91 MILLIARDS POUR L’ÉLARGISSEMENT DE L’AUTOROUTE ET DE LA CORNICHE; Et si on parlait des chantiers de Dakar ?

Quand on parle de chantiers de Thiès et de surfacturations, on tourne aussitôt le regard du côté du point E où se trouve le siège de l’entreprise Jean Lefebvre ayant réalisé le plus gros des travaux. Bara Tall, le patron de cette entreprise, jusqu’alors citoyen modèle et motif de fierté pour toute une nation, se retrouvait du jour au lendemain traîné dans la plus infecte des boues, celle de la malversation financière. Il était devenu le grand voleur de la République dont la cellule carcérale était déjà prête, certains observateurs, de très bonne foi, s’étonnant même tous les matins de le savoir encore chez lui. Pourtant, la campagne d’opinion ayant ainsi sali l’entrepreneur était loin de se fonder sur des faits établis. Il n’empêche, c’était une affaire de milliards du contribuable, et les gens sont prompts à demander des têtes. Servis par cette situation, les partisans du pouvoir ont déroulé leur manœuvre en articulant essentiellement leur argumentaire autour des chiffres. Le coût de 6,8 milliards auquel la Vcn de Thiès longue de 10,5 km, principal lot réalisé par Bara Tall, est facturée par l’entrepreneur, est opposé aux 2,5 milliards qu’à coûté la route Thiès - Sindian sur une distance de 25 km. « Il faut être fou pour y croire ; 10,5 km à 6,8 milliards, alors que Thiès - Sindian qui est de 25 km n’a coûté que 2,5 milliards », disaient les procureurs déterminés à décapiter Idrissa Seck à partir de ces chantiers. Au prime abord, l’argument fait mouche, et incite à croire à la culpabilité de l’entrepreneur, ce qui mènerait à une incrimination directe de l’ex-Premier ministre. Pourtant, dès qu’on s’y arrête un instant, on commence à douter de sa valeur. D’abord, Thiès - Sindian est une route qui existait à l’état latéritique et qu’il fallait juste revêtir de goudron, alors que la Vcn est une création pour laquelle il fallait frayer d’abord un passage dans la nature, ce qui suppose des travaux de base gigantesque, avant de passer à la conception et la confection de la route. Ensuite, la première est une route simple, sans ouvrage, tandis que la seconde est conçue comme une autoroute, avec deux fois deux voies sur la moitié de sa longueur, en plus d’une série d’ouvrage composée de trois ponts et un terre - plein central. Ainsi, en arrive t-on à se dire qu’il n’y a pas de prix harmonisé pour un kilomètre de route, les facteurs et les pesanteurs étant d’une inconstance notoire. Mais ce sont surtout les chantiers de Dakar, présentement en cours de réalisation, qui vont servir à Bara Tall et ses collègues entrepreneurs incriminés dans les travaux de Thiès, la plus convaincante des plaidoiries. A Thiès, on s’est ému qu’une route à concevoir, longue de 10,5 km dont la moitié en deux fois deux voies avec trois ponts et un terre - plein central coûte 6,8 milliards de francs Cfa. Pourtant, alors que ce dossier était encore en contentieux, l’Etat a attribué des marchés de travaux routiers à des prix enlevant tout objet au débat sur la valeur réelle des travaux de Thiès. Jugeons par les chiffres : La Corniche, actuellement en chantier pour des travaux d’élargissement (noter qu’il ne s’agit pas de conception comme à Thiès), a été fractionnée en deux lots. Le premier, allant du ministère de l’Equipement au siège d’Atépa Technologie, sur une distance de 10 km, avec 4 ouvrages, va coûter 22 milliards de francs Cfa. On constatera que ce chantier est sensiblement égal à la Vcn de Thiès du point de vue de la longueur et du nombre d’ouvrages, Thiès étant cependant de loin plus complexe parce que relevant de la conception alors qu’à Dakar il s’agit juste d’élargir une route existante. Le deuxième lot de la Corniche, allant des bureaux du célèbre architecte jusqu’aux Mamelles, sur une longueur de 5 km, est facturé à 16 milliards de francs Cfa. Sur 15 km en tout, l’élargissement de la Corniche va ainsi coûter 38 milliards. Sur l’autoroute, toujours pour des travaux d’élargissement, l’on retrouve (paradoxalement) le même Bara Tall incriminé principal des chantiers de Thiès, attributaire ici d’un lot allant de Malick Sy jusqu’à la Patte-d’oie pour une longueur de 7 km, avec trois ouvrages. Pour ce lot, il recevra de l’Etat 25 milliards là où ses concurrents à l’appel d’offres avaient facturé à 40 milliards. Mieux, le coût de ce chantier porte à 15 milliards la voirie simple, c’est-à-dire des travaux routiers consistant à faire passer l’autoroute de deux fois deux voies à deux fois trois voies. Les ouvrages que sont le pont de Malick Sy, celui de Colobane et l’échangeur de la Patte d’oie, à eux trois, vont coûter 10 milliards. Il faut préciser que ce n’est pas sous Idrissa Seck, mais sous Macky Sall que ce chantier a été attribué à Bara Tall. Toujours sur l’autoroute, l’entreprise attributaire du lot allant de la Patte d’oie à Pikine, sur une distance de 4 km, encaissera la bagatelle de 28 milliards. Ce qui porte les travaux d’élargissement de l’autoroute, sur une longueur de 11 km à 53 milliards. Au total, les travaux de Dakar sur la Corniche et sur l’autoroute, pour une longueur cumulée de 26 km, coûteront à l’Etat la somme fabuleuse de 91 milliards répartis entre quatre entreprises. Qui ose encore parler du coût des travaux de Thiès qui dépassent une quarantaine de chantiers pour autant d’entreprises ? Pourtant, les autorités sont décidées à chercher des poux sur la tête de ceux qui ont réalisé les chantiers de Thiès. Parce qu’il y a l’ennemi Idrissa Seck à qui il faut coûte que coûte barrer la route des élections. En somme, avec une dose de cynisme et de machiavélisme, il s’agit de sacrifier des entrepreneurs sénégalais n’ayant commis aucune faute, juste pour atteindre Seck. Des dégâts collatéraux énormes ; mais dont la seule perspective peut inciter plus d’un à la révolte.