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Politique

ENTRETIEN AVEC … ROBERT SAGNA, maire de Ziguinchor : «Le gouvernement de l’Alternance n’a pas de vision claire»

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ENTRETIEN AVEC … ROBERT SAGNA, maire de Ziguinchor : «Le gouvernement de l’Alternance n’a pas de vision claire»

Dans le cadre de la coopération Sud/Sud, les villes de Ziguinchor et de Marsassoum sont devenues jumelles depuis le 5 avril dernier. Robert Sagna et Alassane Ndiaye, tous deux de la Sociale démocratie, entendent ainsi consolider les liens déjà existants entre les populations des deux villes sœurs. En marge de ce jumelage aller, le maire de Ziguinchor est revenu largement d’abord sur le sens de l’événement, ensuite sur la situation préoccupante du monde rural et enfin sur les affrontements à la frontière entre une frange du Mfdc et l’Armée nationale appuyée par des éléments extérieurs.

M. Robert Sagna, vous êtes présent à Marsassoum dans le cadre du jumelage entre Ziguinchor et cette ville. Quel est le sens de cet événement ?

Nous avons l’habitude de faire des jumelages Nord/Sud. Mais des jumelages Sud/Sud sont souvent rares. Encore plus rares ceux d’une même région.

Par ce procédé, nous avons voulu innover pour consolider les liens qui unissent déjà Marsassoum à Ziguinchor. Nous en ferons un jumelage très dynamique qui mobilise des énergies de bonnes volontés. Tout en essayant d’être complémentaire dans ce que Ziguinchor peut apporter et dans ce que Marsassoum peut apporter. Ziguinchor, en tant que marché, peut absorber toutes les productions de cette zone rurale et on peut considérer Marsassoum comme un centre de production qui peut faire de Ziguinchor une ville de débouchées. Au plan social, les deux populations vont continuer à se fréquenter et à s’entraider. Politiquement, nous partageons avec Marsassoum le même idéal, car nous sommes tous de la Sociale démocratie. Ce sont entre autres des raisons supplémentaires pour échanger des expériences.

Nous sommes donc ici à Marsassoum, debout comme un seul homme, pour dire oui au progrès, oui au développement économique et social. Nous sommes à Marsassoum pour dire non à la désunion, non à la haine. Tout s’acquiert par le combat, par la détermination, par l’unité. Il faut faire revivre la Casamance qui ne demande qu’une seule chose : nous soyons unis, engagés et mobilisés. Le combat pour la Casamance doit être le combat de tous les Casamançais.

M. Le maire, qu’est-ce qui justifie cet appel ? A vous entendre, on a comme l’impression que les Casamançais sont divisés ou dispersés.

Ce n’est pas une impression. C’est une réalité. Les Casamançais sont souvent dispersés. Ils sont dispersés dans les différents partis politiques, parfois même sans connaître leur leader. N’importe quel petit parti qui naît vient grossir ses rangs en Casamance.

Au plan économique, les initiatives sont personnelles ou personnalisées. Il n’y a pas souvent des convergences d’idées pour harmoniser des choix prioritaires permettant de conduire un développement rapide et durable.

Avez-vous des exemples de ce que vous avancez ?

Pour sortir Marsassoum de son enclavement, est-ce qu’il n’est pas possible de conjuguer nos efforts pour réaliser un pont sur le fleuve Soungrougrou ? Est-ce qu’il n’est pas possible de faire bénéficier Marsassoum des relations extérieures ou des financements que nous avons ? Je crois que cela est important. Déjà, nous avons innové parce que nous avons des programmes dans le domaine de la santé que nos amis Américains jumelés nous ont promis de financer. Dans l’exécution de ces programmes, nous avons prévu un hôpital à Marsassoum. Nous avons à Marsassoum des cadres militaires, des poètes, des artistes, des médecins, des hommes politiques qui font de la cité du Diassing un creuset culturel et scientifique. Je crois que nous pouvons échanger beaucoup de choses. Et ce jumelage est un cadre propice pour impulser une nouvelle forme de coopération Sud/Sud. Nous voulons mettre ensemble nos expériences communes en faisant de telle sorte que nos populations se connaissent davantage, pour que la Casamance arrête d’être une unité qui chemine de manière solitaire et emprunte la voie du développement.

