COMMENTAIRE : Président, rentrez au bercail !

« Les peuples ne sont pas faits pour les rois, mais ce sont les rois qui sont faits pour les peuples ». Si l’on en juge par le séjour prolongé du Président de la République, Me Abdoulaye Wade, en France, l’on est fondé à croire que ce dernier ne fait pas sien cet adage. En effet, au moment où la jeunesse s’enfuit vers l’Espagne, à ses risques et périls, parce que son horizon est bouché, le locataire du Palais semble indifférent au contexte de frissons et de cheveux dressés de la jeunesse. Préférant troquer le vent de la panique qui souffle sur Dakar contre la quiétude de Paris. Inadmissible ! Et rien ne peut justifier le choix du chef de l’Etat de se lancer dans les cuisines électorales qui se concoctent sur les bords de la Seine, lorsque le « monde » s’écroule sur des jeunes dont l’aube nouvelle s’annonce confuse.

Le séjour prolongé du gardien de la Cité est inexplicable, parce que, d’une part, les rois sont faits pour les peuples ; d’autre part, de tout temps, il y a eu des peuples sans rois, mais jamais, des rois sans peuples. Aussi, le retour au bercail du Président est dicté par un devoir : celui d’assister une communauté en détresse, d’autant que, lors des émeutes causées par le « Contrat de première embauche », le chef de l’Etat français, Jacques Chirac, n’avait pas hésité à annuler son déplacement à l’étranger. Une telle décision était courageuse et responsable.

L’heure est grave, l’inquiétude grande. Les jeunes ne parviennent plus à échapper à la psychose du désespoir créé par ce régime ; ils s’enfoncent chaque jour dans l’abîme et croient trouver le salut dans la fuite. Ainsi comment cette dernière peut-elle espérer le germe d’un avenir radieux quand, s’écroulent ses rêves, dans la misère et dans la souffrance, sous le regard désintéressé du Père de la nation replié en France. La question s’impose, car, en dépit des promesses mielleuses pré-électorales et post-électorales, la jeunesse en est revenue à sa dure réalité : une existence en cale sèche.

Mieux le Fonds national de promotion de la jeunesse (Fnpj) que nos gouvernants avaient brandi au lendemain de l’alternance, n’était qu’un ravalement de façade et simples effets d’annonce. Car, le projet a connu le triste sort d’un mort-né du fait de querelles de gosses âprement entretenues par son Administrateur, Ibrahima Condetto Niang, et le ministre de la Jeunesse, Aliou Sow, sous le regard passif du Président Wade.

Pis, pour exhorter la jeunesse à s’abreuver dans la marre asséchée de l’espoir, le chef de l’Etat, avait brandi le fameux projet, « Reva » (Retour vers l’agriculture), mais l’entreprise semble être vite rangée dans les cercueils décatis de l’alternance. Normal ! Car, les gouvernants qui se laissent mouvoir par le sentiment, sont rarement ceux qui mènent à son terme une œuvre noble. Leur enthousiasme de départ peut être grand, mais il ne dure qu’un moment. Certes, la sincérité de leur cause a pu être totale, mais la sincérité n’est bien souvent que fidélité à la pulsion d’un instant, c’est-à-dire, qu’elle est très souvent instable. Elle s’accommode parfois de retournements spectaculaires.