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LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES ET DES BIENS DANS LA CEDEAO : Saut d’obstacles le long du Golfe du Bénin

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LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES ET DES BIENS DANS LA CEDEAO : Saut d’obstacles le long du Golfe du Bénin

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest est un espace régional sans frontière économique intérieure au sein duquel tout ressortissant doit pouvoir être et se sentir comme chez lui, dans n’importe quel pays membre, avec la garantie du libre transfert de biens et du droit d’établissement.

Des progrès notoires s’accomplissent dans le sens de la concrétisation de ces idéaux et accords qui sont le socle d’une commune volonté de vivre et de se développer ensemble.

Il n’en reste pas moins beaucoup d’obstacles à surmonter pour arriver à cette fin.

Les textes de la Cedeao sont clairs et sans ambages sur le droit de tout ressortissant de la communauté, de circuler d’un pays membre à l’autre, sans avoir à solliciter une quelconque autorisation pour passer telle ou telle frontière. Ils stipulent, en effet, la libre circulation des personnes et de leurs biens sous la signature souveraine des Etats qui ont scellé le pacte de commune volonté de vivre et de se développer ensemble par le viatique de l’intégration.

Dans le principe fondateur, exceptés ceux qui entrent dans la catégorie des immigrants inadmissibles aux termes des lois et règlements en vigueur dans chaque pays, tout autre citoyen de la Communauté désirant séjourner dans un pays membre, pour une durée ne pouvant excéder quatre vingt dix jours, peut le faire sans avoir à présenter un visa. Il lui suffit, tout simplement, d’avoir par dévers lui un document de voyage en bonne et due forme et des certificats internationaux de vaccination en cours de validité.

Dans les faits, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Certes, il n’y a plus de poste-frontière où il est réclamé au voyageur communautaire un visa ou un permis d’entrée. Tout cela est bien loin derrière nous. Toujours est-il que subsistent, un peu partout, des restrictions et tracasseries qui se dénouent, presque toujours, par des extorsions de fonds. Comme à Aflao…

Aflao, c’est d’abord une exception mondiale. Situé sur le long corridor routier qui va d’Abidjan à Lagos, en longeant les sublimes plages ensoleillées du Golfe du Bénin, il a la particularité, unique dans son genre, de servir de point de démarcation entre le Ghana et le Togo … dans la capitale même de ce dernier. Cet avatar est bien évidemment le mauvais fruit du partage de l’Afrique entre les colonisateurs, à coups de serpes ensanglantées à partir de leurs portes d’entrée océanes, ainsi que décidé, il y a plus d’un siècle, à la Conférence de Berlin.

Intégration avant la lettre

Mais, de la colonisation à ces jours de plus grande liberté, les populations vivant de part et d’autre, en osmose ethnique ou familiale, intégrées bien avant la lettre, n’ont jamais été bridées dans leur élan communautaire naturel par cette étrange frontière.

Socialement et économiquement dépendantes les unes des autres, ce sont quelque dix mille personnes qui, chaque jour, du matin au soir, passent par le sas d’Aflao. Leurs raisons sont aussi multiples que la visite à des parents vivant de part et d’autre, des déplacements transnationaux plus lointains vers Cotonou et Lagos d’un côté ou vers Accra et Abidjan de l’autre, l’approvisionnement en produits agricoles ou industriels de consommation courante, le travail ou la scolarité.

Ils sont nombreux les Togolais qui vivent à Aflao et au-delà sur le territoire ghanéen mais qui gagnent leur pain quotidien à Lomé. La plupart de leurs enfants font leurs humanités dans la capitale togolaise.

Aflao est ainsi une ruche bourdonnante, à tout instant de la journée. Même quand le temps est pluvieux et maussade, comme c’est fréquemment le cas en ces deniers jours de juin, la noria humaine est quasi-interrompue entre les deux versants de la frontière. Mais ce flot aurait été bien plus régulier et fluide si les agents chargés de la canaliser, du côté ghanéen comme du côté togolais, étaient moins tatillons et prévaricateurs.

Franchir ce point de passage, sans anicroche, sans montrer patte blanche, relève du miracle. Même si vous êtes ressortissant de la Communauté et que la détention d’un passeport national ou de la Cedeao vous dispense de remplir un quelconque formulaire d’immigration et d’émigration.

