Vendredi 26 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

Me Ousmane Ngom, ministre de l'Intérieur : ‘L'opposition a défié l'autorité de l'Etat ; les forces de l'ordre ont réagi dans les règles de l'art’

Single Post
Me Ousmane Ngom, ministre de l'Intérieur : ‘L'opposition a défié l'autorité de l'Etat ; les forces de l'ordre ont réagi dans les règles de l'art’
Le ministre de l'Intérieur a une autre appréciation des incidents survenus vendredi dernier au cours la marche organisée par l'opposition et qui a été réprimée par les forces de l'ordre. Pour Me Ousmane Ngom, les organisateurs ont défié l'Etat et les forces de l'ordre ont réagi dans les règles de l'art. Mieux, le ministre de l'Intérieur estime que cette marche n'était qu'une campagne déguisée à quelques jours de la campagne électorale.

Wal Fadjri : L'opposition réunie autour du front ‘Aar Sénégal’ a organisé ce vendredi une marche interdite et qui a été sévèrement réprimée avec l'arrestation de quelques leaders. Quelle appréciation en faites-vous ?

Me Ousmane Ngom : Je pense qu'il faut remettre les choses à leur juste place. Ce qui s'est passé ce vendredi ne peut pas être considéré comme une répression féroce d'une marche. Il s'est agi d'une dispersion d'un rassemblement interdit parce que la marche dont vous parlez n'avait pas été autorisée par l'administration territoriale. Et c'est la loi qui permet de disperser tout rassemblement non autorisé sur la voie publique. La dispersion s'est faite par les forces de l'ordre dans les règles de l'art après les sommations d'usage et un refus d'obtempérer manifeste des participants à ce rassemblement. On ne peut pas parler de répression féroce parce que, à ce jour, aucun leader participant à cette marche n'a été blessé ou victime d'un quelconque traumatisme. Même parmi les participants, peut-être certains ont dû inhaler des gaz lacrymogènes et avoir quelques malaises ou incommodations. Mais, on ne peut pas parler, à ce jour, de blessures graves pouvant permettre de dire qu'il s'est agi d'une répression féroce. Dans toutes les démocraties du monde, des manifestations interdites sur la voie publique sont quotidiennement dispersées. Et au moment même où se tenait cette marche ici au Sénégal, en Suisse qui est l'un des pays les plus calmes, les plus démocratiques, une manifestation de cette nature était dispersée par les forces de l'ordre. Et on voit tous les jours la même chose, aux Etats-Unis, en Grande Bretagne et partout ailleurs. Il faut considérer que la démocratie a ses règles qui ne s'appliquent pas de façon unidimensionnelle. C'est-à-dire qu'elles s'appliquent dans les deux sens : lorsque la loi permet certaines choses, il faut que tout le monde respecte cela. Mais lorsqu'elle interdit un certain nombre de choses, il faut que tout le monde le respecte.

Wal Fadjri : Certains participants à cette manifestation, notamment les leaders de partis, connaissent bien ces règles. Raison pour laquelle, ils clament que l'autorité n'a pas à interdire une marche et qu'une simple déclaration suffit...

