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Politique

Amath DANSOKHO, Secrétaire général du Pit : ‘Wade a une boulimie du pouvoir qui est insondable’

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Amath DANSOKHO, Secrétaire général du Pit : ‘Wade a une boulimie du pouvoir qui est insondable’

Dans l'entretien qui suit, réalisé par notre confrère ivoirien Fraternité Matin et dont nous vous proposons de larges extraits, Amath Dansokho brocarde le comportement des chefs d'Etat africains, par rapport à la crise en Côte d'Ivoire, à la veille de l'ouverture du sommet de l'Union africaine (Ua) à Banjul. Le président sénégalais, Me Abdoulaye Wade, n'a pas échappé aux diatribes du leaders du Pit qui l'accuse d'avoir la boulimie du pouvoir.

Fraternité Matin : Vous êtes député sénégalais, dans quel cadre séjournez-vous depuis quelque temps à Abidjan ?

Amath Dansokho : Cela fait un moment que je ne suis pas venu à Abidjan. Je suis venu saluer mes amis comme j'en ai l'habitude et surtout remercier mes avocats ivoiriens. Vous savez que j'ai été assigné devant la justice à Dakar et pour mon procès qui a fait grand bruit, j'ai bénéficié de l'assistance des avocats ivoiriens. Leur plaidoirie m'a permis d'être acquitté. Je suis, par ailleurs, là pour m'entretenir avec le président Laurent Gbagbo sur l'évolution de la situation de crise que vit la Côte d'Ivoire. Cette situation me passionne parce que la Côte d'Ivoire est un Etat axial dans cette sous-région, surtout du point de vue des rapports politiques et économiques. Les difficultés qu'on lui a imposées, affectent tous les Etats à divers degrés. Par conséquent, j'ai jugé nécessaire d'y venir pour me ressourcer. Pour savoir exactement où on en était surtout à ce moment crucial, à la veille de la Conférence de Banjul. Des décisions seront prises pour que le processus de paix soit amorcé intégralement et rapidement et que la parole soit rendue. Comme c'est le cas dans un Etat de droit, au peuple pour désigner ses représentants à l'issue des élections présidentielle, législatives et mêmes locales.

Fraternité Matin : Qu'entendez-vous par les difficultés imposées à la Côte d'Ivoire ?

Amath Dansokho : Pour une large part, il est évident que ce sont des forces qui ont organisé cela, délibérément. Ce n'est pas une affaire exclusive des forces intérieures. Je reste convaincu que l'ancienne puissance coloniale a assumé des responsables essentielles dans la création de la situation qui vous a plongé dans des turpitudes aussi graves. Si la Côte d'Ivoire n'avait pas à sa tête un chef d'Etat de la trempe du président Laurent Gbagbo, je suis sûr que la situation sera pire qu'ailleurs. Que tout ce que nous avons vu en Afrique.

Fraternité Matin : Vous entrevoyez le sommet de Banjul avec un certain optimisme. A quatre mois de l'échéance du 31 octobre, Banjul peut-il dessiner les vrais sillons d'une paix durable en Côte d'Ivoire ?

Amath Dansokho : Si les chefs d'Etat sont déterminés à mettre un terme à la crise, on peut rêver le meilleur pour ce pays, car le peuple ivoirien ne veut que la paix. La période d'accalmie que vivent les Ivoiriens depuis quelque temps, a permis de mesurer toute l'importance de la paix. Il n'est plus possible de faire marche arrière. Les chefs d'Etat ont la solution. Ils peuvent décider des mesures hardies et énergiques pour mettre un terme à la crise. Sinon, il y a à croire qu'il existe des forces, même en Afrique, qui sont résolues à faire perdurer cette crise ivoirienne qui a de grands dommages pour nous tous (...)

Fraternité Matin : Votre président Abdoulaye Wade reproche à son opposition d'être instrumentalisée par le président Gbagbo. Et il le soupçonne même de se servir de cette opposition pour fomenter un coup d'Etat contre son pouvoir.