La leçon du jour

Mais c’est quand vous présentez le sésame communautaire que vous êtes le plus exposé. Il est ausculté sous toutes ses coutures par le premier agent à qui vous le présentez. S’il ne lui trouve la moindre faille, défaut ou anomalie, il vous sommera de remplir le formulaire d’immigration. Et même si vous acquittez de cette « obligation », vous ne serez toujours pas au bout de vos peines.

A tous les coups, l’agent vous demandera de passer à la caisse. Vous ne lui donnerez pas moins de 1.000 FCfa côté togolais, ou son équivalent, quelque 20.000 Cedis, si vous avez affaire à un « constable » ghanéen. Vous n’en revenez pas si l’un d’entre eux vous dit à haute et intelligible voix : « vous avez tort de croire qu’un simple passeport suffit pour, ici, traverser la frontière ! ».

Et quand pour ne pas perdre inutilement de temps, vous vous acquittez du « droit de passage » exigé, alors que d’autres à côté sont plutôt rétifs, vous pourrez avoir droit à cette réflexion goguenarde et narquoise : « Pas la peine de vous attarder ici, Monsieur. Vous, vous avez compris la leçon du jour, continuez votre chemin ».

Et vous ne serez pas au bout de vos surprises. Ce n’est pas seulement aux policiers qu’il faut montrer patte blanche. Le douanier de faction ne se privera pas de vous demander de « mettre quelque chose » dans sa main, même si vous n’avez rien à déclarer et que, de toutes les façons, les produits du cru et industriels originaires sont maintenant exempts du paiement des droits de douane intérieurs.

Les agents de Santé sont également de la partie, intraitables quand le délit constaté est l’absence du carnet de vaccinations. Dans ce genre de situation également, il faut bourse délier, pour sauter l’obstacle.

Parcours du combattant

Franchir la frontière, à Aflao, est un véritable parcours du combattant, surtout dans le sens Togo-Ghana. Mais, à moins d’avoir affaire aux agents parmi les plus véreux, les travailleurs, les jeunes élèves et étudiants qui passent et repassent quotidiennement la frontière, ne sont généralement pas inquiétés. Il en est de même des femmes commerçantes qui s’approvisionnent et qui écoulent leurs marchandises, à Lomé ou dans le voisinage ghanéen d’Aflao, au gré de la disponibilité des produits et des tendances du marché local.

Apparemment, les agents les reconnaissent tous et toutes. Ils les laissent généralement passer - au faciès - sans qu’ils n’aient besoin de présenter la moindre pièce d’identité. Mais selon Claire Quénum de la Fédération des organisations non-gouvernementales togolaises (Fongto) : « pour les femmes commerçantes, tout dépend du volume de la marchandise qu’elles veulent faire passer. Le prix -illicite- à payer est fonction de la taille du bagage transporté ».

La règle, telle qu’édictée dans le texte de la Cedeao y afférente, devrait être la présentation systématique d’un passeport national ou d’un passeport Cedeao quand le pays d’origine en émet. Ce n’est pas encore le cas au Togo pour le dernier document. Déjà que dans ce pays, le passeport n’est pas le viatique du commun des voyageurs qui passent par les voies terrestres. Ici, comme d’ailleurs un peu partout en Afrique, il est, dans l’imagerie populaire, un document utile seulement pour les déplacements par bateau ou par avion, vers les destinations extra-régionales ou extra-africaines. D’autant que, par un passé encore récent, les autorités compétentes togolaises exigeaient la présentation d’un billet d’avion, comme préalable à la délivrance d’un passeport.

Exactions en régression

Cette condition a fait long feu. Mais le document n’en reste pas moins onéreux. Il revient 30.000 francs Cfa au postulant. « Si les femmes commerçantes, qui peuvent traverser la frontière trois à quatre fois dans une journée, devaient absolument en avoir, elles seraient dans l’obligation de se le faire renouveler… tous les mois. Ce qui serait une aberration ruineuse pour elles », fait remarquer Candide Leguédé, présidente de l’Association des femmes chefs d’entreprises du Togo (Afcet).

Selon elle, la solution la meilleure n’est pas l’exigence du passeport national ou de la Cedeao, mais d’une carte d’identité communautaire, facile à obtenir et peu coûteuse. Le député à l’Assemblée nationale togolaise, Bonanté Liguibé, est bien d’accord sur la formule, d’autant qu’en pratique, c’est celle qui a cours entre les pays de l’Uemoa entre lesquels la présentation d’une simple carte d’identité nationale permet de passer les frontières.

