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Politique

Aliou NIANE (président de l'union des magistrats du Sénégal) : ' Idrissa Seck doit être jugé'

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Aliou NIANE (président de l'union des magistrats du Sénégal) : ' Idrissa Seck doit être jugé'

Le commerce facile, le regard candide, le nouveau président de l'Union des magistrats du Sénégal (Ums) est un homme empreint d'urbanités. Pourtant, dans le milieu judiciaire, il est considéré comme une tête brûlée. Lui s'en défend et se dit tout simplement à cheval sur les principes. D'ailleurs, c'est au nom de l'application des principes pour laquelle il n'accorde aucune dérogation, qu'Aliou Niane déclare que le dossier d'Idrissa Seck doit aller à son terme. Parce que, selon lui, le politique, qui qu'il puisse être, ne doit pas intervenir dans le processus judiciaire. Aliou Niane pousse les frontières de la séparation des pouvoirs pour réclamer une justice débarrassée de la tutelle. Et, pour lui, l'indépendance de la justice n'en sera que plus renforcée lorsque le chef de l'Etat se sera retiré de la présidence du Conseil supérieur de la magistrature. Les conditions d'existence et de travail des magistrats, le président de l'Ums les a également inscrites dans sa feuille de route. Et il demande d'emblée que l'indemnité de judicature soit transformée en indemnité de représentation à l'instar de celle des ministres et des députés.

Wal Fadjri : Vous venez d'être porté à la tête de l'Union des magistrats du Sénégal (Ums). Mais vous êtes présenté comme un dur à cuire. L'étiquette correspond-elle à la marchandise ?

Aliou Niane : Il est vrai que cette étiquette m'a suivi durant tout mon cursus parce que je suis un homme de principe. En tout cas, j'essaie d'être un homme de principe. C'est pour cela que les gens pensent que je suis un dur à cuire, mais il faut avouer que cela ne correspond pas à ma personnalité. Au contraire, j'essaie d'être très courtois avec tout le monde, d'être très ouvert envers les gens. Mais, sur les principes, je suis assez ferme. Surtout quand ceux-ci sont menacés.

Wal Fadjri : On rappelle souvent votre bras de fer épique avec le ministre de la Justice lors d'une rencontre entre l'Ums et Cheikh Tidiane Sy. Que s'est-il passé ce jour-là ?

Aliou Niane : En fait, il y a eu tout simplement un malentendu parce que, pour moi, il s'agissait d'amener les pouvoirs publics à assumer des responsabilités qui découlent d'engagements. On était dans un contexte bien déterminé. Il y a eu la médiation du président du Conseil de la République pour les affaires économiques et sociales, Me Mbaye Jacques Diop, à la suite de laquelle l'Etat a pris un certain nombre d'engagements que nous, magistrats, avions considérés comme acquis. Mais, par la suite, les autorités n'ont pas pris en compte ces engagements. C'est dans ce cas de figure que j'ai considéré qu'il fallait être ferme pour amener le gouvernement à respecter ses engagements. C'est ça qui explique le clash avec le Garde des Sceaux, ministre d'Etat, ministre de la Justice. Mais, pour moi, cette affaire est complètement rangée dans les tiroirs. Au lieu de jeter le regard sur le rétroviseur, je préfère aller de l'avant. Nous avons des questions complexes et importantes au niveau de la justice, il s'agit de se battre autour de celles-ci, mais dans la sérénité, la courtoisie et le respect mutuel. Je respecte toutes les institutions et les autorités de ce pays. En revanche, je veux que la Magistrature soit respectée. Il y a des dynamiques qui peuvent se compléter et je crois que nous pourrons nous comprendre.

Wal Fadjri : Nous pouvons alors dire que votre cohabitation, en tant que président de l'Ums, avec le ministre de la Justice ne sera pas aussi difficile qu'on l’appréhende.

