Alors que les arbitres (Conseil Constitutionnel) et les spectateurs (les 34% des inscrits sur le fichier électoral) sont allés se coucher, le Pds, qui sera majoritaire à l’Assemblée nationale est encore un ring, où les « frères » et « sœurs » continuent à se taper de toutes leurs forces, les uns contre les autres, à s’entre-déchirer comme les survivants du radeau de la Méduse. Et dans l’exercice d’étripage qui sont les superstars ? Les transhumant(e)s, qui n’ont qu’un (ou deux) mots à la bouche : traître, ou traîtrise. Le mot retient l’attention. Trop de « t » et de « r » le rendent dur et le cognent au fond du palais (buccal bien sûr !).
Les judas sont prompts à interdire mais ne s’interdisent rien. Ils suffoquent en parlant de leurs « frères et sœurs » et manquent de s’étrangler en relatant les faits dont ils les accusent. Puis, trouvant toujours qu’il leur manque un sou pour faire cinq francs, ils se lèvent et déclament dans un chœur assourdissant, une ode à l’adversaire d’hier. On a le destin qu’on peut ! Et puis, n’a-t-on pas les traîtres qu’on mérite ? Même si en politique, surtout sous nos cieux, la traîtrise est un drôle de mot. Tout est d’ailleurs dans le retournement (de veste, de boubou ou de taille-basse). Quand un politique quitte sa formation d’origine pour s’inscrire dans un autre, c’est un traître. S’il quitte cet autre pour s’inscrire dans votre parti, c’est un converti. Dans les deux cas, il y un mélange de mauvais goût, un comportement de félon, de renégat et de la ringardise. Passons sur les stratégies d’approche, les chorégraphies savantes, et les glissements progressifs. Rien de beau. Rien d’élégant.
Ainsi donc, des chefs, des acteurs, des militants, des traîtres ou des convertis de 13 partis, (tout dépend du camp dans lequel on se trouve) feront leur entrée à l’Assemblée nationale. Ils sont 150 et seront « la représentation nationale ».
Prise dans son ensemble, la « représentation nationale » paraît être en décalage avec la population du Sénégal. En parcourant la liste de ceux qui vont faire leur entrée dans l’hémicycle, nous avons pu constater que le portrait-robot du député est un homme de plus de 45 ans exerçant la profession « d’opérateur économique », « d’administrateur de sociétés » (30), ou « d’enseignant » (30 et tous niveaux confondus). Les femmes elles, sont au nombre de 29. La loi sur la parité n’a donc eu aucun effet. Il y a même eu une régression. Cela signifie t-il pour autant que si les femmes sont sous-représentées, un grand nombre de décisions seront prises, allant à l’encontre leurs préférences et de leurs intérêts, qui ne peuvent être compensées par un échange de vote sur d’autres décisions collectives. Faut-il être une femme pour protéger les intérêts des femmes ? Des hommes politiques ne peuvent-ils pas très bien faire l’affaire en proposant des mesures en faveur des femmes et pour lesquelles l’ensemble des femmes vote. Et les agriculteurs ? Ils n’auront qu’un seul représentant. En s’intéressant encore plus à la liste, on constate un « Sénégal invisible », celui jeunes, des chômeurs, des employés, des ouvriers. Ce que l’on reproche aux députés ce n’est pas tant d’être non représentatifs de la population mais d’être trop enclins à développer un esprit de corporation qui les isole de la nation. La dernière législature en est un exemple parfait : prolongation de leur mandat, augmentation de leurs salaires. Ils se transforment en une oligarchie politique qui « s’assoupit » bien vite après avoir voté mécaniquement pour le Chef de l’Exécutif qui est par ailleurs le chef de leur parti. En répondant aux reproches qui leur ont été faits, ils se sont indignés et ont argumenté comme à un défilé de jeunes filles manifestant pour la défense de leur…virginité.
Une représentation-miroir n’est donc qu’illusoire. Faut-il dès lors s’interroger sur le sens de cette délégation des citoyens à leurs élus ? S’entend-elle comme un pouvoir à agir à « leur place » ou à s’exprimer « en leur nom ? »
Quoi qu’il en soit, le bleu entrera comme un tsunami dans l’édifice. Je vois déjà, mesdames et messieurs les honorables députés commander et préparer leur garde-robe. Sûre que les 131 de la majorité, s’imposeront le bleu baxa, avec les babouches qui vont avec. Les femmes, en attendant de faire exploser l’applaudimètre pour un oui ou pour un non, pourront exprimer, avec leur écharpe, toute leur imagination et exploiter le camaïeu de cette couleur : bleu marine, bleu pétrole, bleu lavande, bleu outremer, bleu de Prusse ou de Chartes, gris bleu, bleu indigo bleu roi ou bleu de chauffe. Robert Sagna, nouveau chef de l’opposition parlementaire avec trois députés, fera aussi son entrée, avec un drapelet vert, mais couvert de bleus. Me Ndèye Fatou Touré, toute bleue qu’elle est, a déjà, selon ses propres déclarations, « un programme ». A tous, Maître, cordon-bleu de la politique leur présentera, sur la carte du menu quinquennal un assortiment de plats fumants et fumeux ( ?), que la majorité bleue ingurgitera sans oser faire la grimace pendant que les récalcitrants se risquent à un baston qui leur fera éprouver une peur bleue.
A tous, merci d’éviter de tomber dans les travers de vos prédécesseurs, c’est-à-dire vous absenter. Autrement dit, faire bleu. Quant à Ely Madiodio Fall, il a cinq ans pour élaborer son plan de bataille pour les prochaines législatives, tout en traînant son bleu à l’âme.
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