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Politique

Cheikh Tidiane GADIO (Ministre d'Etat, ministre des Affaires Etrangères) : 'Le Maroc a toujours joué un rôle important sur la scène diplomatique africaine'

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Cheikh Tidiane GADIO (Ministre d'Etat, ministre des Affaires Etrangères) : 'Le Maroc a toujours joué un rôle important sur la scène diplomatique africaine'
La première Conférence africaine sur le développement humain prouve encore une fois que le Maroc n'a jamais quitté la scène diplomatique africaine, a déclaré le ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères du Sénégal. Tirant le bilan de cette rencontre ministérielle qui s'est tenue les 6 et 7 avril dernier à Rabat, Cheikh Tidiane Gadio revient dans l'entretien qui suit sur l'importance de cette initiative du Royaume chérifien.


Wal Fadjri : Comment appréciez-vous l'initiative du Maroc qui a convoqué la première Conférence africaine sur le développement humain ?


Cheikh Tidiane Gadio : Combien de fois le Sénégal a appelé une réunion, par exemple sur les biocarburants, réagissant à la crise énergétique ? Est-ce qu'il faut introduire un projet de résolution à l'Union africaine, attendre la réunion ministérielle, le Sommet des chefs d'Etat pour convoquer, dans un an ou deux, une conférence sur les biocarburants ? Le Sénégal a vécu la crise et a senti que tous les pays environnants avaient d'énormes problèmes avec la question d'énergie. Le Brésil nous a approché avec ses propositions et d'autres pays amis. Le Sénégal a, tout de suite avec le président Wade, pris l'initiative d'une rencontre africaine sur les biocarburants.
Par ailleurs, le Maroc sait que les Africains discutent beaucoup de la question de développement. Et nous avons également été à Johannesburg pour la grande conférence sur le développement durable et autres. Et tous ces mécanismes sont bons, importants, mais très lourds. Là, vous avez un mécanisme très allégé. Quarante-cinq pays d'Afrique qui se retrouvent et qui parlent, à mon avis, pour la première fois de façon très concrète du développement humain, en lui donnant un contenu. Nous avons parlé des femmes, de la vie de tous les jours, des citoyens africains. Nous avons aussi parlé de la lutte contre la pauvreté, mais sous l'angle de : ‘Quelles solutions ?’ Et nous avons mis en place un mécanisme de suivi. Je trouve que c'est très concret ; et cela ne va à l'encontre d'aucune initiative. Cela renforce plutôt les initiatives existantes et place le Maroc dans son rôle d'un pays africain important qui a toujours joué un rôle. Si on se rappelle, en 1961, c'est la conférence de Casablanca qui a lancé la dynamique qui a mené à la création de l'Organisation de l'unité africaine (Oua) qui deviendra, plus tard, l'Union africaine (Ua). Le Maroc a donc toujours joué un rôle important sur l'échiquier africain. Et s'il invite les Africains, ils répondent massivement, comme nous le voyons ici (Conférence de Rabat sur le développement humain du 6 au 7 avril dernier).


Wal Fadjri : On peut dire donc que c'est le retour du Maroc sur la scène diplomatique africaine.


Cheikh Tidiane Gadio : Mais le Maroc n'a jamais quitté la scène diplomatique africaine. Et même son absence de l'Ua est une absence-présence. Parce que chaque fois que nous allons à une réunion de l'Ua, tous les amis du Maroc se retournent pour voir quand est-ce que le Maroc va venir réoccuper sa place légitime dans les instances de l'Ua. Et, un pays fondateur de l'Oua, qui a lancé le processus de Casablanca, avec de grands leaders africains comme Kwamé Nkrumah, qui sont venus ici, en 1961, parler du Congo et de qu'est-ce qu'il faut faire pour aider à sa libération, ce pays-là ne peut pas être en dehors de l'Ua. Il se pose donc la question centrale, comme vous le dites, de comment les Africains vont enlever cette épine de leur pied, qui consiste à tenir le Maroc en dehors de l'Ua et à maintenir une entité (la province du Sahara) qui se bat au plan international pour avoir une reconnaissance de sa souveraineté et qui, donc, n'est pas encore reconnue, mais qui est dans nos instances, quand l'Ua réunit les Etats souverains. Il y a là une contradiction, un problème. Et le Maroc doit reprendre, le plus rapidement possible, toute sa place dans l'Ua.
Les initiatives sur la migration et sur le développement durable prouvent que le Maroc n'a jamais lâché le continent africain, ne s'est jamais découragé du continent africain et reste une entité majeure dans le développement et la renaissance du continent.