Aliou Niane : Effectivement ! Dans la mesure où nous sommes dans une optique d'apaisement, de concertation avec tous ceux qui sont impliqués. Le ministre de la Justice, on ne peut pas se passer de lui. C'est lui qui a, au niveau du gouvernement, le secteur de la justice. Il nous revient, pour notre part, de défendre les intérêts matériels et moraux des magistrats. Nous sommes alors faits pour nous entendre. (Il insiste) Sur les questions de principe, sur la nécessité de se concerter, d'aborder objectivement les questions de la justice et de leur apporter les solutions les plus adéquates. Donc, je ne vois pas où est-ce qu'il pourrait y avoir de problème à ce niveau. C'est vrai que le ministre de la Justice est dans un gouvernement et que c'est ce dernier qui maîtrise et alloue les ressources du pays. Il est aussi vrai que la politique se fait à partir des priorités du gouvernement. Naturellement, il peut y avoir un décalage entre nos aspirations et les priorités du gouvernement. Mais, il s'agira de résoudre cette question en toute bonne foi, dans l'apaisement et dans l'ouverture la plus large possible.

Wal Fadjri : Il y a eu quand même des avancées considérables dans la satisfaction des revendications des magistrats, comme le relèvement de l'indemnité de judicature. Où en êtes-vous avec votre plate-forme revendicative ?

Aliou Niane : Il faut d'abord reconnaître que le gouvernement a beaucoup fait pour la Magistrature. Le président de la République a beaucoup fait pour la Magistrature. Le relèvement de l'indemnité de judicature de 500 mille à 800 mille francs Cfa, c'est une action de grande envergure. L'affectation aux magistrats de parcelles à usage d'habitation au niveau du Cices, c'est aussi important. Tout comme ce que le gouvernement est en train de faire dans la dotation de ressources pour amener les différentes juridictions à avoir les moyens d'assumer la justice au Sénégal. Je peux donner l'exemple des véhicules affectés aux chefs de juridiction et la dotation budgétaire. Disons très clairement que le chef de l'Etat a pris aujourd'hui des initiatives et des actions qui sont de nature à mettre le magistrat dans des conditions de vie et de travail qui correspondent à la dignité qu'appelle son statut. Ça, c'est un fait. Il y a donc beaucoup de pas qui ont été franchis. Maintenant, il faudrait aborder la question de l'indemnité de judicature sous l'angle dialectique. Lorsque vous réglez une chose, à partir de ce règlement naissent d'autres choses.

Wal Fadjri : Que voulez-vous dire concrètement ?

Aliou Niane : L'indemnité de judicature, par exemple, a été portée à 800 mille francs Cfa, mais aujourd'hui nous constatons que toute l'indemnité est grignotée par l'impôt sur le revenu. Les magistrats payent 300 à 400 mille francs Cfa d'impôts sur le revenu. Ce qui veut dire que le gouvernement nous a donné quelque chose avec la main droite, mais il a retiré l'essentiel de cette chose avec la main gauche. Il faut équilibrer. Et, sur cette question, nous avons un point de vue qui s'appuie sur un principe constitutionnel d'équilibre des pouvoirs. Parce que la Constitution a proclamé la séparation des pouvoirs, mais aussi leur équilibre. Et il faut avoir une vue multidimensionnelle par rapport à l'équilibre. Quel que soit alors l'angle par lequel on aborde la question, on doit avoir un équilibre des pouvoirs. Nous ne parlons pas d'égalité, parce qu'il ne peut pas y avoir d'égalité, mais qu'il y ait un équilibre. De ce point de vue, nous rappelons que les ministres bénéficient d'une indemnité de représentation qui échappe à la pression fiscale. Les députés ont la même indemnité de représentation. En tant que pouvoir judiciaire, nous demandons à être logés à la même enseigne que le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Ce que nous demandons à ce niveau, c'est que l'indemnité de judicature soit transformée en indemnité de représentation.

