Samedi 27 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

ENTRETIENAVEC…LANDING SAVANE, secrétaire général de And Jëf/Pads) : «Entre Me Wade et Idrissa Seck, c’est trop complexe»

Single Post
ENTRETIENAVEC…LANDING SAVANE, secrétaire général de And Jëf/Pads) : «Entre Me Wade et Idrissa Seck, c’est trop complexe»

Dans cette deuxième et dernière partie de l’interview que nous a accordée le patron d’And Jëf, il est question de religion mais également des relations heurtées entre le président de la République et son ex-Premier ministre, sous couvert de milliards de francs, des arrestations intempestives de journalistes et d’hommes politiques. Landing Savané se pose en outre comme un véritable défenseur d’une démocratie porteuse de nos valeurs religieuses.

Avez-vous l’impression que la démocratie a progressé sous l’Alternance, notamment au plan des libertés individuelles ?

C’est une question sur laquelle la presse aimerait bien que nous élaborions quelque chose. Nous savons qu’il y a eu des arrestations intempestives qui ont été effectuées pendant cette période. Nous y avons notre part de responsabilité, nous avons contribué, avec d’autres partenaires du Pds, à ce que ces arrestations intempestives soient corrigées autant que possible.

Apparemment, cela n’a pas été fait.

Si, je crois que… Il faut… Comparons ce qui est comparable. N’oubliez pas que sous Senghor j’ai été condamné à deux années de prison ! J’ai des compagnons qui ont été torturés. Je ne crois pas que l’on puisse reprocher ce genre de pratiques au régime de l’alternance. Avec le président Diouf, vous savez que nous avons été plusieurs en prison, moi y compris. Les conditions étaient plus arbitraires sous beaucoup de rapports. De toutes les façons, nous ne souhaitons pas les arrestations. Il y en a eu aussi sous l’alternance et cela concerne surtout les journalistes…

Et des hommes politiques…

Pour eux, souvent, il y avait quand même des motifs qui étaient avancés. Les gens peuvent être d’accord ou pas, mais il y a des motifs précis qui étaient avancés, il faut le reconnaître. Pour la presse, c’étaient les délits d’opinion, et, unanime, elle s’est dressée au niveau national et international contre ces arrestations. C’étaient des péripéties malheureuses sous certains rapports, mais ce sont des affaires qui ont été gérées pour que les libertés soient préservées pour l’essentiel. Nul ne peut le nier puisque cela n’a pas empêché les journalistes de continuer à écrire ce qu’ils voulaient dire. Cela n’a pas non plus empêché les hommes politiques de continuer à diriger leur parti pour faire leur travail. Nous souhaitons que les libertés soient renforcées. Nous regrettons que ces moments aient été vécus pendant l’Alternance. Mais il est vrai que c’était la complexité d’une période. Cela fait partie des insuffisances que nous avons notées.

Qu’est-ce que And Jêf compte apporter de plus par rapport à ce que l’alternance aura réalisé entre 2000 et 2007 ?

Mon cher ami, vous n’allez pas me faire commencer la campagne électorale maintenant ! Vous voulez me faire dévoiler mes batteries alors que nous travaillons sur un programme alternatif. Il est clair que nous n’irons pas en campagne sans avoir des choses à dire. Vous pouvez nous faire confiance. Si nous commençons à les dire maintenant, cela va être très mauvais pour nous. Reconnaissez-le.

Pourquoi le reconnaîtrions-nous ?

Ah si ! Reconnaissez-le car dans une campagne électorale, nous viendrons avec des propositions qui vont nous différencier des autres. Si à trois mois des échéances je vous déballe mes «produits», avouez que cela ne serait pas la meilleure façon de nous préparer. Sur vos différences de conception, vous refusez d’en parler. Sur votre programme, idem. Finalement… Vous voulez me faire faire une campagne ? Je vous dis, il y a des différences de vision entre nous et nos partenaires. Mais attendez le moment venu pour que nous vous en disions plus. Nous ne pouvons pas mettre ici et maintenant nos produits sur le marché et nous les faire piller par les amateurs.