Pour assurer son décollage économique, la Casamance compte beaucoup sur son agriculture. Pensez-vous que le secteur a de beaux jours devant lui ?

Partant des statistiques selon lesquelles 65 à 70% des Sénégalais sont des ruraux et vivent de l’agriculture, on ne saurait développer le pays, conduire un progrès durable en traitant le secteur en parent pauvre. On laisse en rade tout un pan de la population. Ce qui n’est pas raisonnable. C’est un paradoxe que le gouvernement de l’alternance veuille développer le Sénégal en marginalisant les 3¼4 de la population. Le gouvernement de l’alternance n’a pas de vision claire, il ne sait pas là où il va. L’agriculture qui devrait être le moteur du développement est actuellement paralysée.

Vous avez été ministre de l’Agriculture. Pensez-vous que le monde rural se portait mieux auparavant ?

Nous avons tenté beaucoup de bonnes choses du temps de Senghor et de Abdou Diouf. Je me rends compte qu’aujourd’hui nous sommes en train de reculer. Cela me fait mal, pas en tant que ministre de l’Agriculture seulement, mais aussi et surtout en tant que Sénégalais et en tant qu’agronome. La situation m’inquiète très sérieusement. Il faut rapidement réduire la barre parce que sans notre agriculture, je ne vois pas comment nous pouvons décoller.

A Ziguinchor, les 80 mille tonnes d’arachide collectées l’année dernière sont encore là, attendant d’être structurées. La même quantité s’y est ajoutée cette année. Personne ne sait ce qu’ils vont en faire. Plus grave, le gouvernement n’a même pas d’argent pour acheter la production. La Sonacos a été privatisée et visiblement le repreneur n’est pas prêt à acheter la production des populations. On est revenu à des systèmes qu’on a pensé révolus avec l’histoire des bons impayés. Ce n’est pas sûr que les paysans vont recouvrer leur argent d’autant plus que les bons impayés de 2001/2003 sont encore entre les mains des producteurs. Vous voyez bien que les paysans n’ont plus de ressources.

Avec cela, l’opposition semble avoir déjà trouvé un grand thème de campagne ?

Cela s’impose. Si nous voulons le bien de la population, il faut qu’on s’attaque aux secteurs qui sont mal gérés pour expliquer aux populations qu’il y a d’autres choix à faire que celui qu’elles ont fait en votant pour l’alternance qui a plus que déçu. Mais je ne me fais aucune illusion que les Sénégalais, qui sont des gens intelligents, ne vont pas commettre à nouveau la même erreur. Surtout les jeunes qui ont été à la base de cette alternance.

Je crois qu’ils ont compris à leurs dépens que l’on se trompe une seule fois. Nous comptons sur leur bon sens et leur intelligence pour mettre à la porte l’actuel gouvernement qui nous crée autant de problèmes.

Des problèmes, la Casamance en rencontre encore, notamment dans le domaine du transport. Vous confirmez avoir trouvé un bateau pour seconder Le Willis ?