Toutefois, considère-t-il, pour la généraliser au reste de la Cedeao, il faudra vaincre la réticence des Etats anglophones qui n’ont pas la culture de la carte d’identité et opérer une refonte des textes communautaires. « Cela en vaut bien la peine, renchérit Mme Quénum, si l’on veut faciliter la vie à nos populations, si l’on veut que la libre circulation des personnes et des biens devienne réalité entre les pays de la Cedeao. Il est vrai que pour des raisons de sécurité, il faut veiller à la traçabilité des gens qui circulent dans la région. Mais le fichage et le suivi informatique suffiraient à cela ».

Si dans l’état actuel des choses les consœurs de Candide Leguédé - de bien plus modeste condition - peuvent franchir la frontière à Aflao, en ne présentant pas de papier ou, à la limite, une simple carte d’identité, c’est parce que, selon des dires qui restent à être confirmés, il y aurait, à cet égard, un accord entre les autorités togolaises et ghanéennes.

Cette exception n’exclut pas les rackets. Cependant, ces pratiques ne subsistent que par la seule volonté d’agents agissant à leur compte personnel. Il en est de même, tout le long du corridor côtier, entre Lomé et Cotonou, aux barrages routiers fixes et points de contrôles mobiles et inopinés où les policiers, gendarmes, militaires, douaniers font la loi sur les voyageurs et les transporteurs, suivant leur humeur du jour et leurs besoins d’argent.

Ces exactions sont tendanciellement en régression, selon les habitués de l’axe. Comme on a pu le constater, la plupart de ces postes de contrôle intérieurs non prévus par les textes ont été démantelés. Les postes frontaliers sont également en voie de juxtaposition, toujours en respect des directives de la Cedeao. C’est de bon augure…

LIBERALISATION DES ECHANGES : Quelques failles dans l’application du schéma

Le Schéma de libéralisation des échanges (Sle) entre les pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest est en vigueur depuis le 1er janvier 2004. Il exige des Etats-parties prenantes qu’ils renoncent à une part de leurs ressources budgétaires tirées des taxes douanières, dans la perspective d’un développement des échanges profitable à tous. Le Togo est dans cette mouvance.

Ayawoi Segla, le directeur général-adjoint des Douanes togolaises, en atteste pour s’en réjouir : son pays fait partie de la première cohorte de pays membres de la Cedeao qui appliquent « à cent pour cent » son Sle. Autrement dit, les produits industriels agréés et les produits du cru originaires des autres pays de la Communauté entrent au Togo en toute franchise douanière.

L’inspecteur des Douanes Maboudou Akoko Koffi n’en déplore pas moins des failles dans le système, des problèmes avec les pays hors zone Uemoa que sont le Ghana et le Nigeria relatifs au certificat d’origine devant accompagner les produits industriels agréés. Il doit être délivré par le ministère de l’Industrie et visé par le service des Douanes.

Dans ces deux pays, le document est émis par leur Chambre de commerce. Et l’exportateur signe la partie qui le concerne, sans mentionner son nom. Ensuite, les services douaniers togolais ne sont pas au fait de tous les produits industriels agréés dans la mesure où, depuis l’entrée en vigueur du Sle, ils n’ont pas reçu, de la Commission de la Cedeao, la liste réactualisée des entreprises et produits agréés.

L’absence de communication en temps réel des décisions d’agrément et donc de mise à jour régulière des listes de produits agréés pose de fâcheux désagréments aux importateurs locaux.Les douaniers togolais, aux dires de leurs chefs hiérarchiques, font tout pour que, malgré les failles signalées, les importations de leur pays en provenance du reste de la Communauté se déroulent dans le respect du principe de la libre circulation des biens. Mais si la franchise douanière est de rigueur pour les produits agréés, ceux qui n’entrent pas dans cette catégorie sont assujettis au Tarif extérieur commun (Tec). Et la Tva à 18% prélevée au cordon douanier est de rigueur pour l’ensemble des produits importés.

Chemins de traverse

C’est assurément cela qui fait que la contrebande a encore de longs jours devant elle. Pour ne pas tomber dans les filets des gabelous, qui les attendent à Aflao, les importateurs, qui n’entendent pas passer à la caisse, empruntent les chemins de traverse pour jeter leurs marchandises dans le no man’s land du côté de Casablanca qui se trouve au nord du poste-frontière. Ils rentrent tranquillement à Lomé d’où ils affréteront des véhicules pour récupérer leurs marchandises et les écouler sur un marché, on ne peut plus dynamique.