Vous avez dit en Conseil national, en substance, que les Sénégalais en ont marre d’une certaine politique spectacle, que le Sénégal n’a pas besoin de messie. Vous pensez à qui particulièrement ?

(Rires) ça c’est un vieux langage de And Jëf. C’est peut-être le produit d’une tradition de la gauche radicale qui s’est toujours inscrite en faux contre les conceptions messianiques. Disons que c’est une démarche. Je n’ai pas besoin de penser à un homme en particulier. Je pense à moi, je ne suis pas un messie. Je suis un homme produit d’une expérience politique qui ne pense pas que lui seul va régler les problèmes du Sénégal, mais qui a l’intention de travailler en équipe. C’est ce que je voulais dire. Avec des Sénégalais et des Sénégalaises qui croient au Sénégal et qui veulent me tendre la main afin que nous transformions ce pays ensemble.

Beaucoup de vos militants, de base surtout, estiment que Aj s’est embourgeoisé, notamment par le sommet, avec l’exercice du pouvoir.

Probablement que je me suis embourgeoisé. Probablement. Mais il y a plus bourgeois que moi. Si s’embourgeoiser veut dire que j’habite dans une grande maison, par exemple. Mon logement date d’avant l’alternance. Je reconnais objectivement que par rapport au logement que j’avais en 1999, j’habite dans une maison plus bourgeoise. Tout homme souhaite dans sa vie évoluer vers plus de bien-être. Je ne propose pas aux Sénégalais de reculer en termes de bien-être ! Moi, beaucoup de mes compatriotes m’ont reproché une trop grande frugalité. Mais je vous dis que je ne suis pas milliardaire, je n’ai jamais vu de milliards circuler à part quelques millions que je possède grâce à Dieu et que j’avais avant l’alternance. A cette période, j’avais atteint un niveau intellectuel qui me permettait de gagner des millions à la sueur de mon front. C’est pourquoi j’ai pu acheter cette maison avant l’alternance. Après l’alternance, je ne me suis pas enrichi beaucoup plus. J’ai construit une maison à Touba, laborieusement. J’ai construit notre maison familiale à Bignona en 1973 et ma femme a une propriété à Gibraltar depuis 1981. Honnêtement, j’aimerais en avoir plus. Comme bourgeois, franchement je suis encore dans la petite bourgeoisie, comme on en faisait la classification à l’époque. Peut-être la couche supérieure de la petite bourgeoisie ! C’est tout ce que l’on peut me reprocher, mais je ne me le reproche pas.

Le pouvoir vous a permis d’avoir plus de moyens d’intervention politique ?

Certainement (deux fois) ! On ne peut pas être au pouvoir et dire que cela ne vous donne aucun moyen. Mais ce ne sont vraiment pas des moyens spectaculaires. Il y a des hommes politiques qui ne sont pas au pouvoir et qui détiennent beaucoup plus de moyens que nous. Ils l’ont été par le passé certes, mais ils en ont beaucoup plus que nous. Ce qui est clair, c’est que les dirigeants de And Jëf/Pads ne se sont pas enrichis de façon significative.

Vous avez lu la presse d’aujourd’hui (Ndlr : L’entretien a eu lieu lundi en début de soirée) ?

J’ai lu des choses mais pas tout. Il y a tellement de journaux !

Il y est fait état de négociations ayant permis la sortie de prison de Monsieur Idrissa Seck. Est-ce que le fait que le président de la République discute avec un prisonnier par personnes interposées est un acte choquant ?

Je m’interdis de parler de cette question publiquement.

Pourquoi ?

D’abord parce que la presse donne des informations que je ne peux pas valider. Sur cette question, je ne peux valider aucune des informations. Ensuite, c’est une affaire qui concerne deux personnes qui ont été très proches l’une de l’autre, qui comporte beaucoup de dimensions que je ne peux objectivement apprécier aujourd’hui. C’est pour cela que je me contente d’écouter et de lire ce qui s’y dit et ce qui s’y écrit, de penser ce que j’en pense en attendant d’y voir plus clair.

