Depuis la survenue de l’alternance politique, nombre d’actes délictuels demeurés impunis portent la signature de personnes réputées proches du pouvoir de l’alternance. Et comme par enchantement, les cibles ont toutes le même tort : celui d’émettre un avis contraire à celui ambiant.
Le dimanche dernier, Amadou Makhtar et Penda Mbow, deux des figures emblématiques des assises nationales ont été victimes d’actes de sabotage dont tout indique qu’ils sont l’œuvre de personnes bénéficiant de solides attaches au niveau du parti-Etat. Leur seul crime connu est d’avoir accepté de participer activement à ces assises initiées par l’opposition regroupée au sein du Front Siggil Sénégal. Malheureusement, les Sénégalais qui semblent avoir perdu toute capacité d’indignation ont rangé cette affaire au rang d’un banal fait divers qui, à l’occasion, sert à agrémenter un débat de grand’place. S’ils en sont arrivés à cette attitude où la passivité se le dispute à la fatalité, c’est que les actes du genre se multiplient sans que leurs auteurs aient été inquiétés. C’est donc la récurrence de tels actes impunis qui a fini par chloroformer tout un peuple ainsi réduit à subir sans broncher. Il n’est que de rappeler quelques exemples saillants d’actes de vandalisme qui ont visé des éléments réputés mal pensants de la société politique opposée à la gouvernance de Wade ou de la société civile. Premier à avoir expérimenté cette sorte de justice des vainqueurs, Talla Sylla. Inscrit dans une logique d’opposition radicale sur fond de productions musicales incendiaires contre un Wade au paroxysme de son état de grâce, le leader du Jëf-Jël sera, dans la nuit du 4 au 5 Octobre 2003, victime d’une agression où il faillit laisser sa vie. Saisie d’une plainte, la section de recherches de la gendarmerie active tous ses réseaux d’enquête. L’étau se resserre autour d’éléments réputés membres de la garde rapprochée du président de la République qui, tour à tour, défilent devant les gendarmes-enquêteurs de Colobane. Ces derniers bouclent leur enquête au bout de quelques jours d’investigations. Les conclusions sont remises au procureur de la République, à charge pour ce dernier de juger de l’opportunité ou non de poursuivre. Depuis, le dossier piétine. Il s’empoussière dans les tiroirs du Bloc des madeleines, enseveli qu’il est par la loi d’amnistie dite loi Ezzan. Les auteurs se pavanent libres comme l’air sans aucun risque d’être seulement attraits devant un tribunal pour s’expliquer de leur acte criminel.
Par la suite, ce fut Idrissa Seck. Naguère sherpa du régime, il était devenu, par la force des circonstances, l’ennemi à abattre. Congédié du gouvernement pour ‘dualité au sommet’, le ci-devant maire de Thiès s’emmure dans un silence qui inquiète même ses contempteurs tapis dans les travers du pouvoir libéral. Pour l’amener à sortir de son mutisme, des énergumènes à la solde du régime déversent bouses de vaches, boyaux et autres saletés sur les murs de sa maison. Appréhendés par la sécurité de l’ancien Premier ministre, les vandales passent aux aveux et citent leurs commanditaires. C’était peine perdue. Auteurs et complices de cette attaque sont priés de circuler.
Aujourd’hui, Amadou Makhtar Mbow et Penda Mbow font les frais du système de la pensée unique. Lequel considère comme adversaires au régime tous ceux qui ont le culot d’émettre un avis contraire à celui des gouvernants. Après eux, à qui le tour ?
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