Décomposition, recomposition, effets d'annonces… : Wade négocie une sortie de scène honorable

Aujourd’hui qu’il a battu tout le monde autour de lui et n’ayant plus d’adversaire, il doit livrer son dernier combat : sa sotie de scène. Et cette bataille, il devra la mener contre lui-même en arrangeant sa succession s’il ne veut pas voir l’édifice qu’il a passé toute sa vie à bâtir ne pas lui survivre.

En dix années de pouvoir, le président Wade aura démontré à la classe politique sénégalaise toute sa dimension. En effet, par divers subterfuges et roueries, il aura tourné en dérision ses adversaires et franchi tous les obstacles qui se sont dressés sur son chemin. Même au sein de sa propre formation. Il aura utilisé ses adversaires et partisans comme des pions dans un jeu pour résoudre des situations délicates, n’hésitant pas à se séparer de certains un moment et de les faire revenir à une autre période sans jamais le payer trop cher. Ainsi, de la diversion à la manipulation en passant par toutes les autres formes d’instruments politiques, il aura inculqué de nombreuses leçons politiques à ses adversaires, de même qu’à ses partisans.

Par son yoyo politique, il a su tromper la vigilance de l’opposition, à passer tous les obstacles pour toujours se hisser au pinacle. Sa malice politique et sa vision dans ce jeu ont fini par faire de lui un conseiller privilégié de jeunes chefs d’Etats africains fraichement arrivés au pouvoir.

Le dernier combat

Cependant, aujourd’hui, après avoir passé près d’un demi-siècle à construire cet édifice politique, Wade semble être dans une situation de désarroi. En effet, il lui est difficile de se rendre compte que l’édifice qu’il a passé toute sa vie à bâtir risque de ne pas lui survivre. Tout cela risque de s’écrouler. Il se doit de relever le défi d’arranger sa succession, à sa convenance, à la tête de cette force qu’il a bâtie. Et ce combat, il devra le mener contre lui-même. Le réussir lui permettra d’avoir une sortie honorable. Dans le cas contraire, il verra tout ce qu’il a passé toute sa vie à bâtir s’écrouler.

La remobilisation des troupes

Et dans ce combat-là, il aura besoin de la mobilisation et de l’engagement de ses troupes. En effet, à regarder de plus près les derniers développements politiques au sein du Pds, on peut constater que cette formation politique est démobilisée. Les responsables ne mouillent plus le maillot. Ce n’est que durant les 48 heures qui ont précédé le retour au bercail de Me Wade, après un mois de villégiature en Europe, qu’on a commencé à enregistrer les premiers frémissements avec les responsables libéraux qui ont pris d’assaut les médias pour essayer de le défendre. La tendance s’est renforcée avec le retour de Wade. Mais dans tous les cas, ce qu’on constate, c’est la léthargie. Tout le monde croise les bras. On ne sent plus l’existence d’un parti réel. C’est un mouvement en pleine décomposition. Et la sortie d’Aminata Tall qui a une légitimité historique au Pds, est venue marquer un point fort de cette décomposition. C’est la première fois qu’un responsable d’envergure attaque frontalement Wade et le parti sans qu’aucun responsable ne réagisse. Même Farba Senghor n’a pas bronché. Pourtant, pour moins que cela, d’anciens camarades, responsables à divers degrés, ont été lynchés publiquement. Ce qui est donc révélateur d’une démobilisation et d’une démotivation du parti. Ce n’est plus un parti structuré avec des militants combatifs. Et cette démobilisation pourrait s’expliquer par des interrogations sur l’avenir politique de Wade qui entraîne celui du Pds qui a toujours existé en tant que mouvement porté par Wade. Qui a toujours servi de ciment, de facteur d’adhésion des différents membres du parti. Il a toujours été le socle sur lequel repose le parti. C’est pourquoi, sentant cette inertie, Wade semble vouloir restaurer la confiance en faisant agiter le débat de sa candidature pour 2012 dans le dessein de remobiliser ses troupes. En effet, un enchaînement de situations défavorables au pouvoir a fourni à l’opposition et aux forces hostiles au régime des sujets et des thématiques pour une bataille d’opinion avec notamment les questions de la gestion des inondations, de l’énergie et de la sécurité. Des questions d’actualité dans lesquelles on n’a pas senti les responsables du pouvoir.

Nécessité du retour des fils égarés

En outre, Wade essaie de renouer le fil du dialogue avec certains ténors, aujourd’hui sous d’autres cieux. Parce que, à ses yeux, tous ses hommes sont des pions. Il se débarrasse de certains pions à un moment et sent la nécessité de recoller les morceaux à un autre lorsque le contexte l’exige. Il sait qu’Idrissa Seck aurait pu être un bon chef pour le Pds. Il a cette carrure qui manque aux autres chefs du parti mais, il sait également que les caciques du Pds ne veulent pas de lui. Et ses audiences avec le maire de Thiès ne les rassurent pas. Ainsi, Wade prolonge le suspense, en continuant ses conciliabules avec Idy, pour voir dans quelle mesure il peut utiliser Seck pour réussir son objectif. L’ancien Premier ministre, pour sa part, pourrait penser qu’en acceptant de demeurer dans la proximité de Wade, il a la chance de perpétrer un hold-up pour récupérer quelque chose qu’il considère comme son dû. Donc, à travers ce jeu, Wade pose un acte de mobilisation et en même temps un acte de démobilisation.