Tous ces milliards de francs qui circulent et qui soustendraient le différend entre les deux hommes…

Soyons clairs ! Vous ne m’avez pas parlé de milliards de francs. Le sujet dont vous m’avez parlé n’a rien à voir avec les milliards. Vous m’avez parlé de négociations, j’ai dit que je m’interdis de parler de cette question… Je ne parle pas de ces relations entre Abdoulaye Wade et Idrissa Seck.

Sur les milliards maintenant.

Sur les milliards, tout le Sénégal en parle. Et nous aussi, nous disons qu’il faut faire la lumière sur ce dossier. Il faut que les responsables de tout cela rendent compte. Nous l’avons dit et nous le répétons. C’est une question de droit public. Nous nous prononçons sur les questions de justice au sens où les deniers et les biens de l’Etat sont concernés. Maintenant, les rapports entre Abdoulaye Wade et Idrissa Seck, je préfère ne pas en parler parce que je sais que c’est un sujet complexe.

Cela vous gêne d’en parler ?

Ce n’est pas que cela me gêne. Je ne peux pas en parler. Avant ces affaires, je me refusais d’en parler car je voyais que c’étaient des rapports très particuliers. De même, si quelqu’un veut parler de mes rapports avec Abdoulaye Wade, il va s’engager sur un terrain très compliqué parce qu’il ne saura rien. Il va spéculer ! Il y a des journaux qui ont parlé de choses dont ils ne savaient rien ! Il faut éviter la spéculation. J’ai été un bon philosophe au lycée, j’aime philosopher à mes heures perdues. Mais en politique, je m’écarte de la philosophie.

Répondez-nous sur le principe : on emprisonne quelqu’un pour des délits présumés. On se rend compte le lendemain qu’on a négocié sur le dos de la justice pour le faire libérer. N’est-ce pas un coup contre la séparation des pouvoirs ?

Est-ce que vous savez que dans la plupart des pays du monde, les questions politiques se règlent de cette manière ? J’espère que vous êtes conscients de cela quand même.

Le fond du problème, c’est, est-ce que vous trouvez cela normal.

Ce n’est pas une question de normale ou pas. Nous ne vivons pas dans des sociétés idéales, nous ne sommes pas dans des démocraties achevées. Tout le monde sait que nous avons des démocraties jeunes, en construction et donc avec des limites. Aux Etats-Unis, nous savons qu’il y a beaucoup de considérations politiques à la base de beaucoup de verdicts. Ne soyons pas naïfs. Ne nous laissons pas manipuler. Nous nous battons pour que les choses avancent, mais nous ne sommes pas non plus des enfants de chœur. Nous sommes pragmatiques.

C’est ce pragmatisme qui vous différencie de vos anciens compagnons de Gouvernement comme Bathily, Dansokho…

Enfin oui… Peut-être… Non bof…

Philosophe au lycée, mais davantage spécialiste des statistiques. Avez-vous une idée de ce que serait le poids électoral de Aj/Pads ?

Pour moi, And Jëf est aujourd’hui une force politique majeure dans ce pays. Je ne peux pas quantifier son poids électoral. Nous sommes à trois mois d’élections et les choses évoluent au jour le jour, les perceptions aussi. Allez faire votre propre sondage dans l’opinion, vous verrez. Sachez seulement que And Jëf représente aux yeux des Sénégalais une grande espérance. Nous n’avons pas le droit de ne pas en tenir compte dans ce que nous faisons.

Au niveau de l’opinion, ce n’est pas forcément la perception qu’on en tire.

Ça, ce sont les journalistes…

Même pas.

Je vous assure, je sais que c’est l’opinion de quelques journalistes et de quelques intellectuels. Le plus important, c’est que vous avez votre opinion, j’ai la mienne. C’est cela la démocratie. Le peuple va juger le 25 février pour nous départager. Alors, ce n’est pas la peine de se presser.