Amath Dansokho : Le trait de caractère très distinctif de Wade, c'est de faire toujours des déclarations irresponsables. J'ai été son ministre, et je dois avouer que s'il est aujourd'hui à la tête de l'Etat sénégalais, j'ai joué un rôle essentiel pour son élection. J'ai organisé le regroupement de la gauche qui lui a apporté son soutien. J'étais son allié pendant 24 ans et je suis allé en alliance avec lui au moment où personne ne le trouvait fréquentable parce que jugé par tous comme un fieffé réactionnaire. Il sait très bien que je ne peux être l'instrument de personne. D'ailleurs, la dédicace de son premier livre qu'il m'a faite est assez claire. C'est une dédicace très élogieuse, justement pour saluer mon engagement pour les luttes des peuples d'Afrique. Un hommage dont personne n'a bénéficié dans la classe politique sénégalaise. C'est dans mon salon que tout a été préparé pour son élection alors qu'il était couché à Paris. Cette accusation montre qu'il s'engage dans le ton de la polémique, faute d'arguments convaincants.

Fraternité Matin : Que lui avez-vous répondu pour vous défendre de cette accusation qui affecte tout de même l'image de l'opposition sénégalaise ?

Amath Dansokho : Je lui ai dit que la présidence sénégalaise est plus proche de mon domicile qu'Abidjan. Il est plus facile pour moi d'y aller pour prendre ce que je veux et il ne peut me le refuser, il le sait. Car, il distribue chaque jour des centaines de millions de francs, à des gens dont j'ignore la provenance. Cet argument ne colle pas à moi, il sait parfaitement que ce n'est pas mon genre. En revanche, je ne peux supporter l'injustice d'où qu'elle vienne. Ce pays est l'objet d'une injustice dont il est difficile de voir l'équivalent dans le continent africain, depuis Lumumba. Je refuse cette injustice, car ce peuple a des droits, comme tous les peuples, et parce qu'aussi en tant que Sénégalais, ce pays qu'est la Côte d'Ivoire représente notre deuxième nation. Nulle part ailleurs, nous n'avons une communauté sénégalaise aussi importante. Ce sont des millions de ressortissants de notre pays ; et jamais, on n'a entendu, et je mets au défi quiconque de me dire qu'un seul jour, il y a eu des actions attentatoires à la dignité de la communauté sénégalaise.

Fraternité Matin : Pourquoi, selon vous, Wade a-t-il cette attitude pleine de morgue contre le peuple de Côte d'Ivoire et son président ?

Amath Dansokho : Au lendemain de la crise, j'ai fait une déclaration à Dakar, puis après à Abidjan pour dire que Wade n'avait pas à traiter la Côte d'Ivoire et ses autorités en ennemis, car nos ressortissants n'avaient pas été inquiétés et qu'ils étaient très intégrés à la société ivoirienne. Les difficultés du moment nous touchent parce qu'elles touchent la communauté sénégalaise. Parce que les rapports économiques entre le Sénégal et la Côte d'Ivoire sont, dans l'Uemoa, les plus importants.

Fraternité Matin : Après 24 ans de complicité, comment êtes-vous arrivés à vous séparer, au point d'être des antagonistes ? D'où est parti le divorce ?

Amath Dansokho : Nous savons qu'Abdoulaye Wade est un personnage assez bizarre. Il a une boulimie du pouvoir qui est insondable. Il est fantaisiste, il est mégalomane. Et tous ces travers, nous les lui connaissions et nous le savions aussi. Surtout moi. Je ne pense pas qu'un dirigeant de son parti le connaît autant ou mieux que moi. En tout cas, sur le plan politique, il n'en y a pas un. Mais, nous avions fait le pari de le soutenir compte tenu du fait que c'est lui que le suffrage avait mis en avant et justement par respect pour la démocratie. Quand nous avons convenu que l'opposition devrait se regrouper pour faire l'alternance, nous savons que le peuple, au niveau des élections primaires, avait déjà fait son choix. Cela a été mon argumentation. Il fallait donc le porter au pouvoir et nous avions donc le sentiment qu'avec le regroupement de la gauche démocratique comprenant la formation d'Abdoulaye Bathily, celle de Landing Savané et la contribution de Moustapha Niasse, en cas de victoire, la gestion de l'Etat l'aurait assagi. Que non ! Cela a fouetté malheureusement tous ses défauts. J'ai vu venir, donc, je suis parti. J'ai refusé de voter sa Constitution qui allait contre notre programme élaboré en commun et auquel il a souscrit avec une préface. Et où il était dit que nous allions vers un régime parlementaire. Avec un rééquilibrage des pouvoirs de sorte qu'on sorte du régime présidentiel fort dont le président Abdou Diouf a hérité de Senghor.

