ENTRETIEN AVEC…MANSOUR NDIAYE, PRESIDENT DE L’UDR : «Cinq mille emplois, n’est absolument rien par rapport à la demande»

Éphémère candidat à la dernière présidentielle, Mansour Ndiaye veut se peser avec les locales. Il a décidé de muer son mouvement en parti politique. Dans cet entretien, ce spécialiste en microfinance revient également sur l’an I de Macky Sall qu’il juge insatisfaisant. Selon lui, le gouvernement n’est pas en mesure de régler le chômage qui touche plus de 30 % de la population.

Wal fadjri: En tant qu’économiste, quelle note donneriez-vous au président Macky Sall si vous aviez à juger sa première année?

Mansour NDIAYE: Les Sénégalais sont restés sur leur faim. Et comme le disait feu Kéba Mbaye, les Sénégalais sont fatigués, surtout dans le domaine du pouvoir d’achat. Il est urgent de travailler sur cette question pour redonner aux Sénégalais leur pouvoir d’achat. Et il ne s’agit pas d’agir sur les impôts.

Et c’est quoi la solution ?

Relancer l’industrie qui est aujourd’hui en désuétude. Il nous faut des industries fortes qui pourront régler le fort taux de chômage qui est de l’ordre de 30 à 35 %. En effet, cette question lancinante doit également être réglée au plus vite (…) En développant le secteur privé pour favoriser l’entreprenariat privé. Il faut aussi relancer les grands travaux et mettre l’accent sur l’entreprenariat des jeunes. Car, on ne peut pas résorber le chômage sans cette frange de la population. L’agriculture et l’agrobusiness sont aussi des créneaux porteurs, mais il ne faudrait pas le faire au détriment des exploitations familiales. Enfin, le gouvernement doit favoriser la détaxe sur le matériel agricole pour intensifier la production. Aujourd’hui, subventionner les intrants n’a pas de sens parce les paysans ont déjà leurs intrants avant les récoltes.

Mais le chef de l’Etat a décidé de recruter 5 mille agents par an pour lutter contre le chômage.

Aucun pays au monde ne s’est développé avec la fonction publique. En plus, 5 mille emplois, n’est absolument rien par rapport à la demande. Car, chaque année 200 mille diplômés arrivent sur le marché de l’emploi. Deux cent mille nouveaux diplômés, avec un taux structurel de chômage qui est déjà là de l’ordre de 30 %. Et si on ne maîtrise pas les différentes facettes qui sont liées à ce taux élevé de chômage, on ne pourra pas faire un travail sérieux.

Pensez-vous que le Chef de l’Etat soit dans la bonne direction ?

Je ne peux pas prédire l’avenir, mais il y a un certain nombre d’indicateurs qui m’inquiètent et qui inquiètent les Sénégalais en ce qui concerne la bonne gouvernance. Si j’étais Macky Sall, je mettrais une commission qui s’occuperait de pourvoir les postes techniques. Je suis choqué quand je vois des postes techniques, donnés à des politiciens.

C’est donc la famille, la belle-famille et le parti avant la patrie comme disait l’ancien ministre Moussa Touré ?

Je n’entrerais pas dans ces considérations. Mais je crois que notre pays, du point de vue de sa culture démocratique et de l’exemple qu’il a montré à la phase du monde en matière de transparence, devrait avoir un président de la République qui se dit: voilà des postes politiques, je les donne aux politiciens. Et voilà des postes techniques que je donne à des gens qualifiés sans tenir compte de leurs couleurs politiques. Il n’y aura pas une continuité de l’Etat si chaque président vient avec son personnel politique qui met du temps à s’installer et à comprendre le fonctionnement des services.

Que pensez-vous de la cacophonie au sommet de l’Etat sur le recouvrement des biens mal acquis ?

Sur cette question, l’Etat doit être intransigeant. Il faut que les personnes qui ont pris l’argent du contribuable remboursent jusqu’au dernier centime. On ne peut pas, par exemple, priver à la population de Ziguinchor d’un hôpital et se tirer à si bon compte. Il y a eu beaucoup de morts dans cette région peut-être parce qu’il n’y a pas eu cet hôpital. En plus, en quoi les gens qui se sont accaparés de l’argent des Sénégalais devraient être en liberté, alors que le voleur de poulet est en prison.

Donc, vous êtes contre la médiation pénale ?

Le recouvrement des biens mal acquis est une exigence nationale. Les Sénégalais l’ont fortement exprimé. Il ne doit pas avoir de yoyo politique autour des deniers publics. Tous ceux qui sont impliqués dans cette affaire doivent non seulement répondre de façon pénale, mais également rembourser jusqu’au dernier centime. Depuis le 23 juin, les Sénégalais ont pris une option. Ils sont devenus plus regardants sur la bonne gouvernance et la gestion des deniers publics. Et cette dynamique va continuer.

Dans un autre registre, vous organisez un congrès les 19, 20 et 21 avril pour transformer votre mouvement en parti politique. Pourquoi cette mue ?

Dollel Yakaar va devenir l’Union pour la démocratie et la réforme (Udr) Dollel Yakaar. Nous voulons effectivement capitaliser la sympathie que nous avons trouvée auprès des populations par rapport à nos actes et à notre discours. Udr est en train de devenir une réalité dans le paysage politique sénégalais. Nous ne voulons pas faire de l’alternance générationnelle une théorie, mais une pratique. Car, nous voulons rester auprès des populations et travailler avec elles pour leur redonner la confiance et construire avec elles une dynamique viable. Nous ne sommes pas pressés, nous travaillons dans une longue perspective. Cela va prendre du temps, mais nous arriverons à nous hisser parmi les grands partis politiques du Sénégal.

Udr, ne sera-t-il pas un parti politique de plus ?

Ce n’est pas cela l’important. Tout dépendra de notre offre politique. Et notre contribution pour la deuxième alternance dans le cadre Benno Bokk Yakaar et avant dans Benno Siggil Senegaal nous fortifie dans notre choix. Nous avons battu campagne avec nos propres moyens pour la victoire de Macky Sall, c’est pourquoi, nous avons cette indépendance de dire ce que nous pensons. En tous les cas, nous continuons de travailler avec et pour les populations sur les domaines de la santé et du financement des jeunes au moment où des gens se partagent un gâteau.

Allez-vous vous adosser à un grand parti pour ces locales ?

Nous irons sous notre propre bannière. Quelles que soient les coalitions Urd ira seule. Et nous allons travailler dans le cadre de la gouvernance locale, parce qu’une démocratie doit respirer à partir de la base. Nous sommes en train de faire la cartographie pour pouvoir évaluer les options à adopter. Peut-être que dans certaines localités, nous irons avec notre propre bannière avec beaucoup de mouvements citoyens avec qui nous avons noué des partenariats. Et dans d’autres localités, nous chercherons juste des conseillers pour participer à la gouvernance locale.

Vous déclarez déjà votre candidature, n’est-ce pas là un appel du pied au président Macky Sall ?

Macky ne m’intéresse pas et une fusion avec son parti n’est pas envisageable. Nous mettons l’éthique au dessus de tout. Car, comme je l’ai dit, une démocratie doit respirer. Et le non renouvellement du personnel politique produit le phénomène de sclérose et décourage les jeunes à s’investir dans la politique. C’est au Sénégal seulement qu’on a la notion de technocrate, des gens qui ne font absolument rien et qui prétendent diriger un gouvernement. Ce qui m’intéresse, c’est de construire dans la durée, le temps que ça prendra, une dynamique viable avec cette jeunesse.