Le vocabulaire urbain s’enrichit, périodiquement, de nouveaux termes qui prospèrent avec l’évolution ou la dégradation des mœurs. Il arrive également que, par détournement de sens, un mot ou expression en usage revête un tout autre sens. Il en est ainsi du mot “mbaraan” qui, selon le professeur Fallou Cissé de Radio Dunya, signifie originellement: rabatteur de clients pour un tailleur; le même sens que “coxeur” dans les gares routières…Par extension, le mot signifie entremetteur, appelé vulgairement “maquereau”. Aujourd’hui, “mbaraan” fait recette, au propre comme au figuré. Cela se pratique dans la rue, les bureaux, les établissements scolaires…En somme, partout. Tant qu’il s’agit d’un jeu innocent de séduction, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Mais lorsque la pratique tourne au vice ou dénature un comportement professionnel, il y a péril en la demeure. “Mbaraan” est compris et usité de manière consensuelle, dans le sens populaire de “draguer” mais chaque usager du terme le définira selon son niveau d’entendement ou le milieu auquel il appartient. Une adolescente se vantera, par exemple d’avoir réussi son “mbaraan” si elle s’offre un vieux pervers au compte en banque bien garni; alors que le septuagénaire qui court les minettes sera coupable de détournement de mineure.
Venons-en au “woyaan”.
“Woyaan est l’action de chanter les louanges de quelqu’un à des fins de rétribution en nature ou en espèces. La pratique n’est plus l’apanage des gens dits de castes dans certaines sociétés traditionnelles; l’appât du gain, le marasme économique contraignent aujourd’hui des individus de tous rangs, de toutes catégories sociales à s’adonner au “woyaan”.
Prenons les stations radios…
Contrairement à la presse écrite dont les serviteurs vivent et meurent, le plus souvent dans un total anonymat, la radio confère aura et notoriété à ses vedettes. La voix caresse, enjolive, séduit…Et l’imagination de l’auditeur lui façonne des traits à l’avenant de ses effets de séduction. La voix abuse...
Certains animateurs et animatrices vivent aux dépens des égotistes qu’ils flattent, leur font de la publicité apparemment gratuite mais bel et bien payée hors circuit. Leurs cibles sont les personnalités du monde des affaires propriétaires de salons, de magasins d’habillement. Ces candidats à la gloire nattent, postichent, cravate-costument, en privé l‘animateur ou l‘animatrice qui leur “offre” publiquement un tube musical ancien ou nouveau, plusieurs fois dans la semaine. L’astuce consiste à ponctuer leur programme avec Dramé-Roi-du Bazin au Marché-des Dupes, ou bien Diouf Super Thiof l’ Assureur des branchés de la bande Fm…
Une semaine avant la Tabaski, on rappelle à Adja du “Salon Sopp Nabi”
-“qu’on court après la corde…..
-“que le mouton n’a pas encore bêlé.
Echanges de bons procédés?
Un animateur religieux que je ne fréquente plus manie si bien woyaan et mbaraan que son voyage à la Mecque est assuré annuellement par des dames de la haute société. Il réussit même à terroriser les simples d’esprit en leur rappelant les châtiments qu’Allah promet à l’avare qui veille à ses sous plutôt que de les investir dans la mosquée dont il est l‘Imam. Et pourtant, plus les mosquées se multiplient plus les gens se déshumanisent et les crapules deviennent plus nombreux. Un simple coup d’œil sur les faits divers suffit pour s’en convaincre. C’est dire que même le leader religieux pressé par le besoin déplie le pan du boubou ou tend la manche de sa soutane pour recevoir une obole. Dieu!
Qu’est-ce que “mbaraan” et “woyaan” ont-ils en commun?
Chacune de ces deux actions se sert de subterfuges -flatterie, ruse- pour arriver à ses fins.
“Mbaraan” et “woyaan” qui riment si joliment sont parfois si inextricables qu’il est impossible de les dissocier.
Il arrive que ce soit l’auditeur qui declenche les hostilités. Ça va du soft flirt à la drague agressive dont la vulgarité frise l‘obscénité. Jugez-en…
- “Fu muy Xasanee ?-dis-moi ou ça démange
- “Fo xalaat, foofu la- partout ou tu penses…
- “Ku la koy wokal-qui se charge de te soulager?
- “Yow la ci wóolu-nul autre que toi
Je puis vous assurer en avoir entendu de bien plus croustillants.
Amadou Gueye Ngom
Critique social
PS.
Tout savoir et tout révéler? Ma foi, non!
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