‘L'indemnité de judicature est grignotée par l'impôt sur le revenu. (C’est pourquoi) nous demandons que cette indemnité soit transformée en indemnité de représentation’

Wal Fadjri : Mais, d'abord, est-ce que l'indemnité de judicature se fait ressentir au niveau de la pension de retraite des magistrats ?

Aliou Niane : Non. C'est pourquoi, nous demandons l'intégration de l'indemnité de judicature dans le calcul de la cotisation du Fonds national de retraite (Fnr) et dans le calcul de la pension de retraite. Parce que la pension de retraite, telle que nous la concevons, doit toujours être en adéquation avec le salaire. Si la pension n'est pas en adéquation avec le salaire, le jeu est faussé d'avance. Quelqu'un qui perçoit un salaire de 100 mille francs Cfa, sa pension doit correspondre à un salaire de 100 mille francs Cfa. Quelqu'un qui perçoit un salaire de 1 million de francs Cfa, idem. Cela veut dire qu'il y a nécessairement des réaménagements à faire au niveau du Fnr pour tenir compte du relèvement du salaire des magistrats. Si le magistrat se retrouve avec un salaire satisfaisant aujourd'hui, mais à la retraite qu'il soit avec un niveau de pension de l'ordre de 150 mille, voire 200 mille francs Cfa, cela ne le met pas à l'abri. Ce n'est pas seulement lorsqu'il est en activité qu'il faut protéger le magistrat, mais il faut, aussi, le mettre dans les mêmes conditions de dignité et d'indépendance lorsqu'il est à la retraite. Pour cela, nous demandons l'intégration de l'indemnité de judicature dans la détermination de la cotisation du Fnr, mais aussi dans le calcul de la pension de retraite. Nous demandons, aussi - et ça, c'est l'une de nos doléances fondamentales - que l'Etat respecte ses engagements par rapport aux terrains (150 parcelles au moins) qu'il nous avait promis au niveau de la ‘Bande verte’. Le chef de l'Etat nous avait promis des parcelles à usage d'habitation au niveau du Cices et au niveau de la ‘Bande verte’. Pour le Cices, c'est réglé, mais pour la ‘Bande verte’, nous attendons toujours. Nous demandons que les autorités comptétentes en la matière mettent en œuvre cette promesse du chef de l'Etat. Une promesse du président de la République, c'est un engagement. Il faudrait, maintenant, que les autorités administratives chargées de l'application des engagements du chef de l'Etat fassent leur travail. Parce que cet engagement du chef de l'Etat, les magistrats y tiennent comme à la prunelle de leurs yeux. Aujourd'hui, c'est notre doléance fondamentale. Autre revendication très importante dans notre mobilisation, c'est la réforme des statuts des magistrats et celle du Conseil supérieur de la magistrature. Et la réforme, pour nous, ne doit pas naître ex-nihilo. C'est une dynamique qu'il faudra engager dans l'optique du renforcement des garanties d'indépendance de la Magistrature. Cela voudra dire qu’en plus des principes d'indépendance constitutionnelle que nous avons, il faudra renforcer nos différents statuts. Au niveau du Conseil supérieur de la magistrature, il faudra, également, réformer. Parce que la composition du Conseil supérieur de la magistrature pose problème. Les magistrats n'y sont représentés que par trois magistrats élus. Cela veut dire que les magistrats élus par leurs pairs constituent une nette minorité. Il faudrait inverser la tendance. En tout cas, pour que le Conseil supérieur de la magistrature puisse jouer son rôle, les magistrats élus doivent être majoritaires, dans la mesure où ce sont eux qui doivent défendre les intérêts des magistrats, ce sont eux qui reflètent la diversité au niveau de la Magistrature.

Wal Fadjri : Etes-vous de ceux qui défendent l'idée selon laquelle le président de la République ne doit plus présider le Conseil supérieur de la magistrature ?

Aliou Niane : Nous allons, au niveau de l'Ums, engager une réflexion de haut niveau dans ce sens. Mais, il faudra comprendre que tout ce que nous demanderons le sera sur la base du principe de la séparation et de l'équilibre des pouvoirs, mais aussi de l'indépendance de la Magistrature.