La suppression des droits et taxes à elle seule ne suffit pas pour stimuler le développement des échanges entre les Etats membres. Elle doit être accompagnée de mesures dans le sens d’une facilitation de la circulation des produits. A cet égard, les douaniers togolais semblent accuser leurs voisins béninois et ghanéens de ne pas respecter comme eux les règles du jeu, en mettant en œuvre « une sorte de protectionnisme qui ne dit pas son nom », pour reprendre l’inspecteur Maboudou Akoko Koffi. Les contraintes non-tarifaires qu’ils imposent aux exportations togolaises seraient à l’origine du fait que des entreprises comme STIL, une industrie métallurgique, ont tout simplement choisi de se délocaliser… au Bénin pour ne plus avoir à subir de tracasseries à l’exportation de ses produits. Vers ce pays, comme vers d’autres destinations au sein de la Communauté, une kyrielle d’obstacles à la libre circulation des biens sont étalés par les chargeurs. Parmi ceux qui sont répertoriés par Kossy Amey Folly du Conseil des chargeurs togolais figure, en très bonne place, l’exigence d’un certificat d’origine pour des produits de l’agriculture et de l’élevage qui en sont dispensés ou de marquage des produits industriels, alors que cette pratique n’est qu’un moyen d’identification recommandé, l’origine étant attestée par le certificat d’origine.

Les opérateurs économiques togolais se plaignent également des entraves liées au transport routier en raison notamment, de la difficulté ou du faible niveau d’application de la convention Trie/Cedeao. Ce qui conduit à recourir à l’escorte jugée coûteuse, à la multiplicité des postes de contrôle.

Sur le corridor de transport et de transit international qui va d’Abidjan à Lagos, en passant par Accra, Lomé et Cotonou, les transporteurs souffrent des contrôles administratifs accompagnés de prélèvements souvent illicites, excessifs, redondants et onéreux. Même si l’option prise est des réduire leur nombre et pour cause, ces barrages impactent négativement sur le temps de traversée et le coût final des marchandises.

Solutions préconisées

Une des solutions préconisées par les Chargeurs togolais est la pose de grilles plombées sur les camions ; ce qui permettrait d’éliminer les formalités et les inspections intéressées, d’écourter le temps de convoyage des marchandises. Le problème est que la vétusté des moyens de transport utilisés les rend inaptes au plombage et au scellement douaniers, indispensables aux échanges inter-Etats.

L’état généralement défectueux et l’insuffisance d’entretien des routes handicapent également la fluidité du trafic marchandise communautaire. Surtout quand ils sont empruntés par des camions trop lourdement chargés, ainsi que le fait remarquer l’inspecteur Maboudou Akoko Koffi qui pointe un doigt accusateur vers les transporteurs ghanéens et nigériens.

La charge maximale à l’essieu est, dans le cadre réglementaire de l’Uemoa et de la Cedeao, limitée à un maximum d’environ 30 tonnes, pour la pérennité des routes ; or leurs camions peuvent porter jusqu’à 100 tonnes, l’équivalent de trois conteneurs. Non seulement cela affecte les routes, mais encore fausse la concurrence entre les ports de la Communauté, les chargeurs s’en sortant à meilleur compte en allant vers les ports anglophones. Ce qui fait dire au douanier qu’il faut impérativement harmoniser les réglementations de l’Uemoa et de la Cedeao en matière de transport.

Leur objectif n’est-il pas le même : la libre circulation des biens et des personnes à moindre coût, dans la sécurité, le confort, les délais et une ambiance de saine et productive concurrence ?

MIGRATIONS INTERNES : En attendant l’effectivité du droit d’établissement…

Abdoulaye Diop est un jeune Sénégalais. Comme beaucoup d’autres compatriotes, il bourlingue à travers le continent pour trouver un havre où il pourrait gagner sa vie décemment. Il avait, au début de l’année, quitté Dakar avec Abidjan comme première destination.

Chassé par la morosité qui étouffait l’économie ivoirienne, il est allé poser son baluchon à Accra, dans l’espoir d’y trouver son bonheur. Il a passé dans la capitale ghanéenne quelque sept mois de vaine quête de travail. Il y vivra de petits boulots et d’expédients. De guerre lasse, il a pensé qu’il ferait mieux d’aller tenter sa chance plus loin, dans une capitale francophone, à Cotonou où un cousin déjà établi l’attend.