Me Ousmane Ngom : Une marche, on la déclare et à la suite de cette déclaration, l'autorité administrative instruit cette déclaration pour voir si toutes les conditions sont réunies pour que cette manifestation puisse se dérouler dans les meilleures conditions, c'est-à-dire sans incidents : qu'il n'y aura pas de menace de trouble à l'ordre public ; que cette marche ne va pas créer des difficultés pour d'autres citoyens, etc. Bref, il y a des motifs d'interdiction qui sont prévus par la loi. Et lorsque ces motifs sont réalisés, cette marche ne peut pas être autorisée. En revanche, si après l'instruction qui est faite par l'autorité administrative et souvent confiée aux commissariats de police, il est clair que la marche ne crée aucun désagrément aux riverains et autres citoyens, la marche est non seulement autorisée mais elle est encadrée. C'est valable pour les marches comme pour les sit-in. Il faut qu'on soit clair. Aujourd'hui, au Sénégal, nous sommes effectivement dans un régime de liberté où le principe c'est l'organisation de la marche, des manifestations publiques et sit-in. Ces principes sont même constitutionnalisés parce que le président de la République s'est toujours battu pour l'exercice des libertés. Surtout des libertés publiques. Et c'est pourquoi, c'est lui-même qui, dans le projet de Constitution de 2001, a inscrit le droit à la manifestation, à la marche comme un droit constitutionnel. Il l'a fait inscrire au fronton de notre Constitution. Et l'article 8 de ce texte garantit, au moins, 19 libertés. Je l'appelle d'ailleurs l'article des libertés parmi lesquelles la liberté de la marche pacifique. Mais quand on parle de marche pacifique cela suppose que cette marche ait été négociée avec l'autorité administrative aussi bien par rapport à l'itinéraire, aux participants, qu'aux objectifs. A l'issue de ces échanges entre les organisateurs et l'administration, l'autorité délivre une autorisation sous forme d'un arrêté et prend toutes les dispositions avec les forces de sécurité pour que cette manifestation puisse se dérouler sans incidents. A contrario, si à l'issue de cette instruction, il y a des motifs qui font qu'elle ne peut pas autoriser cette marche, elle prend un arrêté d'interdiction et tout le monde doit s'y conformer. Car, il s'agit d'un acte réglementaire. Ce qui n'a pas été le cas la semaine dernière.

Wal Fadjri : Que s'est-il passé, alors ?

Me Ousmane Ngom : Il s'est passé que les manifestants, après avoir déposé leur déclaration et même bien avant, ont déclaré sur toutes les ondes, au niveau des médias, j'allais même dire urbi et orbi que, autorisation au pas, ils feraient la marche. Donc il ont défié l'Etat ; ils ont bravé l'autorité de l'Etat. Je pense que lorsqu'on est dans une démocratie, lorsqu'on est imbu des principes démocratiques, on ne peut pas avoir un tel comportement. On ne peut pas, au moment où on dépose une déclaration auprès de l'autorisation administrative, déclarer déjà que, autorisation ou pas, nous braverons cette autorité-là. Et c'est ce qui s'est passé. Mais ce ne sont pas ces déclarations qui ont amené l'autorité administrative à prendre un arrêté pour interdire la marche. C'est à la suite d'une instruction minutieuse qui a permis immédiatement de voir que la déclaration ne comportait pas l'objet de la marche. Ce qui est un élément fondamental. C'est ainsi que le préfet a envoyé une correspondance aux organisateurs pour leur demander de préciser l'objet de cette marche et les participants. Ils ont répondu à deux jours de la marche. Comment voulez-vous qu'à deux jours d'une marche à laquelle, selon les organisateurs, on attendait au moins un million de personnes que l'autorité administrative ait pu non seulement l'instruire suffisamment mais également prendre toutes les dispositions nécessaires pour l'encadrement de tout ce monde ? Imaginez combien de forces de sécurité cela nécessite ! Combien de dispositions il faut prendre par rapport à l'itinéraire pour détourner la circulation, pour éviter tout télescopage. Donc, matériellement cela était impossible. Il faut donc considérer que c'est en toute bonne foi que l'autorité administrative a pris la décision d'interdire cette marche. Les organisateurs auraient pu reculer la date de cette marche, choisir une autre date et donner à l'administration le temps de préparer l'encadrement de cette marche. Il faut qu'on se dise la vérité : aujourd'hui au Sénégal, l'autorisation et l'encadrement des manifestations publiques, marches et sit-in, est la règle. Alors que l'interdiction est l'exception. Ce qui n'était pas le cas, il faut le souligner, avant l'alternance. Pendant 40 ans, est-ce que vous pouvez me dire une seule marche de l'opposition qui a été autorisée et encadrée ? Jamais. Alors qu'aujourd'hui, les marches et les sit-in sont entrés dans le vécu quotidien des Sénégalais. Ce n'est pas par ce qu'il y a eu une interdiction récente qu'on oublie tout le reste. J'ai les statistiques des deux dernières années pour les manifestations publiques dans le département de Dakar réputé être l'un des plus sensibles. Ce qui veut dire que ces statistiques-là sont beaucoup plus positives pour les autres départements et les autres régions du Sénégal. Dans le département de Dakar, pour l'année 2005, 62 % des manifestations publiques qui ont été déclarées ont été autorisées et encadrées contre 38 % qui ont été interdites. Pour l'année 2006, qui est l'année qui nous concerne - jusqu'au 27 janvier 2007 - 70 % des manifestations publiques qui ont été déclarées auprès de l'administration ont été autorisées et encadrées contre 30 %. Cela fait pour l'année 2006, 132 manifestations publiques qui ont été autorisées contre 58 qui ont été interdites. Cela montre quand même, encore une fois, qu'il y a une vie démocratique très forte, très vigoureuse dans notre pays. Il y a deux fois plus de manifestations autorisées et encadrées que de manifestations interdites.

