FRANCE- SENEGAL : Wade en colère pourrait boycotter la fête du 14 juillet

Depuis que Me Abdoulaye Wade a annoncé son intention de voir l’armée française quitter les bases qu’elle occupait à Dakar depuis les indépendances, les relations entre Sénégal et la France, qui n’ont jamais été bonnes depuis l’arrivée au pouvoir du «prophète du Sopi» en 2000, se sont nettement réchauffées. Au point que dans l’entourage du président de la République, certains évoquent la volonté de Me Wade de ne pas participer à la grand-messe que Sarkozy compte organiser avec les chefs d’Etat africains, à l’occasion de la fête nationale de la France, le 14 juillet prochain.

Affirmer que les relations entre le Sénégal et la France sont actuellement orageuses relève d’un euphémisme. Et pour cause, des sources proches de la présidence de la République croient savoir que Me Abdoulaye Wade n’est pas dans les dispositions de se rendre à Paris le 14 juillet, à l’occasion de la fête nationale de l’Hexagone. Un événement auquel le Président Sarkozy tient à associer bon nombre de ses pairs africains qui célèbrent cette année le cinquantenaire de leur accession à la souveraineté internationale. À l’origine du courroux de Wade contre l’ancienne puissance coloniale, il y a bien sûr «l’attitude inacceptable de la France qui, pour discuter de questions aussi importantes. Sarkozy fait le mort, après les reproches que Wade lui a fait d’annoncer ». Mais selon nos sources, il a y aussi «l’entreprise de sape» menée par des ultras du Palais qui n’ont pas du tout aimé les sorties au vitriol de la presse française contre le Monument de la renaissance africaine. «Last but not least», Dakar garderait toujours la rancune tenace contre les «Gaulois» depuis janvier 2009, avec les déclarations fracassantes du Président Sarkozy en Conseil des ministres, exprimant son émotion et sa préoccupation, après la condamnation par le Sénégal de 9 homosexuels. À l’époque, le ministre français de la Santé, Roseline Bachelot, avait également fait part de son indignation et avait demandé à son homologue des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, «d'intervenir auprès des autorités sénégalaises pour obtenir la libération» des 9 gays condamnés, tous âgés de moins de trente ans ! Les épisodes concernant l’ «expulsion» de Bolloré au profit de Dubaï Port Word et les propos de l’actuel ambassadeur Jean-Christophe Ruffin sur l’incapacité des Sénégalais à garder des secrets (des propos qui lui avaient attiré la foudre de nombreux Sénégalais) avaient également contribué à refroidir les relations entre Dakar et Paris.

Madické Niang et Karim Wade pour éviter l’irréparable

Face à la montée d’adrénaline entre les deux pays, nul doute que la diplomatie secrète (un outil précieux dans les relations internationales) est déjà mise en branle. Selon nos interlocuteurs, le ministre d’Etat Karim Wade qui a des «relations personnelles très profondes avec Sarkozy» devrait jouer sa partition, pour la perpétuation des «rapports privilégiés» entre le Sénégal et la France. Le ministre des Affaires étrangères, Madické Niang, est également très attendu dans ce domaine où son prédécesseur Cheikh Tidiane Gadio avait quelque peu réussi. Par ailleurs, realpolitik et survivance des derniers vestiges de la Françafrique obligent, le Président Wade devrait bientôt revenir à de meilleurs sentiments en raison notamment de la position de l’Hexagone qui est de loin le premier partenaire économique du Sénégal. Un constat qui pousse certains analystes à mettre les «coups de gueule» du Président sénégalais dans le registre des fanfaronnades. Ces derniers pensent même que le 14 juillet prochain, Wade sera aux premières loges parmi les chefs d’Etat africains présents à Paris.

À propos de la présence de l’armée française au Sénégal

Dakar constitue une des trois installations permanentes de l'armée française en Afrique, avec Libreville et Djibouti. Quelque 1200 militaires français y sont toujours stationnés. En février dernier, les deux capitales s'étaient entendues pour le départ des Français. Paris veut, à la place, créer un «pôle de coopération militaire à vocation régionale» mais avec seulement 300 hommes. Le Sénégal avait proposé à la France de mettre en place des installations militaires près de Thiès, à 70 km à l'est de Dakar, à proximité du nouvel aéroport international de Diass en construction. Mais les Français ont refusé, notamment en raison du coût financier. Lors de son dernier message à la nation, Me Wade avait affirmé : «Je déclare solennellement que le Sénégal reprend à partir de ce jour 4 avril à 00h00, heure locale, toutes les bases antérieurement détenues sur notre sol par la France et entend y exercer sa souveraineté qui repose sur la présente déclaration»