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Politique

Iba Der Thiam (Coordonnateur de la Cap21) : « Si nous organisons aujourd’hui une élection présidentielle, nous l’emporterons »

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Iba Der Thiam (Coordonnateur de la Cap21) : « Si nous organisons aujourd’hui une élection présidentielle, nous l’emporterons »
Interpellé sur les Assises nationales à la suite de son intervention à la Conférence internationale sur le dialogue des civilisations et la diversité culturelle à Kairouan (Tunisie), Iba Der Thiam a d’abord hésité à aborder les problèmes du pays à l’étranger, avant d’accepter de nous clarifier sa position et l’état d’esprit au niveau du pouvoir.

Wal Fadjri : Le pouvoir doit-il rejeter les propositions issues des Assises nationales ?

Iba Der Thiam : Je suis personnellement un intellectuel et un homme politique. En tant qu’homme politique, je ne pense pas qu’il y ait, au Sénégal, une catégorie sociale qui peut se réveiller un matin et décider qu’il va définir la vision du pays pour tout son ensemble et dire que cette vision est ma vision, elle doit être aussi la vôtre. Cela est anti-démocratique. Que des gens se retrouvent à partir de sensibilités qui leur sont communes pour élaborer quelque chose dans lequel ils se retrouvent et qu’ils proposent comme leur vision, cela est concevable et je l’accepte. Le Sénégal nous appartient à tous et chacun a le droit d’avoir sa propre vision et de dire ce qu’il pense pour la bonne marche du pays. Cela est une démarche que j’accepte à condition que cela se passe dans le respect mutuel, la considération réciproque et non pas dans la stigmatisation et dans des procès d’intention. Parce que quand on met en avant des procès d’intention et des stigmatisations, on ferme les portes du dialogue. Et si on ferme les portes du dialogue, plus rien de bon ne peut se faire.

Wal Fadjri : Mais la Déclaration des assises renferme des principes simples auxquels tout républicain peut bien adhérer

Iba Der Thiam : Elle ne renferme aucune idée nouvelle par rapport aux débats politiques que nous avons eus au Sénégal depuis l’indépendance. Ce ne sont, pour l’essentiel, que des redites et, dans un certain nombre de cas, nous reculons au lieu d’avancer. Un régime parlementaire chez nous n’a pas donné de bons résultats. Il a été à la base d’une crise qui a eu des conséquences terribles dans notre pays. Très peu de pays en Afrique se sont accommodés de cette situation. Nous ramener à un système pareil, ce n’est pas nous faire avancer. C’est le premier constat.

Deuxièmement, dire qu’un chef d’Etat ne doit pas appartenir à une formation politique, c’est totalement irrationnel. Combien y a-t-il dans le monde de pays dans lesquels une telle règle a été instituée ?

Wal Fadjri : Ne serait-il pas bon que le chef d’Etat se décharge de ses responsabilités de chef de parti pour une meilleure gouvernance ?

Iba Der Thiam : Ce n’est pas quelque chose qu’on doit considérer comme une exigence. Dans la majorité des pays du monde, les chefs d’Etat sont également des leaders de parti politique ou de formation politique ou de coalition de formation politique. C’est le cas en Europe, en Asie, en Amérique latine et partout ailleurs.

En Afrique, l’expérience a été tentée avec le Bénin. Le chef d’Etat n’appartenant à aucun parti politique est aujourd’hui l’otage de l’Assemblée nationale. Ce qui, en fin de compte, empêche le pays de fonctionner. Voilà des choses qu’on n’a pas eu le temps de dire, d’analyser et d’approfondir. Au Sénégal, pour qui connaît la politique et le jeu politique, choisir un chef d’Etat qui n’est pas leader de parti, c’est y installer ad vitam eternam une situation d’instabilité politique. Parce que les gens s’y définissent par référence à une personne. On est dioufiste, wadiste, tanoriste…, car c’est la personne qui compte. C’est par exemple Cheikh Anta Diop que les gens aiment, c’est pour lui qu’ils doivent voter. C’est Senghor que les gens connaissaient, c’est Ngalandou que les gens connaissaient, c’est pour eux qu’ils votaient.