Son droit de citoyen de la Cedeao l’y autorise. Toutefois, il avait dépassé de quatre mois son temps de séjour légalement autorisé à Accra : 90 jours au-delà desquels, il s’est retrouvé en situation irrégulière. Ce que lui fait remarquer le « constable » ghanéen sur qui il est tombé au poste frontière d’Aflao. Pour cette « grave infraction à la réglementation communautaire », il lui a fait payer une amende fixée, séance tenante, à 400.000 Cedis, environ 20.000 FCfa. Cette lourde ponction sur la maigre bourse de Abdoulaye, comme d’ailleurs tous les prélèvements faits sur les autres voyageurs, n’ira jamais dans les caisses du Trésor public ghanéen. Mais c’est cela, ou des brimades, voire des jours de prison.

Sitôt les pieds de l’autre côté de la frontière, Abdoulaye s’engouffre dans le premier taxi-brousse en partance pour Cotonou, à 150 km de Lomé, pour de nouveaux espoirs de vie meilleure sous des cieux autres que ceux de sa terre natale. Il peut avoir ses chances.

Les dispositions de la Cedeao relatives au droit de résidence et d’établissement confèrent aux ressortissants des pays membres la possibilité légale d’accéder à un emploi ou à une activité rémunératrice, sur le territoire d’un autre Etat membre. Mais faut-il qu’elles soient appliquées. Si la première étape du protocole de 1979 a été atteinte : voyager sans visa dans les pays membres pour une durée d’au plus 90 jours, avec les tracas que l’on sait, il en est tout autre de la deuxième étape relative au droit à l’emploi et de la troisième qui a trait au droit d’établissement. Faute de qualification et de papiers idoines, Abdoulaye risque fort d’aller grossir les actifs du secteur informel qui occupe la majorité des migrants internes à la Cedeao. Et même si le droit d’établissement était reconnu et consacré, ils seraient peu nombreux à pouvoir en bénéficier. Les populations ouest-africaines, caractérisées par un taux élevé d’analphabétisme, demeurent largement ignorantes des dispositions de la Cedeao.

Quand elles migrent, elles n’ont généralement pas en leur possession les documents nécessaires à leur accès en règle à l’emploi et aux activités rémunératrices, dans l’économie formelle. Quand l’offre existe… Mais les progrès qui s’accomplissent dans l’accueil et le traitement des ressortissants communautaires, même quand ils ne sont pas tout à fait en règle, confortent dans la voie choisie de l’intégration.

Au Ghana, au Togo, au Bénin comme partout ailleurs dans la Communauté, il n’est plus question d’expulsion d’originaires de tel ou tel pays membre. C’est déjà beaucoup, en attendant que le droit d’établissement devienne réalité.

SUIVI DES PROGRAMMES : Difficile d’être juge et partie…

Des Comités nationaux de suivi des programmes de la Cedeao sur la libre circulation des biens et des personnes et l’amélioration du système des transports terrestres avaient été créés, suite à une décision de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres. Une solution de rechange s’est imposée, avec les unités-pilote en expérimentation, au Togo notamment.

Les Comités nationaux de suivi des programmes de la Cedeao sur la libre circulation des personnes et le transport de biens et de marchandises institués en 2002 et mis en place un peu partout n’ont pas répondu à l’attente. Leur échec, constaté à l’épreuve des tracas que continuent de subir les voyageurs transfrontaliers, est inhérent à leur composition même.

Au Togo comme au Bénin, au Burkina Faso, au Ghana, en Guinée, au Mali, au Niger, au Nigeria, au Sénégal, en Sierra Leone où ces comités ont au moins eu le mérite d’exister, la cohabitation pouvait bien être harmonieuse entre ses différentes composantes institutionnelles. Il s’agit de la Sécurité routière, de Police, du Bureau national de la carte brune Cedeao, de la Gendarmerie nationale, de la Douane, des Transporteurs routiers et de la Cellule nationale de la Cedeao, principalement. Dans l’attelage, il s’avère d’emblée que ceux-là que les routiers appellent communément, non sans ironie, les « Pdg » - comprenez « Policiers, douaniers et gendarmes » - pouvaient difficilement être juges et parties.