Wal Fadjri : Pensez-vous que le fait que le Conseil supérieur de la magistrature soit présidé par le chef de l'Etat puisse entamer le principe de la séparation des pouvoirs ?

Aliou Niane : Personnellement, je suis pour un Conseil supérieur de la magistrature qui ne soit pas présidé par le chef de l'Etat. Parce que, tout simplement, le président de la République ne peut pas être chef de l'exécutif et chef du judiciaire. Même s'il est vrai qu'au fond, il ne joue pas les grands rôles dans le Conseil supérieur de la magistrature. Mais, il ne faudrait pas que l'on s'appuie sur l'expérience française. En France, il y a un conseil présidé par le chef de l'Etat. Et, essentiellement, lorsqu'il s'agit de statuer sur des questions liées à l'indépendance de la Magistrature, le chef de l'Etat, en tant que garant de cette indépendance, préside le conseil. Mais, il faut noter que la France n'a pas de pouvoir judiciaire, elle a une autorité judiciaire. Au Sénégal, nous avons un pouvoir judiciaire - c'est une option du Constituant sénégalais - il faut qu'on l'assume. Assumer cette option revient à faire en sorte qu'il n'y ait pas de mécanisme de tutellle d'un pouvoir sur un autre. Les pouvoirs, dans le principe constitutionnel, sont indépendants et séparés.

Wal Fadjri : En somme, vous voulez une suppression de la tutelle sur la justice.

Aliou Niane : Il faut noter que l'Ums n'a pas encore terminé sa réflexion à ce niveau. Je vous ai donné mon point de vue personnel, mais il faudra attendre que l'Ums développe toute sa réflexion autour de cette question pour que l'on puisse en faire un cheval de bataille.

Wal Fadjri : Par rapport à tout ce que vous venez de dire, pensez-vous réellement que la justice est libre au Sénégal ?

Aliou Niane : Je le pense très sincèrement. Le juge qui tranche un litige, il a les moyens d'assumer son indépendance. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problèmes. Losrqu'il y a des pressions sur le juge, il faudrait que l'Union des magistrats se batte pour l'enlever. Lorsque la carrière du juge peut dépendre d'un certain nombre de facteurs ou d'acteurs, cela pose problème. Il faudrait que le juge, en tranchant un litige, n'ait pas de pression sur sa carrière. Il ne doit pas être l'agneau du sacrifice. Ce que nous voulons, ce sont des mécanismes qui permettent au juge d'assumer son indépendance dans la plénitude de l'acception et qui protègent sa carrière. Qu'on ne puisse pas le sanctionner parce qu'il est indépendant.

Wal Fadjri : Est-ce que le problème n'est pas, aussi, au niveau de notre architecture judicaire qui est composée d'une magistrature du siège et d'une magistrature debout qui dépend du ministère public ?

Aliou Niane : Dans toutes les traditions judiciaires francophones, nous avons une magistrature du siège qui tranche les litiges et des magistrats debout qui, en réalité, sont les avocats de la société. Ces derniers interviennent au litige en tant que partie. Ils ont d'autres prérogatives tout aussi importantes. Par exemple, ils sont maîtres des poursuites. Ça ne dérange pas, parce que même le magistrat du parquet peut assumer son indépendance par rapport à beaucoup de choses. Les statuts de la magistrature disent clairement que la parole est libre à l'audience. Cela veut dire que le procureur peut recevoir des instructions écrites, et sur la base du principe qui dit que la parole est libre, il peut passer outre ces intructions, à l'audience, par rapport à son intime convition, à l'analyse qu'il fait du dossier, au choix qu'il pourrait faire et qui tient compte de l'Etat de droit et de l'intérêt de la société. Mais, il faut avouer qu'il est aussi fragilisé parce que la question de sa carrière et de ses liens avec la hiérarchie - le ministère de la Justice - se pose. Il faut réfléchir à ce niveau pour trouver des mécanismes de garantie d'indépendance aussi bien pour le magistrat du siège que pour celui du parquet. Qu'il n'y ait pas de pression sur sa carrière, qu'il ne soit pas fragilisé en tant qu'individu. Parce qu'il y a le principe, mais aussi il y a la pratique que les gens font de ce principe.

