Dans cet entretien, le journaliste-politologue analyse la question de la candidature unique ou plurielle de la coalition populaire pour l’alternative. Pour lui, la Cpa porte les germes de sa dislocation. Mais malgré tout, Moustapha Niasse présente plus d’atouts que les autres leaders pour porter la candidature de la Cpa.
Que pensez-vous du débat autour de la candidature unique ou plurielle qui agite la Cpa depuis quelque temps ?
A mon avis, la Cpa qui porte mal son nom, est plutôt la coalition de la profusion des ambitions. La Cpa porte dans son sein les germes de sa dislocation. Dans la galaxie de l’opposition des vaincus d’hier, en l’occurrence les socialistes, se retrouvent les co-vainqueurs d’hier en l’occurrence les progressistes et les militants de la ligue démocratique (Ld). C’est déjà un conglomérat de partis qui, en 2000, n’étaient pas logés à la même enseigne. Psychologiquement, symboliquement, il est difficile aux socialistes de soutenir électoralement Moustapha Niasse. Qui est en quelque sorte, leur co-bourreau avec les 17% accordés à Me Wade. Il est difficile de demander à une victime de soutenir son ex-bourreau. D’un autre côté, Moustapha Niasse a fait de Wade, président de la République du Sénégal avec ses 17%. S’il fait de Tanor le roi du Sénégal en 2007, il aura un destin de faiseur de roi. La question est de savoir quand est-qu’il sera lui-même roi. Il ne peut passer tout son temps à faire des rois sans être roi. Il ne peut pas accepter un destin de faiseur de roi. Donc dès le départ, les dés étaient pipés au sein de la Cpa.
Et plus spécifiquement au niveau du Ps ?
Plus spécifiquement dans les rangs du Ps, il y a une crise qui est porteuse non seulement de fissures mais de failles définitives. La candidature de Robert Sagna est consommée. Les observateurs avertis en étaient sûrs et certains. Robert Sagna est certes le porte-étendard d’un Courant, mais je crois que dans les échéances de 2007, il cristallise le vote casamançais et dans une bonne mesure le vote catholique. Parce que c’est le premier chrétien candidat à la présidentielle depuis Senghor en 1980. Il cristallisera le vote des régions périphériques en colère. Aux Parcelles assainies, il était entouré de Souty Touré (Tamba) et Abdourahmane Touré (Matam). Ce qui veut dire qu’il va cristalliser trois votes : le vote casamançais, le vote catholique et le vote des régions périphériques en colère. Le phénomène Robert, a certes pour origine, le Ps et le Courant, mais du point de vue de son amplitude, pour parler comme les vulcanologues, le phénomène Robert va dépasser le cadre étroit du Ps. En définitive, si les socialistes étaient inspirés, ils auraient favorisé l’émergence d’une candidature féminine. En l’occurrence celle de Me Aïssata Tall Sall. Et du coup, le syndrome Ségolène Royale aurait opéré ici aussi au Sénégal. Elle aurait fait un score de nature à remuer l’échiquier politique. Mais elle a des problèmes de loyauté vis-à-vis du Premier secrétaire Ousmane Tanor Dieng. Elle se garde moralement de franchir le rubicon. C’est-à-dire présenter sa candidature. Mais cela aurait eu un effet surprenant.
Qui de Tanor, de Niasse, de Bathily et de Dansokho a le meilleur profil pour porter la candidature de la Cpa et faire face à Wade ?
C’est moins un problème de profil qu’un problème d’atouts. Un problème intrinsèque à l’homme que d’atouts fournis par le contexte et la conjoncture. Certes, le parti de Moustapha Niasse est en train de se réduire comme peau de chagrin. Mais il a l’avantage de l’âge. Qui est dans une bonne mesure synonyme d’expérience, plus que Tanor. Ils sont tous deux hommes d’Etat remarquables. Comme Tanor, il est d’obédience social-démocrate. Donc sur ce plan, lui et Tanor se valent. Ils sont tous d’obédience social-démocrate au sens large du terme. Après tout l’Afp n’est rien d’autre qu’un fragment dissident du Ps. L’autre atout de Moustapha Niasse, c’est qu’il rassure, en tant que dinosaure du Senghorisme. Dont tout le monde se réclame paradoxalement dans ce pays, y compris Abdoulaye Wade. Au moment où Senghor fait du tabac dans les esprits avec les anniversaires qu’on célèbre. Alors, lui, qui est quand même l’un des héritiers les plus marquants du «Senghorisme», dans un contexte comme celui-ci, s’ils ont comme souci de déraciner le parti libéral électoralement, lui, il pourrait vraiment être un bon atout. Beaucoup plus que Tanor parce que lui, il peut stabiliser sur sa personne la sympathie et le soutien de Bathily dont le seul souci est d’en finir avec cette alternance qui tourne mal à ses yeux. De Dansokho, qui est son ami sur le plan personnel et politiquement aussi (c’est un vieux compagnon de Moustapha Niasse dans une certaine mesure) et de Madior Diouf qui est son ami depuis le lycée. Avec un gouvernement englué dans les pénuries, dans les délestages et une demande sociale qui est devenue une urgence sociale depuis un certain temps. Il suffit de faire montre de clairvoyance de la part de l’opposition, toutes sensibilités confondues pour vraiment obtenir de réelles chances. Malheureusement, la clairvoyance n’est pas bien partagée dans cette opposition où l’étroitesse d’esprit semble être le tableau de bord de tout le monde.
Mais Idy risque de jouer les trouble-fêtes?
Idy est un opposant spécial parmi les adversaires ordinaires de Wade. Idy est l’ex-complice devenu le nouvel ennemi. Il est dangereux. Dans la vie tout court et dans la vie politique en particulier, les ex-amis sont plus redoutables que les ennemis de toujours. Idy est depuis 1988, le co-bâtisseur de la «cathédrale libérale» aux côtés de Me Wade. Donc, il en connaît la nef, le parvis, les colonnes et l’autel. Il connaît même intimement le presbytère dans lequel vit le cardinal. Donc, s’il a envie de dynamiter cette «cathédrale libérale», dites-vous bien qu’il sait où il va placer les dynamites et là où se situent les fondations les moins solides. Par conséquent, il est trop facile de pulvériser, apparemment, la «cathédrale libérale». De ce point de vue, il est dangereux. Même si en démocratie et en République, il n’est pas admissible qu’on cherche à conquérir le pouvoir par des Cd explosifs ou des trafics de basse politique : brandir un Cd qui fait paniquer un chef d’Etat, qui quitte le fauteuil et on le récupère. Si la République devait fonctionner de cette manière-là, alors on pourrait dire adieu à toutes les caractéristiques, je veux dire, toutes les vertus de la République et de la démocratie. Il y a des méthodes contestables mais, le fait est là, c’est un adversaire spécial, donc spécialement dangereux mais pas uniquement sur le plan électoral. D’autant plus que le bras de fer Wade-Idy est un bras de fer qui éprouve les institutions, c’est un bras de fer qui est dangereux aussi bien pour les deux protagonistes que pour le pays tout entier. Idrissa Seck a été le directeur de campagne de Wade en 2000. Il sera le détracteur de campagne en 2007 si jamais sa candidature passe la rampe. S’il fut l’avocat du programme du Pds, il sera le procureur de ce même programme à la fin du mandat de Me Wade. De ce point de vue, Idrissa Seck est le candidat-cancer de la famille libérale.
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