Wal Fadjri : L'initiative du Maroc de convoquer une Conférence africaine sur le développement humain est-elle synonyme de faille de la part de l'Union africaine ?


Cheikh Tidiane Gadio : Non, l'Ua travaille. Elle développe des projets internes. Par exemple, la question de l'énergie dont j'ai parlé. Il y avait une conférence des ministres africains de l'Energie de l'Ua qui était prévue. Seulement, le temps de mettre en place cette conférence a pris un peu plus de temps. Et un président comme Wade qui travaille vite et qui réagit vite aux événements, a pensé que rien n'empêchait les Africains de se réunir rapidement pour parler de biocarburant et des énergies alternatives.
De la même manière que quand on a eu la crise des criquets, est-ce qu'il fallait attendre qu'il y ait une réunion de l'Ua au sommet pour régler la question ? Non ! Il fallait se mobiliser immédiatement. Et le Sénégal a appelé tous les pays qui pouvaient venir nous apporter leurs idées, leurs contributions et les institutions internationales. Encore une fois, j'insiste sur la nécessité de marcher sur nos deux pieds. Nous avons des instances, des organisations, des institutions. C'est bien. Mais nous avons aussi le droit à des initiatives, à des suggestions pour qu'on aille vite. L'essentiel étant de réussir le pari du développement de l'Afrique.


Wal Fadjri : Mais de plus en plus, l'on remarque quand même une offensive du Maroc en direction de l'Afrique subsaharienne.


Cheikh Tidiane Gadio : Vous l'appelez ‘offensive du Maroc’, moi je l'appelle ‘présence’, et, peut-être, maintenant plus visible. Mais la présence marocaine, en tout cas, dans beaucoup de pays d'Afrique a été une très forte présence. Le Maroc n'a jamais, encore une fois, quitté la scène africaine. Vous l'appelez ‘offensive’, si vous le sentez comme cela.
Toutefois, cela veut dire que la diplomatie marocaine travaille bien. Elle est présente et vous la sentez, et c'est tant mieux. Parce que vous savez que le Sénégal et le Maroc, ce ne sont pas des pays amis, mais des pays alliés. Nous en sommes là. Donc tout ce qui touche le Maroc, nous intéresse. Et nous soutenons, pour l'essentiel, l'ensemble des initiatives lancées par le Maroc pour marquer encore davantage sa présence.


Wal Fadjri : Cette conférence donne-t-elle un contenu à la coopération Sud-Sud ?