‘Je suis pour un Conseil supérieur de la magistrature qui ne soit pas présidé par le chef de l'Etat parce que le président de la République ne peut pas être chef de l'exécutif et chef du judiciaire’

Wal Fadjri : Mais, malgré le principe qui lui garantit une certaine indépendance, le magistrat du siège n'est pas, non plus, à l'abri.

Aliou Niane : Pour le magistrat du siège, il y a ce que l'on appelle le principe de l'inamovibilité. C'est un principe constitutionnel. Cela veut dire que le magistrat du siège ne peut être affecté n'importe comment. Maintenant, il y a des atténuations parce que dans les statuts de la magistrature, il est possible de passer outre ce principe constitutionnel et d'affecter un magistrat du siège sur la base de la ‘nécessité de service’. Mais, si on fait une analyse globale, on se rend compte qu'il y a une précarité au niveau des magistrats découlant du fait que la majeure partie des magistrats est à des postes d'intérimaires. Ce qui fait qu'ils ne sont plus à l'abri par rapport au principe de l'inamovibilité. En effet, on constate, aujourd'hui, que l'exception ‘nécessité de service’, qui découle des statuts de la Magistrature, constitue une règle. On l'utilise n'importe comment et n'importe où. Il faut que cela cesse. Le principe constitutionnel est là, il faudra lui donner tout son contenu. Et, au niveau de l'Ums, nous serons très vigilants sur cette question. L'union sera derrière chaque magistrat. Nous n'accepterons pas qu'il y ait des violations statutaires contre quelque magistrat que ce soit.

Wal Fadjri : Restons sur ce chapitre d'indépendance de la justice. Certains hommes politiques, après avoir été épinglés par la justice, ont vu leurs dossiers classés sans suite lorsqu'ils ont rejoint le camp présidentiel. Ne craignez-vous pas que le dossier d'Idrissa Seck connaisse le même sort ?

Aliou Niane : En tant que magistrat, nous ne pouvons pas intervenir dans un domaine que nous ne maîtrisons pas. Un dossier qui n'est pas avec nous, nous ne pouvons pas en dire grand chose. Ce que je peux dire, c'est que les dossiers pendants devant les juridictions vont être poursuivis jusqu'à leur terme. Le principe, c'est que le politique ne peut pas intervenir dans le cadre d'un dossier quelle que soit sa nature.

Wal Fadjri : Ne peut pas ou ne doit pas ?

Aliou Niane : Ne doit pas. Parce que le principe est que le politique, qui qu'il puisse être, ne doit pas intervenir dans le processus judiciaire. Il ne doit pas donner des injonctions aux juges. Le juge a son intime conviction, il y a les lois et règlements du pays, et il tranche à partir de ces mécanismes bien déterminés. Sous ce rapport, le juge est complètement à l'abri de la pression politique. Il lui appartient, cependant, d'assumer cela. C'est une dimension individuelle. Chaque juge doit assumer son indépendance et aller le plus loin possible par rapport à ça. Quelqu'un qui ne veut pas être indépendant, on ne peut pas l'obliger à l'être. Nous avons des principes qui valent ce qu'ils valent, mais qui permettent au juge d'assumer une grande parcelle d'indépendance. Maintenant, il appartient à tout un chacun de labourer cette parcelle.

Wal Fadjri : Donc, malgré les négociations en cours, le dossier d'Idrissa Seck peut aller à son terme.

Aliou Niane : Le dossier doit aller à son terme. (Il répète) Le dossier doit aller à son terme, sur le plan du principe. Mais, qu'est-ce qui se fera ? De toute façon, nous sommes là et nous observons et tirons des leçons. Au niveau de l'Ums, lorsque nous avons des faits précis sur la base desquels nous pouvons faire une réflexion, nous le ferons. Si nous devons tirer la sonnette d'alarme, nous le ferons également.