« Hommes de tenue » mis à l’écart

Un membre du Comité national togolais témoigne : « A chaque fois que nous descendions sur le terrain pour une visite inopinée au poste frontalier d’Aflao ou à celui d’Hillacondji, tout y était impeccable. Les agents de la Douane, de la Police et des services de Santé faisaient correctement leur travail. Les voyageurs et transporteurs ne subissaient pas de contraintes particulières. Et pourtant… » Et pourtant, en temps ordinaires, ces derniers ne tarissent pas de récriminations à l’encontre de leurs « Pdg » pour tracas et racket. L’explication donnée et qui coule de source est que les agents en faction dans les différents postes frontaliers sont, à chaque fois qu’une descente se prépare, avertis du jour et de l’heure de la visite du Comité de suivi, pour qu’ils se tiennent à carreau. Un doigt accusateur est tout naturellement pointé sur certains membres du Comité de suivi. La Cedeao a très certainement pris acte des limites objectives - et subjectives - inhérentes à la nature et au mode de fonctionnement des Comités de suivi pris dans leur ensemble pour avoir pris, lors du sommet de Ouagadougou du 19 janvier 2007, la décision de mettre un terme à leur existence pour les remplacer progressivement par des Unités-pilote sur la libre circulation des personnes et des biens. L’on remarquera, si l’on en juge par la composition de l’Unité-pilote expérimentale du Togo, que les « hommes de tenue » ont été mis à l’écart. Y sont, en revanche bien représentées, différentes composantes du secteur privé, de la population et de la Société civile, à travers la Chambre de commerce, des députés siégeant au Parlement de la Cedeao, le syndicat des transporteurs, la Presse et les Ong.

Rien ne sera plus comme avant…

La mise sur orbite de l’Unité-pilote togolaise s’est faite en grande pompe, au poste frontalier d’Aflao, sous les yeux des agents de sécurité et de douane, comme pour dire que rien ne sera désormais plus comme avant.

L’événement a lieu en présence de la foule de tous les jours, une population qui, du matin au soir, est nombreuse à traverser ce point frontalier, pour des raisons commerciales, familiales ou autres. L’occasion a été mise à profit pour l’informer et la sensibiliser sur les droits que lui confèrent les textes de la Cedeao, mais également les obligations précises qu’elle doit respecter.

Embryonnaire, l’Unité-pilote togolaise n’avait, jusqu’en mai dernier, pas de base juridique d’intervention. Les textes devant la régir étaient dans le circuit. Ce qui fait que les deux descentes qu’elle a eu à opérer, à Aflao et à Hillacondji, n’ont pas été sans difficulté. Et pour cause. Les agents en faction à ces postes frontaliers étaient bien dans leur droit de s’interroger sur le caractère officiel et légal de leur démarche. Mais comme les constats et investigations de l’Unité n’ont de sens et de portée que s’ils se déroulent dans l’anonymat, elle n’a, en réalité, besoin que de faire reposer ses interventions sur une base légale et d’informer les autorités ministérielles de tutelle sur ses missions et prérogatives. Ce qui est maintenant fait.

De ces deux premières interventions sur le terrain découlent, non pas des demandes de sanctions - pas pour l’instant, en tout cas - mais deux recommandations néanmoins essentielles. L’une a trait à la nécessaire réduction des postes de contrôle, douanier, sécuritaire et sanitaire qui existent à Aflao pour les ramener de sept à, au plus, trois. Leur inflation actuelle est la mère de tous les abus. L’autre requête est pour que tous les agents affectés aux frontières portent des badges avec nom et matricule bien en évidence. Un bon moyen pour savoir qui a fait quoi, de dénoncer des fautes et manquements à la réglementation en vigueur, sans tomber dans la généralisation abusive. A l’Unité-pilote togolaise, comme le souligne Kassa Traoré de la Cellule nationale de la Cedeao, l’on est convaincu qu’il n’y a pas que des brebis galeuses dans les troupes. Que nonobstant les prélèvements indus, beaucoup d’agents qui officient aux frontières ne maîtrisent pas les textes de la Communauté les concernant. Ainsi, l’Unité-pilote prévoit d’engager une campagne d’information en leur faveur, tout comme elle compte faire intensément recours à la presse et à l’audiovisuel pour sensibiliser encore plus largement la population. L’intendance suivra-t-elle ? L’argent est le nerf de toute guerre ; et bien des batailles pour le développement se perdent fautes de moyens adéquats. Dans le cas d’espèce, l’on avance que le fonctionnement des Unités-pilote expérimentales a été pris en compte dans le budget de 2007. Tant mieux.



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