Cheikh Tidiane Gadio : Ce que j'ai compris de l'initiative qui a mené à cette conférence, c'est que c'est une initiative personnelle de Sa Majesté, le Roi Mohamed VI. Ce n'est pas venu d'experts ou de techniciens qui ont proposé et c'est remonté jusqu'à Sa Majesté. C'est plutôt le contraire. C'est Sa Majesté qui a pensé que l'expérience du Maroc, dans le domaine du développement humain, devrait être partagée avec les autres pays frères du continent africain.
Ensuite, Sa Majesté a mis les moyens à la disposition de son ministère compétent (ministère des Affaires étrangères et de la Coopération) pour consulter les pays africains, sur la nécessité pour l'Afrique de se réunir et parler de développement, mais de façon très concrète. Combien de conférences avons-nous eu sur le développement ? A la limite, peut-être que l'argent de ces conférences pouvait financer le développement de beaucoup de pays d'Afrique. Mais là, nous avons une rencontre très spécifique sur le développement humain : santé, éducation, agriculture, prise en charge du genre, etc. Des questions très concrètes que nous avons débattues. Et je trouve que c'est une formule très allégée, qui permet aux pays, non seulement de s'exprimer librement, mais qui permettra de mettre en place un mécanisme de suivi, si véritablement nous arrivons à échanger nos expériences. Ce que le Sénégal sait le mieux faire en Afrique, qu'il le partage avec d'autres pays du continent. De même que le Malawi, le Maroc, etc. Si nous réussissons cela, c'est beaucoup plus concret que cent discours tenus dans les grandes conférences internationales et autres.
Nous saluons donc le courage du Maroc, d'autant que, comme nous l'avons dit, beaucoup de conférences sur le développement de l'Afrique se tiennent en dehors de l'Afrique. Et maintenant nous avons un pays africain qui invite les Africains à venir parler de leurs problèmes, ici en terre africaine du Maroc. Nous ne pouvons que nous féliciter de cela.


Wal Fadjri : Quelle a été la contribution du Sénégal à la Conférence du Maroc ?


Cheikh Tidiane Gadio : Le Sénégal est venu avec son ministre du Développement durable, des représentants de celui de la Femme, de l'Intérieur. En plus d'une forte contribution du ministère de l'Economie et des Finances. Et bien entendu, le tout coordonné par le ministère des Affaires étrangères. La simple présence de tous ces ministères qui s'occupent du développement, y compris celui de l'Intérieur qui s'occupe du développement local, prouve que le Sénégal accorde une grande importance à la réussite de cette rencontre.
Dans les débats, nous avons participé, nous avons été élus vice-président de cette conférence. Nous avons participé activement au comité de rédaction et nous avons initié le message de remerciement et de reconnaissance de l'initiative lancée par Sa Majesté et qui a été adopté par la conférence. Cela prouve, à mon avis, que notre pays reste un ami et un allié majeur du Maroc pour lequel nous avons une profonde affection et une profonde estime. Et pour lequel nous pensons qu'il doit tout faire pour continuer à revendiquer son rôle et sa place sur l'échiquier africain.


Wal Fadjri : Quel bilan tirez-vous de la première Conférence africaine sur le développement humain ?


Cheikh Tidiane Gadio : Je pense que c'est une réussite parce que quarante-cinq pays d'Afrique se sont réunis assez rapidement autour du thème du développement humain. Comme je l'ai dit, nous avons tellement discuté du développement, financé des rencontres, des conférences que, parfois, on se demande si au sortir de tout cela, on sait ce que c'est que le développement. Et à voir tout l'argent qui a été utilisé dans ces rencontres internationales, on se demande, parfois, quelle a été l'utilité de ce genre d'investissement. Et les rencontres dans des cadres institutionnels ont pesé lourd. Les grandes organisations internationales ont leur utilité, mais il se pose toujours la question de suivi.
Nous trouvons que cette rencontre (de Rabat, Ndlr) et les mécanismes qui ont été mis en place peuvent être des innovations pour que nous ayons, non seulement, des décisions concrètes, mais que nous travaillions à leur mise en œuvre. Que nous nous concertions pour que leurs mises en œuvre soient effectives. Nous nous retrouverons, dans deux ans, au Gabon. Entre-temps, j'espère que tous les six mois, le comité de suivi pourra mener une concertation. Et comme je l'ai dit, si le comité de suivi est un canal par lequel les pays échangent concrètement sur leurs expériences pour éviter de réinventer la roue et de refaire l'expérience des autres, le Maroc et tous les pays qui sont venus ici, auront triomphé, parce qu'on aura donné un contenu concret à ces rencontres internationales. Qui parfois, malheureusement, sont des rencontres de discours et de déclarations qu'on range dans les tiroirs par la suite.




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