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Politique

" Karim Wade, est-il réellement le leader de cette dynamique qui se rend de lui ?"

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" Karim Wade, est-il réellement le leader de cette dynamique qui se rend de lui ?"

L’opération de refondation du Parti démocratique sénégalais (Pds) cache une « manœuvre de destruction–reconstruction » pour doter le successeur que Me Wade se sera choisi d’« un parti prêt à servir ». Telle est l’analyse faite, dans l’interview qu’il nous a accordée hier, par Alioune Fall, le Directeur de publication du journal « Le Devoir ». Il parle des risques de démantèlement du parti, de l’adversité entre les partisans de Macky Sall et ceux de Karim Wade. Mais surtout du calme olympien qui anime Macky Sall et qui, selon lui, est stratégique, car une quelconque riposte de la part du Secrétaire général national adjoint du Pds serait synonyme de discrédit aux yeux de l’opinion. Source : Le Populaire

Le Populaire : Comment analysez-vous la situation actuelle au sein du Pds, avec la césure entre pro-Macky Sall et pro-Karim Wade, et la restructuration annoncée ?

Je crois que les deux faits que vous énoncez sont liés, et concourent pour placer aujourd’hui le Pds dans une situation de crise latente. Mais, il y a à la base un facteur principal d’où émanent les deux autres facteurs qui, de ce point de vue, n’en sont qu’incidents. Je pense à la succession du Président Wade. C’est un paradoxe extraordinaire de constater que les libéraux et Wade lui-même, qui n’ont jamais aimé que cette question soit posée en public, l’ayant toujours entouré d’un tabou, ces mêmes gens ont entraîné le pays dans une compétition prématurée de succession. On n’en parle pas, mais on y agit. Il est clair aujourd’hui que la préparation de la succession occupera une place centrale dans le quinquennat que Wade démarre. Il est clair aussi que le Pds, tel qu’il se configure aujourd’hui, ne rassure pas suffisamment Wade pour qu’il envisage s’en servir comme levier pour orienter le processus de sa succession à sa guise. D’où l’idée d’une restructuration qui, telle qu’elle apparaît déjà, devrait aboutir à un démantèlement du Pds actuel et à l’érection d’un nouveau parti, peu importe le nom, taillé sur mesure pour permettre à Wade de régler sa succession à sa seule convenance. Les espaces dociles du Pds originel, les alliés peu exigeants et certains cercles citoyens captés par des slogans accrocheurs serviront de matériaux pour la construction de ce nouveau parti. A mon avis, c’est comme ça qu’il faut comprendre la dynamique en cours au Pds, et c’est à travers cette considération qu’il faudrait aussi lire tous les événements auxquels nous assistons.

Pensez-vous que le Pds en tant que parti acceptera d’être ainsi démantelé ?

Wade connaît bien son parti et sait qu’on n’y a ni la culture, ni l’habitude de contester ses choix et ses décisions. Ce qui fonde à penser que le processus de démantèlement du Pds pourrait être mené sans résistance. Mais, d’un autre côté aussi, il y a lieu de se dire que si la docilité et la soumission du Pds étaient acquises à 100%, Wade n’aurait pas besoin de passer par cette manœuvre de destruction–reconstruction pour doter le successeur qu’il se sera choisi d’un parti prêt à servir. Il apparaît là une sorte de paradoxe avec Wade, qui doute du niveau d’obéissance du Pds lorsqu’il s’agira de transmettre ce parti à un successeur qu’il se sera désigné, mais qui semble en même temps miser sur son autorité sur le parti pour penser faire accepter à ce parti, sans peine, l’idée de son démantèlement. Je crois que, effectivement, Wade n’a pas tort de se montrer prudent quant aux réactions pouvant provenir du Pds. Il s’agit quand même d’un regroupement de personnes ayant cheminé ensemble derrière un chef pour la conquête puis l’exercice du pouvoir. Aujourd’hui que l’on pense à la retraite prochaine du chef, est-ce que celui-ci est en mesure de conserver intacte son autorité sur ses troupes ? Cette autorité sera fortement déterminée par la légitimité des choix que le chef va poser. Il suffit que les troupes ne soient pas satisfaites des critères de ces choix pour que des velléités de contestation apparaissent, pouvant très vite évoluer en rébellion.

Qu’en est-il de l’adversité désormais ouverte entre Macky Sall et Karim Wade ?

