Abdoulaye Wade a été hué hier à Washington DC au Convention Center lors de la réunion annuelle du Black Caucus, à laquelle il a été invité pour livrer un message. Les préposés américains à la sécurité de cette rencontre annuelle sont intervenus pour calmer les manifestants, la plupart des Sénégalais vivant aux Etats-Unis. Les manifestants, dont le socialiste Barthelemy Dias ont été vidés de la salle et le chef de l’Etat a pu délivrer son message. Cela au moment où les Sénégalais de New York ruminent leur colère pour avoir été négligés au profit des militants du Parti démocratique sénégalais (Pds).
La tournée du Président Abdoulaye Wade a pris une tournure fort désagréable hier, à Washington DC. Le président de la République a été hué lors de la réunion annuelle du Black Caucus, à laquelle il a été invité, au point que les agents américains chargés de la sécurité de cette rencontre annuelle sont intervenus pour calmer les manifestants dont la majorité sont des Sénégalais résidant au Etats-Unis. «Très affecté (et) visiblement très confus» par cette «mauvaise surprise», le Président Wade s’est retiré du podium pendant une bonne dizaine de minutes, racontent des témoins. D’ailleurs, «il n’a pu reprendre le micro qu’une fois que les agents de sécurité américains eurent évacué les manifestants de la salle», selon un de nos interlocuteurs qui précise que «la manifestation a été organisée par Nouvelle vision africaine de M. Bocar Ba», présenté comme un «proche de Idrissa Seck».
Aussi notre source a-t-elle identifié parmi les manifestants Barthelemy Dias, le président de Convergence socialiste. Joint au téléphone, M. Dias qui est en visite de travail aux Etats-Unis confirme : «Nous avons organisé cette manifestation avec une structure de Sénégalais aux Etats-Unis dénommée African New vision. Nous avions jugé que ce serait une bonne chose qu’on aille manifester contre le président qui était à l’anniversaire du Black Caucus, une fondation qui regroupe les élites noires africaines en particulier les sénateurs et les congressmen.»
Ainsi, ils étaient «une bonne dizaine». Un chiffre satisfaisant pour cet opposant, étant donné que les gens sont occupés à leur travail, qu’il était pas «évident d’accéder à la salle».
Néanmoins, c’est au moment où le Président Wade, introduit par le congressmen, Payne qui dirigeait les travaux, commençait à délivrer son message que les manifestants se sont levés pour le huer, l’obligeant à interrompre son discours. Les manifestants scandaient des slogans du genre : «Nous voulons un dialogue politique ; nous voulons une Assemblée nationale légitime» ; «On veut un Sénat légitime ; Wade n’est pas un démocrate ; non à la corruption, etc.» Une protestation qui a duré moins de cinq minutes, mais qui a pu choquer le Président Wade. «Je peux dire en toute certitude que depuis que Wade est Président, il n’a jamais été affronté de la sorte», apprécie Barthélémy Dias. «J’étais avec ma pancarte à moins de 10 mètres de Abdoulaye Wade qui m’a regardé droit dans les yeux pendant au moins 40 secondes. Il savait très bien qui on était et il en était très choqué», affirme M. Dias. Effet de surprise ? Certainement. La manifestation «l’a surpris» car elle s’est déroulée devant des Sénateurs et des Congressmen américains et «c’est au moment où il a pris le micro pour chanter la démocratie sénégalaise, qu’on s’est manifesté. Il a dû quitter le podium et c’est après qu’on nous a évacués de la salle qu’il a pu reprendre son discours». En fait, les manifestants ont sorti de leurs poches des pancartes où on peut lire ; «Justice corrompue ; «Assemblée illégale», entre autres.
Par ailleurs, une fois remis de sa colère, le Président Wade a pu livrer son message. Non sans régler ses comptes avec ces manifestants. «Ces gens de l’opposition viennent de démontrer leur immaturité.» Aussi, précise-t-il «qu’il n’y a pas de prisonniers politiques au Sénégal». Et quand on le souligne au président de Convergence socialiste, il rétorque : «Il oublie quand il a manifesté contre le Président Diouf aux bords de la Seine.» Seulement cette leçon n’est pas à réciter au Président Wade. Sur une vidéo relatant la scène d’hier, on le voit faire la moue, se grattant la tête avant de reprendre la parole, sur un fonds sonore assuré par des libéraux qui criaient : «Doli niou ; Sopi» : les manifestants assure-t-il, «peuvent revenir au pays. Ils ne seront pas arrêtés. Ils le savent». En outre le chef de l’Etat d’insister pour dire qu’il leur dénie pas la liberté de manifester car, «le Sénégal est un pays démocratique. Mais ils n’ont qu’à le faire dans nos pays.»
CONFUSION ET COLERE A NEW YORK
Quoi qu’il en soit, ce ne sont pas les incidents qui ont manqué lors de cette tournée du chef de l’Etat sénégalais aux Etats-Unis où il séjourne depuis lundi dernier. En effet, après avoir pris part à la 62e session de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations-Unies, il était question que Me Abdoulaye Wade reçoive une délégation de Sénégalais vivant à New York et une autre délégation qui s’était déplacée du Canada. Ces audiences se sont terminées ce 24 septembre dans la polémique. Et depuis lors, les commentaires vont bon train à New York où les sentiments de «colère, de regret et déception» sont les sentiments les mieux partagés chez certains membres de la communauté sénégalaise. A leur avis «le Président Wade, une fois élu, montre qu’il n’a plus besoin des Sénégalais. Entre la Nation et la fraction, il choisit cette dernière qui est purement la division».
Comment en est-on arrivé là ? Ces compatriotes émigrés reprochent au chef de l’Etat d’avoir privilégié ses militants au détriment de la communauté sénégalaise de New York. En fait, il était prévu dans l’agenda du Président Wade, de concert avec Paul Badji, l’ambassadeur du Sénégal aux Nations-Unies, qu’il accorde une audience ce 24 septembre, entre 18 et 20 heures à des délégations de l’Association des Sénégalais d’Amérique (Asa), de l’Association des ressortissants de Casamance aux Usa, des dahiras mourides, tidjane, etc. Tout un beau monde à qui Cheikh Mbacké Samb, responsable fédéral du Pds à New York, a indiqué par le biais de Ibrahima Solo Diafouné président de l’Asa, à la dernière minute, que Me Wade ne recevra en fin de compte que quatre personnes. Ce qui a déclenché une polémique.
Ainsi on apprend que le président de l’Asa a fini par renoncer à l’audience, considérant que son interlocuteur était plutôt M. Badji et non M. Samb. Et selon un membre de l’Asa, «le président Diafouné s’est retiré avec les douze personnes de sa délégation. Car s’il lui était facile de choisir quatre représentants parmi sa délégation, c’est une autre affaire que de lui demander de choisir quatre personnes dans la communauté sénégalaise de New York. Il se poserait un problème de choix, de critères». Alors, dans un communiqué diffusé par une radio locale de New York, le président de l’Asa a fait état de cet incident, en précisant qu’il prend «note de la tentative de division de la communauté» sénégalaise de New York. Aussi, il «regrette et condamne» le choix du Président «d’avoir privilégié la délégation du Pds plutôt que les représentants de la communauté».
Toutefois, certains Sénégalais de New York soupçonnent des manipulations, notamment de la part du responsable fédéral Cheikh Mbacké Samb, qui auraient motivé ce revirement du chef de l’Etat dont le comportement, remarquent-ils, jure d’avec les promesses qu’il leur avait tenues lors de ses visites avant la dernière présidentielle.
0 Commentaires
Participer à la Discussion