite, donc il va falloir vendre notre maison secondaire. Les maladies dégénératives, c’est la mort de tout le patrimoine", observe-t-elle.

Si elle a longtemps évité d’y penser, Annie envisage aujourd’hui un scénario similaire : "Il faudra vendre la maison et j’irai vivre ailleurs. Mon fils me met la pression pour que j’économise plus. Jusqu’ici, j’essayais de conserver une forme d’insouciance. Mais je suis plus stressée cette année, je sens que l’échéance se rapproche", affirme-t-elle, fataliste.

L’espérance de vie moyenne des malades d’Alzheimer est de dix ans après les premiers symptômes. Pour autant, la maladie n’affecte pas tous les patients de la même manière. Certains d’entre eux survivent de longues années dans un état de dépendance totale.


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