PLUS LOIN… Serigne Fallou DIENG, président du Cercle des intellectuels soufis : «L’appel de Wade à ses fils prouve qu’il est fini»

Pour diagnostiquer les maux du Sénégal et situer la responsabilité des hommes politiques et des chefs religieux dans la faillite du système, Serigne Fallou Dieng, président du Cercle des intellectuels soufis a préféré écrire un livre dont la parution est annoncée pour début février. Il en donne un avant-goût et analyse l’actualité, dont les retrouvailles annoncées entre Wade et Idrissa Seck..

Vous allez publier, au début du mois de février, un livre intitulé : «L’alchimie des politiques sénégalais et la politique des détours, sur fonds de brigandages institutionnels». Qu’est-ce à dire ?

C’est une étude que j’ai faite sur les hommes politiques et l’étude est adossée sur les connaissances que j’ai d’eux et, partant de mon rapprochement avec ces derniers. J’ai confondu les opposants comme les hommes du pouvoir et je suis arrivé à constater l’alchimie des hommes politiques et la politique des détours. Le dernier feuilleton entre Me Wade et Idrissa Seck m’a donné raison, alors que le livre n’est pas encore publié. Ma position m’a permis de savoir des choses que certains hommes politiques ignorent dans leur propre milieu. Dans le livre, je reviens aussi sur les connivences délictuelles et mafieuses qu’il y a entre les hommes politiques et les religieux du pays ; sans compter la magistrature et les turpitudes de la justice. En bref, c’est une radioscopie de la scène politique sénégalaise.

Au Sénégal, on ne peut pas parler de politique sans penser aux chefs religieux. Quelle est la part que vous leur avez réservée dans le livre ?

J’ai fait une sérieuse analyse sur le comportement de tous les marabouts par rapport à la chose politique. Je n’ai épargné aucun chef religieux, qu’il soit petit ou grand. J’ai mis à nu toutes les tractations et les transactions nocturnes des marabouts, ainsi que ce qu’ils font dans les coulisses. Le livre est très fouillé et je l’ai écrit dans un français très succulent qui donne plaisir à lire.

Vous parlez de la politique et voilà que le président de la République appelle Idrissa Seck à revenir auprès de lui. Comment vous analysez cette nouvelle situation ?

Tout le monde savait que j’ai soutenu Idrissa Seck. D’ailleurs, Cheikh Béthio Thioune l’avait attaqué et personne n’avait eu le courage de lui apporter la réplique ; c’est moi qui l’avais rappelé à l’ordre. Cela ne veut pas dire que je croyais en Idy, car je ne crois pas qu’il soit plus instruit que moi ou qu’il ait plus de culture et d’imprégnation que moi. Seulement, depuis l’Alternance, le gouvernement de Wade s’est illustré dans le favoritisme, le clientélisme et les détournements à grande échelle. Il faut se rappeler que c’est Wade qui avait accusé Idrissa Seck de voleur. Et ce dernier de répliquer que sa relation avec Wade est comme celle entre le vice et la vertu, la tortuosité et la droiture. Maintenant, si leur rencontre permet de faire éclater la vérité sur les accusations et contre-accusations, je n’y vois aucun mal.

Mais, je n’ose pas croire que Idrissa Seck aura l’audace se présenter de nouveau devant les Sénégalais pour leur dire qu’il retourne travailler avec Wade qu’il avait présenté comme un mal à extirper du pays. En effet, le cas de Idrissa Seck n’est que la face visible de l’iceberg, car l’on voit tous les jours des hommes politiques se dédire sans scrupule. Donc, le Sénégal est victime de ses hommes politiques et de ses religieux. En tout cas, le duo Wade-Idy tue le Sénégal. Le pays n’y trouve aucun intérêt.

Selon vous, quelle est la solution ?

L’expérience de Wade doit nous servir de leçon. Je présente Me Wade comme un Don Juan qui a courtisé le Sénégal et l’a séduit par sa communication. Le peuple l’a suivi avant de se rendre compte qu’il n’est pas celui sur qui il faut compter pour régler les problèmes des Sénégalais. A part les déclarations d’intention, le pays ne bruit que par des séries scandales : les 6 milliards de la Sonacos, les milliards des licences de pêche où Abdoulaye Baldé est cité, ceux des chantiers de Thiès ou de Nicosie. Voilà un partage de gâteau au moment où le front social s’embrase avec la flambée du prix du gaz et de l’électricité.

En effet, si Wade croit compter sur Idrissa Seck pour gagner les élections, il se trompe lourdement. S’il n’instaure pas un système de fraudes, il va perdre les élections quels que soient les gens avec qui il va s’allier.

Pour vous, quels sont les maux du Sénégal ?

L’on note au Sénégal, depuis quelque temps, l’émergence de lobbies politico-religieux. Je tiens à signaler que l’appel de Wade en direction de ses anciens fils est la preuve qu’il est en fin de règne. Même dans la tradition, un père en agonie essaie toujours de rassembler ses enfants. Mais, Idy doit savoir que la tortuosité qu’il a toujours bannie n’est pas un modèle à offrir à nos enfants. Car, je me plais de lui rappeler ses mots : «Allah n’aime pas les traîtres.» Le plus grand mal du Sénégal, c’est l’instauration d’une mafia politico-juridico-religieuse. Il y a un lobby mouride et le lobby tidiane va naître ; et tous veulent le contrôle du pouvoir. Wade est un mouride qui est en fin de règne, Idrissa Seck, qui aspire à contrôler le pouvoir, est un tidjane. Il faut réfléchir sur cela. Bien qu’il y ait un bluff consistant à aller rendre compte à Serigne Saliou, le problème est là. Serigne Saliou ne sait rien sur ce que ces gens font. De même, à mon avis, Robert Sagna incarne le lobby catholique. D’ailleurs, c’est dans cet ordre que j’inscris l’action de Landing Savané, qui a acheté une maison à Touba pour donner l’impression de prendre la relève du lobby mouride dans la bataille pour le contrôle du pouvoir.