Se souvient-on des ventouses médicales ? C’étaient des ampoules de verre que l’on appliquait sur le dos ou le ventre d’un patient à des fins de traitements tels que la saignée, la décongestion des voies respiratoires, etc. Je compris, bien plus tard que l’homme avait imité la nature car certaines espèces animales - araignées, pieuvres, « unk"-geckos sont dotées de ventouses. Le plus cocasse est que même les sangsues autrefois considérées comme des parasites sont aujourd’hui mises à contribution pour cicatriser une plaie fraîche ou soulager quelqu’un de son mauvais sang.
Et voilà que je découvre, dans le genre humain, l'existence de spécimens auxquels poussent instinctivement des ventouses qui leur permettent de s’agripper aux chairs d’un monarque tout en gonflant ce dernier. Ils viennent d’un peu partout : partis politiques, société dite civile. Ils sortent également de la presse, des artistes plasticiens, musiciens et, hélas, des écrivains. Tous ces aspirateurs font partie des bagages de l’avion royal pour être présentés comme des trophées. C’est bien qu’un roi nègre donne, à l’Etranger, l’image du monarque éclairé qui n’emprisonne pas les penseurs de son royaume. Politiquement correct ! N’en déplaise aux fâcheux !
Médicales ou intellectuelles, les ventouses ont en commun de « regaillardir » leur support. Tel chef d’Etat, par exemple gonflera d’orgueil après avoir posé devant le burin d’un sculpteur, inspiré la muse du poète et s’être fait biographier par l’écrivain de basse cour. Au finish, chacun y trouve son compte. Mais quelle perversion !
Incapables de vérité et indigents de vertu, les ventouses humaines ne poursuivent qu’un but : se remplir le plus rapidement possible. On les distingue par leurs propos flamboyants mais stériles à la réflexion. Ces humanoïdes s’agitent dans toutes les chapelles et confréries susceptibles de procurer fortune et notoriété. D’où les vas et viens époustouflants entre adoration et apostasie. Ne faites surtout pas allusion à leur duplicité. Vous serez traités de jaloux, aigri et méchant.
Ces parasites vivent si pathétiquement dans l’angoisse de ne pas être oubliés sur les guests lists des services du protocole qu’ils bombardent ces derniers avec des vœux de nouvel an réitérés jusqu’en Août. Faut-il les mépriser ? Il convient plutôt de les plaindre… La mort spirituelle et intellectuelle qui les frappe est bien plus insoutenable que la mort biologique attendue de toute vie.
Brel, mon cher Jacques, que penses-tu de « Ces gens là » ?
Ils ne vivent pas, Monsieur
Ils trichent… »
Seule la liberté féconde l’esprit, la connivence l’atrophie et finit par le tuer.
Quoi de plus mortel, en effet, que d’être doté des facultés de défendre son peuple et choisir les subsides du silence ?
Un auteur rassasié non par le produit de son travail mais par les avantages que lui procure le Pouvoir ne fientera que des œuvrettes. Les créations majeures naissent de l’inquiétude questionneuse et du mal d’une société. N’exister que par les faveurs mercantiles d’un régime désavoué est double signe de mauvaise foi et d’impotence.
La liberté d’expression ne saurait s’accommoder ni d’entraves ni gratitude à un régime. Il n’est certes pas donné à tout le monde d’être Ousmane Sembene, Boris Diop, Ken Bugul, Latif Coulibaly. C’est-à dire de s’offrir le luxe de ne pas être quelqu’un par la grâce de quelqu’un d’autre.
Vivre c’est choisir. Pour ma part, Caviar et foie gras du Palais ne conviennent guère au mien trop habitué au couscous-mbuum pour y renoncer.
Amadou Gueye Ngom
Critique social
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