Entretien avec...

Réaliste, Abdou Latif Guèye reconnaît qu'une victoire de la mouvance présidentielle aux pochaines élections présidentielle et législatives passe nécessairement, d'abord et surtout, par une unité au sein du Pds. Sans démagogie, le secrétaire général du Rds dont le parti signe, aujourd'hui, un pacte d'alliance électorale avec le Pds, soutient que des choses restent à faire pour le régime dit de l'alternance, mais il juge anachronique la peinture dantesque que certains veulent faire du bilan de président Wade.

Wal fadjri : Votre parti, le Rds, va signer aujourd'hui un pacte d'alliance électorale avec le Pds. Pourquoi ce choix ?

Abdou Latif GUEYE : C'est une décision de notre congrès extraordinaire. Nous avions, en effet, retenu dans une résolution adoptée à l'unanimté de poursuivre notre compagnonnage avec Wade engagé depuis 2000. C'est pour nous le choix du réalisme, de la lucidité et de l'avenir. C'est aussi pour rester fidèle à notre credo : la constance et la dignité. Nous sommes membres du Front pour la régularité et la transparence des élections (Frte) en 1999, et du Front pour l'alternance (Fal) en 2000 et, aussi, de la Cpa 21. Nous ne pouvions pas détruire la maison que nous avions construite et qui est sur le point d'être achevée. L'alternance, c'est notre maison. Elle n'est la propriété privée de personne. La cérémonie d'aujourd'hui réunissant le comité directeur du Pds conduit par Macky Sall et moi-même conduisant le bureau politique élargi du Rds, célèbre le pacte d'alliance électorale entre deux partis alliés depuis sept ans et qui œuvrent ensemble pour l'intérêt du Sénégal.

Wal fadjri : A un moment on a parlé de négociations entre Idrissa Seck et vous. Est-ce l'échec de ces dernières qui ont guidé votre choix ?

Abdou Latif GUEYE : En réalité, notre parti était animé par un débat démocratique interne, de plusieurs mois, reposant sur trois axes : Poursuivre le compagnonnage avec Wade ; Nous ranger dans l'opposition ; Nous présenter sous notre propre bannière aux élections présidentielle et législatives. Personnellement, j'étais très tenté par la troisième alternative parce que la vocation d'un parti c'est de collecter des suffrages, de conquérir et d'exercer le pouvoir. J'étais, donc, pour que nous allions seul aux élections. Mais, comme je l'ai dit au congrès de notre parti, notre conviction est faite, comme en l'an 2000, que l'heure est au dépassement de nos ambitions personnelles. L'enjeu, Le seul enjeu qui vaille est, et reste, pour nous, le Sénégal, sa paix, sa stabilité, son émergence, son développement. Tel était le rêve de ce peulple debout du 19 mars 2000, pour changer de vie et qui avait choisi pour réaliser ce rêve l'homme de la situation. Sept ans après, une partie du rêve a commencé à devenir réalité et les Sénégalais cherchent, à nouveau, l'homme de la situation. Pour nous, nous fondant sur notre attachement au culte de la vérité et au sens de la dignité, cet homme de la situation s'appelle encore Abdoulaye Wade.

Wal fadjri : Mais, les Sénégalais souffrent de pénurie de toute sorte et l'homme de la situation, comme vous l'appelez, n'a pas encore réglé les besoins urgents des Sénégalais.

Abdou Latif GUEYE : Notre devise au Rds, c'est ‘La politique autrement’. Donc, je n'userai pas de langue de bois ni de clause de style. C'est vrai, les Sénégalais souffrent de pénuries récurrentes. Mais, il ne faudrait pas aussi pour autant dresser du pays un tableau dantesque. Nous l'avons dit et nous le répétons, l'alternance a, à son actif, des réalisations immenses, voire grandioses, mais reconnaissons qu'il y a beaucoup de choses qui restent à faire. Il est illusoire, néanmoins, de penser reconstruire un pays en sept ans. Les chantiers que vous voyez surgir de terre étaient urgents et nécessaires. L'un des plus importants acquis de l'alternance, c'est cette vision futuriste qui jure d'avec la médiocrité à laquelle on nous avait habitué. Le Sénégal doit se moderniser. Tenez ! Le Sénégal, malgré sa superficie et sa population réduite marche dans la cour des grands et est devenu, incontestablement, une puissance diplomatique. Il était, donc, urgent au plan des infrastructures de faire sortir de terre un autre Sénégal, plus conforme à un pays émergent. Ce sont des générations et des générations qui vont en profiter. Mais, je ne peux pas me voiler la face devant les souffrances de la ménagère qui courent derrière sa bombonne de gaz, les coupures intempestives d'électricité et la détresse de ces jeunes qui se jettent à la mer au prix de leur vie. C'est pourquoi, j'estime que si nous gagnons les prochaines élections, le prochain mandat du président Wade devra être placé sous le signe des urgences sociales. De grâce, il faudra mettre la politique entre parenthèses et régler concrètement les problèmes des Sénégalais.

Wal fadjri : Comment, selon vous, régler les urgences sociales ?

Abdou Latif GUEYE : Entre autres, il faudra réduire le train de vie de l'Etat. C'est le premier signal fort qu'il faudra adresser aux Sénégalais après la victoire de 2007. Par exemple, je pense que le Sénégal peut se satisfaire largement d'un gouvernement de 25 à 30 membres. Pas plus ! Il faudra, aussi, mettre fin à cet anachronisme, au demeurant dangereux pour la nation, consistant pour des localités de réclamer des ministres. Le Sénégal que nous voulons construire doit mettre en avant le critère d'excellence et de compétence technique. Il y a bien d'autres niveaux pour régler les problèmes politiques.

Wal fadjri : Vous semblez assurer d'une victoire de la mouvance présidentielle en 2007. Pourquoi êtes-vous si optimisme ?

Abdou Latif GUEYE : Attention ! Une élection n'est jamais gagnée d'avance. Nous nous méfions de tout optimisme béat. Les élections se gagnent sur le terrain. Mais, j'y inclus le décret infaillible de Dieu. Pour être plus prosaïque, nous allons occuper constamment le terrain aux côtés de notre allié, le Pds. Nous allons tenter de convaincre les Sénégalais, localité par localité, rue par rue et, s'il le faut, maison par maison. Tout cela sans invectives, sans violence verbale ni physique, en nous fondant sur les valeurs qui sous-tendent notre conception de la politique. Plus généralement, pour gagner, je pense qu'il y a deux conditions sine qua non à remplir dans la mouvance présidentielle : une unité sans faille au sein des différents partis qui la compose, notamment le Pds, et une coordination efficiente de nos actions. Seul un Pds uni peut nous faire gagner les élections de 2007.

Wal fadjri : Mais, il est à craindre que le Pds implose avec les prochaines investitures. Qu'en pensez-vous ?

Abdou Latif GUEYE : Je ne voudrai pas avoir la prétention de m'immiscer dans les débats internes du Pds. Le Pds est un grand parti qui saura user certainement de son expérience pour gérer les dissensions internes, inévitables en période électorale. Et je suis sûr que si le président Wade, qui représente un pôle et une référence pour tous les militants de l'alternance s'investit, personnellement et supervise ses investitures, nous gagnerons. Incha Allah !