Wal Fadjri : Le président Wade a, lui-même, maintes fois appelé au dialogue. Ne serait-il pas temps, pour préserver la paix au Sénégal, que le gouvernement et l’opposition se retrouvent ?

Iba Der Thiam : Personnellement, je n’ai de préjugés contre personne. Je suis un intellectuel, qui quand il est en face d’un problème, l’étudie, avant de prendre une décision. Au départ, j’ai étudié la composition des Assises. Près de 141 organisations ont été évoquées par rapport au landernau politique qui compte 148 partis, sans compter les Ong qui font plus de 600, les syndicats, les forces religieuses. Les Assises ne sont pas représentatives de la Nation sénégalaise. Si on organisait des élections avec les membres de ces Assises comme candidats, le résultat montrerait que le peuple ne les soutient pas. La majorité dans ce pays est dans le camp du parti présidentiel. Si nous organisons aujourd’hui une élection présidentielle, nous l’emportons.

Wal Fadjri : Cela ne sera-t-il pas plus difficile à faire ?

Iba Der Thiam : Non. Si nous avions organisé des élections législatives ou présidentielle le 22 mars dernier, nous les aurions gagnées. Nous avons au total 1 million 300 mille voix alors que l’opposition n’en a eu que 790 mille. Ce qui est incontestable. Nous avons également remporté plus de 343 collectivités locales sur les 543 que compte le Sénégal.

Wal Fadjri : Vous semblez donc ignorer le message que vous ont lancé les Sénégalais avec la perte des grandes villes comme Dakar, Thiès, Saint-Louis, Rufisque…

Iba Der Thiam : Certes, nous avons perdu ces grandes villes, mais parce que, tout simplement, les éléments du Pds n’ont pas été unis. Ce sont des éléments du Pds qui ont voté avec les gens de l’opposition ; c’est cela qui nous a fait perdre.

Prenez le cas de Saint-Louis. Mettez en commun ce que Ousmane Ngom a obtenu avec celui d’Ousmane Masseck Ndiaye, ils gagnent. Si à Rufisque, Ndiawar Touré s’était ouvert à Mamaya Sène qui lui proposait de lui donner 5 places dans sa liste, nous aurions gagné. C’est le même cas à Diourbel. Là où nous avons perdu, c’est là où les éléments du Pds se sont alliés à l’opposition. Ce n’est pas parce que l’opposition était plus forte. C’est cela aussi la réalité. Nous aurions pu perdre une ou deux localités, peut-être mais toutes les autres, nous aurions pu les gagner si nous avions mis en commun nos forces.

Thiès, nous devions le perdre incontestablement, mais pas Dakar. C’est notre division qui a joué contre nous, mais pas la représentativité de l’opposition. Quand on lit les chiffres avec intelligence, on se rend compte que beaucoup de choses qui ont été dites ne correspondent pas à la vérité. C’est le Pds qui a mis le Pds en minorité. C’est le Pds qui a battu le Pds, ce n’est pas l’opposition.

Wal Fadjri : Dans ce contexte, comment voyez-vous l’avenir du dialogue politique au Sénégal ?

Iba Der Thiam : Je suis favorable à l’apaisement dont vous avez parlé. Le Cap 21 a proposé l’établissement d’un dialogue avec l’opposition. Dans un dialogue politique, il faut qu’on se parle en dépassant les contradictions, qu’on se retrouve autour d’une table et essayer d’échanger, de réfléchir sur les problèmes du pays. Nous sommes dans une crise internationale, ce qui nécessite des solutions nationales et globales. Nous devons nous rencontrer et discuter, car aucune idée n’est de trop. Dans chaque côté, il peut y avoir des idées originales, même si je n’en ai pas trouvé beaucoup dans ce qui a été proposé par les Assises.

Le Sénégal nous appartient à tous. Il n’appartient à personne et je n’ai de préjugé contre personne. Mais j’exige le respect mutuel. On en a assez des donneurs de leçons, surtout quand ceux qui les donnent n’ont pas toujours été eux-mêmes des modèles. Ils ont aussi leur parcours que nous connaissons dans les détails.

Propos recueillis à Kairouan par El Hadji Gorgui Wade NDOYE



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