Wal Fadjri : Ce qui s'est passé n'est-il pas un précédent dangereux quand on sait que l'opposition s'est découverte une nouvelle méthode de lutte, c'est-à-dire affronter les forces de l'ordre ? Cela ne peut-il pas conduire au pire à la prochaine confrontation ?

Me Ousmane Ngom : Non, je ne pense pas. Je crois que l'opposition est une opposition responsable, elle inscrit son action dans le cadre des lois et règlements. Il peut y avoir maintenant, de temps à autre, des montées d'adrénaline ou bien des dérapages que l'on peut comprendre et que l'on rencontre dans certaines grandes démocraties. Mais, je suis persuadé qu'après une telle situation, l'opposition ou les partis politiques en général en reviennent à leur vocation naturelle : celle d'exercer leurs activités dans le cadre des lois et règlements. Surtout que ce cadre existe comme je viens de le démontrer. J'ai eu moi-même à recevoir ici des leaders de l'opposition au terme d'une marche avec leur plate-forme. Mes prédécesseurs également, ont eu, à plusieurs reprises, à recevoir des manifestants, qu'il s'agisse de partis politiques, de syndicats, etc. Nous devons donc maintenir ce cadre-là et cet échange civilisé dans le cadre des lois et règlements plutôt que de procéder à des situations de défiance vis-à-vis de l'Etat. Parce que l'Etat est là pour veiller à la sécurité des personnes et des biens, au fonctionnement régulier des institutions. Par conséquent, on ne peut pas tolérer infiniment des situations de trouble à l'ordre public et des situations de menaces sur les biens publics. Nous sommes obligés de prendre les mesures qu'il faut. D'autant plus que les mesures d'interdiction qui ont été prises ont, toujours, été motivées. Ce qui n'était pas le cas avant l'alternance où l'interdiction systématique était la règle. Des manifestations ont été par exemple interdites parce que c'était en rapport avec des affaires pendantes devant la justice. Ou bien l'itinéraire proposé posait un problème de sécurité par rapport au périmètre de sécurité. C'est le cas des gens qui voulaient manifester devant les grilles du palais. Ou bien cela posait tout simplement un problème par rapport à la mobilité urbaine. L'exercice d'une liberté ne doit pas empêcher les autres citoyens d'exercer eux-mêmes leurs libertés. Je pense qu'il y a des règles sur lesquelles nous devons tous nous entendre. Et une fois que nous nous entendons sur ces règles là, il est parfaitement possible de les assumer ensemble de façon responsable.

(A suivre) Propos recueillis par Georges Nesta DIOP



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email