Je suis un militant du développement, un militant de la Casamance en particulier parce que c’est ma région. Elle est confrontée depuis plusieurs années à des problèmes de désenclavement. C’est la raison pour laquelle je me suis évertué, avec l’appui de bailleurs extérieurs, à faire de telle sorte que ce problème de désenclavement soit réglé. Je peux donc vous préciser que nous venons d’acquérir deux aéroglisseurs qui sont : La princesse Marguerite et La princesse Anne. Ce sont deux aéroglisseurs qui reliaient le Parc de Talais à Londres avant qu’il y ait le tunnel sous la Manche. Depuis l’installation du tunnel sous la Manche, ces bateaux ne sont plus utilisés. Un collectionneur anglais, très riche, les a acquis. Ils sont équipés de quatre moteurs Rolls Royce. Avec la Fondation pour l’assistance des initiatives de base (Faib), un contact a été noué de manière qu’il y ait un accord entre la fondation de la famille du collectionneur et la fondation sénégalaise. Malheureusement, il fallait de l’argent. Je me suis donc employé à trouver cet argent pour acquérir ces deux navires. Cela nous a valu un chemin de croix, mais, Dieu merci, nous sommes pratiquement au bout de nos peines, car le financement est déjà bouclé et le chef de l’Etat en a été informé. Un des bateaux va faire la liaison entre Dakar et Ziguinchor et le second pourrait desservir la côte Dakar/Mbour. Ce sont des bateaux très performants équipés de 4 moteurs avec des turbo-propulseurs qui consomment du kérosène et peuvent prendre 50 à 60 véhicules et près de 500 passagers.

Ce sont des bateaux très rapides qui feront Dakar/Ziguinchor en 3 heures de temps s’ils ne s’arrêtent pas à Karabane. Ils peuvent s’arrêter n’importe où même sur une plage, ou sur une terre ferme. Ce qui règle le problème des habitants de Karabane qui ne profitent pas beaucoup du Willis. Il était donc urgent que les populations puissent trouver un moyen d’évacuer leurs produits.

Je crois également, qu’il est important que les touristes puissent trouver un confort dans ce navire puisque nous y aménageons 50 places de premières 150 places de second et 200 places de troisième à des prix très différents. Les deux bateaux, nous allons les acquérir à 10 millions de dollars, soit environ 5,4 milliards. Aujourd’hui ce dossier est assez avancé. Le chef de l’Etat est tout à fait heureux et nous sommes en train de voir comment faire aboutir ce programme. Une mission de la Marine marchande est allée visiter ce navire de manière à voir les conditions d’acquisition des pièces nécessaires pour le certificat de navigabilité, la garantie d’héritage, les assurances, etc.

Avec l’appui du chef de l’Etat, d’ici 3 à 4 mois, la Casamance sera mieux desservie qu’auparavant.

Cela confirme les relations secrètes que vous entretenez avec le président de la République.

Non ! Il ne faut pas faire de l’amalgame. Moi je suis un proche de toutes les autorités nationales à chaque fois qu’il s’agit du développement du pays. Je me suis rapproché de lui pour l’informer du projet et obtenir son adhésion, demander son appui de manière à ce que ça puisse contribuer à aider le Sénégal à régler une partie de ses problèmes.

Encore une fois, je suis un militant du développement économique et social du Sénégal en général et de la Casamance en particulier.

Une Casamance qui a renoué avec les armes à la frontière sénégalo-bissau-guinéenne. Un conflit casamançais qui paraît à la longue difficile à solutionner.

Ni la violence, ni la guerre ne peuvent résoudre le conflit casamançais. Je ne suis pas d’accord sur la méthode, ni sur les moyens employés lorsque ces moyens ne sont pas ceux du dialogue et de la concertation. Après tout, nous sommes dans un pays où le dialogue est possible. Ayant été instauré, il n’est plus opportun d’engager la guerre. Je suis convaincu que ce n’est pas la meilleure démarche pour régler le cas Salif Sadio. J’ai dit au Président qu’il faut arrêter la guerre. Nous avons besoin de comprendre et nous ne comprenons pas. Ce n’est pas normal. Il faut que les Sénégalais sachent ce qui se passe. Et vous aussi de la presse, vous êtes aussi muets que des carpes, tout comme le gouvernement. Je ne dis pas qu’il cautionne ce qui se passe, mais il est au courant. Qui ne dit rien consent. Je l’interpelle par rapport à ces affrontements. Je suis contre la violence, je suis contre la guerre. Je sais que ce n’est pas cela qui réglera le problème du Mfdc.



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