Fraternité Matin : Qu'a-t-il fait et quel était le contenu de sa nouvelle Constitution ?

Amath Dansokho : Il a fait exactement le contraire de ce que nous nous étions proposé de combattre. Je lui ai dit que je ne voterais pas une Constitution de despote et je ne l'ai pas fait comme je le lui ai signifié. Aujourd'hui, tous ceux qui ont voté cette Constitution, nourrissent des regrets profonds. Tous les partis aujourd'hui dans l'opposition, à l'exception de deux, avaient tous voté cette Constitution. C'est ce qui lui permet de faire ce qu'il fait en ce moment parce qu'il a des pouvoirs de despote. Et puisque lui-même a soutenu dans une profession de foi publique, une interview publiée dans le Figaro, un journal français, en avril 2002, que son idéal politique en Afrique, c'est le despotisme éclairé, alors il se comporte comme un roi. Il ne respecte aucune loi. Les lois sont faites pour les autres. Elles ne sont pas faites pour son camp, elles ne sont pas faites pour lui. La Constitution est chaque jour tripatouillée.

Fraternité Matin : Ne faut-il pas craindre le pire dans les prochains jours pour se maintenir au pouvoir ?

Amath Dansokho : Tenez-vous bien, il veut introduire une réforme constitutionnelle qui sera une grande première dans le monde. Les rues et foyers du Sénégal, notamment de Dakar, vivent dans l'anxiété de cette annonce. Les rumeurs à Dakar racontent qu'il projette d'organiser un référendum sur la prorogation de son mandat sans passer par les élections pourtant prévues par la Constitution. Car, il sait, par avance, qu'il sera battu. Le peuple lui a tourné le dos, en ville comme en campagne. Si vous allez à Dakar, promenez-vous et parlez avec les populations. C'est un cas rare de trouver quelqu'un qui vous dira que je suis pour Abdoulaye Wade.

Fraternité Matin : Est-ce cette même volonté de se maintenir au pouvoir qui l'amène à vouloir coupler la présidentielle avec les législatives pour 2007 alors que le mandat des députés a pris fin depuis le 30 juin 2006 ?

Amath Dansokho : C'est la preuve qu'il est aux abois. Si les élections législatives étaient faites aux dates constitutionnelles, il serait battu à plate couture. Tous les sondages et toutes les enquêtes de police le prouvent. Il se trouve, par ailleurs, que son parti est en crise. L'architecte de sa victoire l'a quitté, l'ancien Premier ministre, Idrissa Seck. Il lui a collé une sale affaire. Puis après, Wade lui-même l'a blanchi, en lieu et place de la justice. Il n'a désormais plus personne dans son parti pour lui mener une campagne électorale efficace. Il se dit alors : si je respecte le calendrier électoral, je ne tiendrai pas. Il a donc fait un coup de force en prolongeant le mandat des députés et en couplant la présidentielle avec les législatives. Et il a la conviction avec ce couplage qu'il pourra faire concomitamment la campagne présidentielle et la campagne législative et pourra ainsi réussir à diviser l'opposition sénégalaise.

Fraternité Matin : Comment l'opposition compte-t-elle lui résister ?

Amath Dansokho : Nous avons aujourd'hui une chance, l'opposition est très unie au Sénégal. Nous sommes tous ensemble. Dans le Cpc d'abord (le Cadre permanent de concertation). Nous avons, ensuite, la Cpa (la Coalition populaire pour l'alternative) que nous avons mis sur pied par regroupement encore plus large de l'opposition avec l'arrivée à la fois de Abdoulaye Bathily et de l'ancien président du groupe parlementaire socialiste. Wade pense tenir le bon bout avec la multiplicité des candidats à la présidentielle. Mais, il oublie qu'aux législatives, nous avons décidé d'aller en ordre de bataille, sur une liste unique pour ne lui donner aucune chance pour exécuter son coup de force. Pour la présidentielle, nous sommes en train de discuter et il n'est pas exclu que la sagesse nous commande d'aller tous unis derrière un seul porte-drapeau. Dans les jours qui viennent, nous allons prendre des décisions dans ce sens. Cela n'est pas facile, mais cela est dans nos moyens. Et tout le monde est d'accord qu'il faut aller dans ce sens si nous ne voulons pas que le pays plonge dans des turpitudes aux conséquences incalculables.



1 Commentaires

  1. Auteur

    Allons Y Molo

    En Octobre, 2010 (18:36 PM)
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