Vous avez lu le dernier ouvrage de Latif Coulibaly ?

Non, je ne l’ai pas lu. Je l’ai aperçu dans la circulation.

En parlant de vous, il parle de l’entrisme dont vous seriez un représentant comme d’un handicap majeur pour la démocratie sénégalaise.

Chacun a son point de vue. Moi je n’ai pas fait d’entrisme et je n’en suis pas un exemple. Nous étions combien dans le Gouvernement de l’alternance ? Qu’il nous critique tous pour avoir fait de l’entrisme ! Et d’ailleurs, nous sommes entrés où ? J’aimerais bien qu’on le dise. Nous sommes allés voir un candidat pour lui dire : « Sois notre candidat à nous tous.» Dans tous les pays du monde, des coalitions se forment autour d’un candidat. Je crois que c’est ce qui s’est bien passé au Sénégal. Nous avons gagné les élections ensemble. Nous sommes dans un Gouvernement que nous avons contribué à installer. Où est l’entrisme ? Avec le temps, les mots perdent leur sens et certains font des confusions. C’est un droit certes, mais je tiens à lever toute confusion : And Jëf n’a jamais fait et ne fera jamais d’entrisme. Nous sommes là où nous devons être quand nous devons y être. Point !

Autre problème soulevé par notre confrère, l’utilisation de Touba comme tutorat par certains hommes politiques.

Je ne suis pas un censeur de Monsieur Coulibaly. Il appartient aux Sénégalais de lire ses écrits et de se faire une opinion. J’ai toujours dit qu’on ne peut pas exclure la religion de la politique. Ça n’a jamais été le cas. Franchement, on veut nous faire croire que c’est nouveau alors que tout le monde sait que Senghor a bénéficié du soutien des grands chefs religieux pour être élu président. Mais quand même ! Il faut qu’on sache de quoi on parle ! Il faut que l’on soit sérieux ! La religion est toujours intervenue dans les affaires politiques dans ce pays.

Est-ce qu’elle est un blocage pour la démocratie ?

Mais la religion est une réalité de la démocratie sénégalaise ! Cette démocratie a ses réalités. On ne va quand même pas importer la démocratie made in Usa pour le Sénégal. Je n’en veux pas ! Je n’ai pas besoin de la démocratie française pour le Sénégal. Chaque pays a ses réalités, et sa démocratie marche en fonction de celles-ci. Vous croyez que dans ces pays-là la religion n’a pas un rôle ? Vous croyez qu’aux Etats-Unis la religion n’a pas un rôle ?

Quelle devrait être la frontière entre elles ?

Je récuse les modèles des uns et des autres ! Chaque démocratie se construit de façon spécifique et originale. J’estime que, au Sénégal, les chefs religieux ont le droit d’avoir leur point de vue. Ils l’ont toujours eu d’ailleurs. Maintenant, les chefs politiques ont eux aussi le devoir de prendre leurs responsabilités. Un leader politique doit pouvoir gérer un dialogue avec l’ensemble des communautés religieuses. Ces communautés ont un poids dans notre société, elles ont un rôle à y jouer. Et je tiens à dire que ce rôle a été globalement positif.

Si vous récusez toute frontière entre la religion et la politique, c’est que vous prônez une imbrication entre les deux.

Vous parlez de chose que vous ne connaissez pas, à mon avis. Moi je suis un musulman sénégalais, je suis un homme politique, je suis un homme religieux. Vous savez que l’Islam ignore ces frontières-là. Vous savez également que même dans le christianisme, il y a des partis chrétiens-démocrates dans beaucoup d’Etats occidentaux. On ne va pas m’entraîner dans un faux débat. Le problème, c’est sous quelle forme on veut faire entrer la religion dans la politique car elle a toujours été dedans, qu’on le fasse ou qu’on ne le fasse pas. Il y a certes le problème de l’intégrisme, mais cela ne se pose pas au Sénégal, il faut se dire la vérité. Je ne vois pas de forme d’implication des religieux dans la sphère politique qui soit ingérable.



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email