J’ai de ce phénomène une autre lecture dépassant le cadre d’un simple antagonisme entre deux individus convoitant la même chose. Je crois qu’il s’agit d’un affrontement entre deux systèmes, deux courants. Macky Sall incarne le « vieux » Pds, le Pds classique qui a gouverné le pays au moins depuis 2004, qui a été victorieusement aux élections en février et en juin, et que l’on veut démanteler aujourd’hui. Karim Wade symbolise la dynamique qu’on veut ériger en alternative à ce Pds-là. Donc pour moi, ce n’est pas un problème de personne. D’ailleurs, si j’analyse le cas Karim Wade, j’en arrive à me demander s’il est réellement le leader de cette dynamique qui se réclame de lui, ou s’il n’en est que l’arme fatale pour neutraliser l’adversité. Je veux dire que si Karim Wade est intéressé par la succession de son père, il n’a pas pris la bonne voie pour y parvenir. Regardez ce qui se passe aujourd’hui, ni le Pds ni aucun de ses grands responsables n’apparaissent comme cible d’intérêt pour l’opposition et la résistance citoyenne. On n’en a que pour les Wade. La confrontation politique prend une tournure dynastique, et plus on avance, plus Karim Wade aura à essuyer les tirs groupés de tous ceux qui se soucient de ne pas le voir remplacer son père à la tête de l’Etat et Dieu sait qu’il y en a en nombre important. On l’a exposé prématurément, à mon avis, et en attendant le bouclage du processus de refondation du Pds, il ne dispose d’aucun appareil structuré pour organiser sa défense. Sans préjuger de ses capacités, je ne crois pas qu’il pourrait sortir indemne de ce front brûlant où on l’a propulsé. Ce qui me fait penser que, quelque part, il doit y avoir des gens assez futés pour avoir compris que le fils du président était une bonne arme contre Macky Sall et le Pds originel, en même temps que son intrusion dans le jeu pourrait le liquider lui-même de la course à la succession. Il y a donc lieu de chercher un larron affichant pour le moment non-partant et qui attend le moment favorable pour tirer les marrons du feu. Macky Sall et les siens ont-ils les moyens de résister à cet assaut lancé contre eux ?

Je crois que Macky Sall, c’est la maldonne pour ceux qui sont censés agir pour favoriser la prise du centre du système par Karim Wade. Il est clair que son départ de la Primature s’inscrit dans un plan global de liquidation politique. Mais ce plan se heurte à certains écueils clairement identifiés par les autres. Un, comment faire passer dans l’opinion l’idée de la mise à mort de Macky Sall que Wade lui-même présentait naguère comme la perle rare qu’il a cherchée pendant des années pour l’avoir à ses côtés, vantant son efficacité, sa loyauté, sa fidélité et pas mal d’autres qualités ? Deux, que vaut réellement Macky Sall dans une perspective de confrontation ouverte ? Je crois que là sont deux questions essentielles qui sont à l’origine de quelques hésitations sur le cas Macky Sall. Et si on regarde bien ce qui se passe, on peut décrypter une stratégie visant justement à réduire les difficultés liées à ces deux questions, pour agir ultérieurement. On a beaucoup parlé de « démackysation », mais en vérité, quel est à ce jour le directeur ou le chef de service qui a été relevé de ses fonctions simplement parce qu’il est proche de l’ancien Premier ministre ? Il y en aura, certainement  ; mais, pas avec l’ampleur qu’on a voulu donner au phénomène. On est dans une bataille psychologique où l’on vise à semer la panique dans le camp des amis de Macky Sall, pour provoquer une débandade et une ruée vers le camp des nouveaux maîtres, l’objectif final étant de parvenir à isoler Macky Sall pour pouvoir l’abattre sans risque. Un autre axe stratégique, nettement perceptible, consiste à multiplier les provocations dans l’espoir de le pousser à réagir, à poser cet acte qui légitimerait sa mise à mort, qui amènerait l’opinion à y adhérer nettement, au motif qu’il aurait trahi son bienfaiteur, celui qui lui a donné le pouvoir et tout. Macky Sall dispose aujourd’hui d’une identité politique construite autour des valeurs de loyauté, de fidélité, entre autres. C’est cette identité que l’on veut casser en poussant le concerné à poser des actes qui l’en rendraient indigne. Le troisième axe vise son image. On a démoli Idrissa Seck avec les affaires d’argent. Après le départ de Macky Sall de la Primature, on a agité des débats d’argent qui n’ont pas porté loin. Récemment, un débat de mœurs a été soulevé. On risque d’en voir beaucoup d’autres encore. Il y a là une volonté manifeste de casser l’image plutôt positive de Macky Sall dans l’opinion. Ce qui est intéressant dans ce jeu, c’est que Macky Sall semble clairement conscient des enjeux en cours, et refuse de valider la stratégie de ses adversaires. Il semble déterminé à ne pas jouer leur jeu, et compromet ainsi le déroulement de leur stratégie. S’il parvient à se maintenir dans cette posture, les autres pourraient en arriver à prendre des initiatives hasardeuses susceptibles de les nuire et de lui profiter à lui.

Et l’opposition qui, après avoir boycotté les élections législatives, semble déterminée à engager le combat de rue ?

L’opposition boycotteuse pourrait tirer grand profit de la situation actuelle au sein du pouvoir. Qu’on l’admette ou non, le Pds est en train de se fragiliser. Et l’exacerbation des tensions qu’on y observe pourrait déboucher sur tous les scénarios, y compris la dislocation. Mais le plus grave, c’est les effets d’opinion que pourrait provoquer cet exercice d’alchimie institutionnelle vers laquelle on semble s’acheminer. Il suffit qu’une opinion forte se crée autour de l’idée que le pouvoir en place tend vers l’antivaleur sociale et républicaine, pour que le combat de l’opposition devienne populaire et citoyen. Or, dans une telle situation, ce n’est pas un Pds en crise et perdu dans ses conflits internes, qui va faire face.



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