Wal Fadjri : Selon vous, Idrissa Seck doit être jugé nonobstant les négociations pour son retour au Pds.

Aliou Niane : Que ce soit Idrissa Seck, que ce soit un autre, c'est exactement le même principe : il doit être jugé. La justice est là pour tout le monde. Toute personne, qui qu'elle soit, sur qui pèsent des accusations, doit être jugée. Et s'il est avéré que cette personne a commis des infractions, elle doit être punie par la loi. Il ne peut pas y avoir à ce niveau de justice à double vitesse. Les lois et règlements valent pour tous les citoyens de ce pays. Et on ne doit pas trangresser cela. Dans notre bataille, en tout cas, nous voulons amener toute la Magistrature à se mobiliser comme un seul homme pour faire en sorte qu'il n’y ait pas la possibilité de faire des pressions politiques ou d'une autre nature sur les magistrats. La pression n'est pas seulement politique. Elle peut être sociale ou financière.

Wal Fadjri : Parlant de pression financière, il a été beaucoup question l'année dernière de corruption dans la Magistrature. Que comptez-vous faire pour éradiquer ce fléau ?

Aliou Niane : C'est vrai que la corruption est présente dans presque tous les secteurs du pays. Cependant, à l'Ums, nous disons que nous n'acceptons pas qu'il y ait une seule parcelle de terrain de corruption au niveau de la Magistrature. Mais, lorsque l'on est indépendant, on est au-dessus de toutes ces contingences d'ordre matériel ou social. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de corruption dans la magistrature. C'est sûr qu'il en existe et le phénomène (corruption dans la Magistrature : Ndlr) que nous avons vécu l'année dernière, le prouve. Mais, ce dont nous sommes sûrs, c'est que l'Union des magistrats va mobiliser tous les magistrats de ce pays pour enlever cette gangrène du secteur de la justice, quoi que cela puisse nous coûter. Nous ne pouvons pas nous battre pour l'indépendance de la justice et accepter des fléaux de cette nature. C'est un fléau grave parce qu'au-delà des incidences sociales et autres, il peut avoir des conséquences fâcheuses sur l'économie. Les questions liées à l'investissement ne pourront jamais être réglées si nous n'avons pas une justice crédible et indépendante. S'il y a corruption dans la Magistrature, cela se reflète inévitablement sur le degré d'investissement dans le pays. Aucun investisseur n'acceptera de mettre ses billes dans notre pays s'il sait qu'au niveau de la magistrature, nous avons des problèmes de corruption. Lutter contre la corruption, c'est en réalité lutter pour l'intérêt national. C'est pourquoi, nous nous engageons à dénoncer les faits de corruption et à les combattre. Nous l'avions fait l'année dernière et nous allons continuer dans ce sens.

Wal Fadjri : Parlons maintenant de la détention préventive qui pose énormément de problèmes du fait de sa longueur. Et, le plus souvent, au bout du compte, le juge constate que le prévenu est innocent, mais il n'y a pas de réparation. Qu'est-ce que l'Ums compte faire sur cette question ?

Aliou Niane : Il ne faut pas que les gens pensent que s'il y a une longueur dans la procédure, c'est du fait du magistrat. En fait, le magistrat n'est qu'un maillon de l'appareil judiciaire. S'il y a des phénomènes de cette nature qui sont regrettables, il faut engager une réflexion approfondie sur tout l'appareil judiciaire. Il faut reconnaître qu'il y a un problème d'effectifs, de procédure et l'analyse doit s'orienter dans ce sens. De toutes les façons, l'Ums est prête à engager cette réflexion parce que les magistrats sont les premiers gênés lorsqu'ils sont en face d'un problème de cette nature. Pour tout dire, il faut une réforme approfondie de l'appareil judiciaire.



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