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Politique

GOUVERNANCE DE LA BANQUE ISLAMIQUE DE DEVELOPPEMENT : Entre théories anglo-saxonnes et loi islamique

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GOUVERNANCE DE LA BANQUE ISLAMIQUE DE DEVELOPPEMENT : Entre théories anglo-saxonnes et loi islamique

56 ministres des finances membres dénommés "Gouverneurs" de la Banque islamique de développement (Bid) et leurs adjoints vont se retrouver à Dakar pendant cinq jours pour la grand’messe anuelle de l’institution. Une rencontre dans le cadre de laquelle pas moins de 35 réunions se feront tambour battant autour de plusieurs problématiques, certaines internes à la Bid-même. Au-dela de l’aspect organisationnel de cette grande rencontre annuelle, nous nous sommes plutôt intéressés à quelques problématiques soulevées par le développement de la banque islamique, notamment celle de sa gouvernance par des modèles radicalement différents, en nous inspirant du résultat des recherches de C. Zied & J.J. Pluchart, Doctorant & Professeur des Universités.

Ce serait en 1975, face à la montée des « pétro-dollars », qu’a été créé le premier grand établissement financier musulman, la Banque Islamique de Développement d’Arabie Saoudite, à l’initiative de l’Organisation de la Conférence Islamique. Trente années plus tard, plus de deux cents banques « à guichets islamiques » implantées dans tous les pays (arabes, asiatiques, africains et occidentaux) comportant des communautés musulmanes, couvrent pratiquement tous les métiers bancaires et gèrent des capitaux d’un montant total estimé à près de 400 milliards de dollars. Le taux de croissance de leurs encours – de plus de 15% par an - serait trois fois supérieur à celui des banques conventionnelles. Cette expansion est alimentée par la conjonction de divers facteurs comme l’afflux de « pétro-dollars » dû au nouveau renchérissement des hydrocarbures, le développement des communautés musulmanes dans les métropoles occidentales, la progression du micro-crédit dans les pays en développement, mais ans doute aussi la réaction contre le capitalisme financier international et la résurgence du fondamentalisme musulman.

Malgré l’intérêt qu’elle suscite dans les milieux académiques et professionnels, la finance islamique est présentée tantôt comme "rétrograde" (Schart, 1964), pour ce qu’elle condamne le prêt à intérêt et impose le partage des profits et des pertes entre les emprunteurs et les prêteurs, tantôt comme "moderne" (Baller, 2005), car elle introduit une forme nouvelle de « gouvernance partenariale », s’efforçant de concilier les principes de la finance anglo-saxonne et ceux du Coran (Qur’an), de la loi islamique (Shariah), de sa jurisprudence (Fiqh) et de sa tradition (Sunna). Des principes souvent jugées contradictoires et qui reposent sur un droit de la propriété uniquement fondé sur le travail, l’héritage et/ou l’échange, sur une utilisation juste du capital (contribuant à la fois à l’enrichissement personnel et au bien commun) et sur un rapport équitable des co-contractants face à l’incertitude et au risque (maysir).

Le premier fondement de la loi islamique est la condamnation du prêt à intérêt sur les opérations financières et commerciales (riba) ; l’intérêt préétabli fait supporter par l’emprunteur l’essentiel du risque d’un projet ; cet interdit peut être cependant levé en certaines circonstances (Rahman, 1964). Le second principe évoqué par les chercheurs impose aux banques de partager avec leurs clients les profits et les pertes issus des projets financés, et de redistribuer une partie (au moins 2,5%) des gains (zakat) à la communauté musulmane. Le troisième pilier vise à conformer les projets financés aux préceptes de l’Islam : le financement des activités illicites, incorrectes (haram) liées à l’alcool, au tabac, aux jeux, aux animaux impurs, aux armes, à la pornographie…, ou purement spéculatives (gharar), est ainsi interdit (non halal).

La confrontation

Par ailleurs, les problèmes soulevés par l’application de la shariah à l’activité bancaire sont traités au sein de chaque banque par des instances religieuses variées : comités de la shariah, superviseurs, conseillers religieux, assemblées générales islamiques… Des instances fédérales diverses (cours islamiques suprêmes, université Al-Azhar du Caire…) tranchent les éventuels litiges entre interprétations de la loi.

Trois organisations internationales ont été créées afin d’harmoniser les pratiques bancaires islamiques : l’Accounting & Auditing Organization of Islamic Financial Institution (AAOIFI), fondée à Bahrein en 1991, a pour mission d’harmoniser les règles comptables des banques islamiques ; l’Islamic Financial Services Board (IFSB), créé en 2002 par plusieurs Etats musulmans, a pour rôle de rechercher des voies d’intégration de la finance islamique à la finance internationale ; l’International Islamic Financial Market (IIFM), fondé à Bahrein en 2002, a pour objectif de concevoir de nouveaux mécanismes et instruments de marché compatibles à la fois avec la shariah et un développement rapide de la banque islamique. Toutefois, le Fonds Monétaire International (F.M.I.) a émis à plusieurs reprises des recommandations aux banques islamiques en vue d’une mise en conformité de leurs normes comptables et prudentielles aux référentiels de Bâle (1et 2) et du Comité IAS/IFRS.

Il apparaît au terme de l’analyse des chercheurs cités plus haut, que l’espace morcelé de la banque islamique est confronté à un environnement financier global orienté vers la création de valeur pour l’actionnaire, mais son développement s’inscrit dans un vaste mouvement favorable à une économie de plus en plus sociétalement responsable. Un développement qui implique tout de même une délibération entre les théoriciens et les praticiens des gouvernances actionnariale, partenariale et islamique.



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