POSTURE - Remue-ménage éventuel dans le Pds : Le cas Macky Sall

Les audiences accordées par le président de la République à trois éléphants de la famille libérale dont Idrissa Seck mettent en relief le statut de Macky Sall. Après le combat à mort mené contre son prédécesseur pendant plus de deux ans, le Premier ministre aurait tout à gagner à réclamer une autre légitimité à Me Wade. Mais il doit oser la démission.

Les Sénégalais se souviendront encore longtemps de l’histoire des Chantiers de Thiès, de l’arrestation de Idrissa Seck suivie de son incarcération et des conditions rocambolesques ayant présidé à son élargissement de la prison centrale de Rebeuss. Par cette affaire, le pays a vécu une page dramatique de son histoire politique, institutionnelle et financière. Si cette affaire de Thiès a pris des proportions à la fois grotesques et gigantesques, c’est que la politique s’en est mêlée. A fond. A cette occasion, la Présidence de la République et certains de ses démembrements, l’Assemblée nationale et de hauts responsables du Pds ont mobilisé afin que la machine judiciaire désigne le coupable idéal nécessaire et l’envoie entre quatre murs. Pour sept mois. Ce combat à mort entre wadistes et seckistes, violemment mené par le camp présidentiel souvent hors ou à l’extrême limite de la légalité, n’a jamais préfiguré de retrouvailles possibles entre le président de la République et son ancien Directeur de cabinet. Or, l’initiative en a été lancée par Me Wade au sortir de son audience avec Idrissa Seck. En attendant que la répartie du maire de Thiès complète le scénario à une «date ultérieure».

Mais ce qui dérange dans la démarche du chef de l’Etat, ce n’est pas tant son envie de recoller les morceaux éparpillés de sa «famille originelle». Ça passera ou ça cassera. Ce qui sent le soufre, c’est la posture dans laquelle il enferme ses principaux collaborateurs. Il est permis en effet de s’interroger sur ce que doit être l’attitude, en particulier, de Macky Sall dans une telle situation. Premier ministre encensé par le chef lui-même pour la «conduite exemplaire» imprimée aux grands travaux du président de la République, souvent loué pour sa «retenue» et sa «loyauté», Macky Sall apparaît aujourd’hui comme le dindon de l’initiative présidentielle après que lui et les autres responsables du Pds ont dû faire face à la plus grande distorsion politique que leur parti ait connu depuis 1974. Sans être forcément le perdant dans ce remue-ménage, le chef du Gouvernement ne peut plus se prévaloir de l’entière confiance du président de la République à son égard. Tenu à l’écart du «complot» de Palais de lundi même s’il dit en avoir été informé avant son départ pour l’Italie, humilié par l’acte posé par son chef en direction de son pire ennemi politique, M. Sall se trouve ligoté dans ses petits souliers parce que, dans le Pds et dans l’Etat, Me Wade reste le pilier. Sa marge de manœuvre apparaît donc très réduite, si elle n’est pas nulle, dans un dossier où le Président Wade privilégie l’action solitaire sécurisée.

Devant un désaveu d’une telle ampleur sur une affaire grossière, l’attitude politique responsable pour Macky Sall n’est sans doute pas le refuge dans la méthode Coué. Sans défier Abdoulaye Wade à travers une offensive politique dont il n’a pas les moyens, il lui est indispensable de poser, à son tour, un acte fort qui fasse écho auprès du chef de l’Etat. Le Premier ministre, fragilisé mais pouvant compter sur le soutien non négligeable d’une bonne frange du parti libéral, se donnerait une nouvelle légitimité à l’orée d’une élection présidentielle que l’on dit hypothétique. En cela, une démission de ses fonctions actuelles ne serait pas un suicide : elle constituerait au contraire une initiative stratégique fondamentale qui le replacerait au cœur de la démarche présidentielle. Son atout : l’absence chronique d’un substitut crédible à sa personne à l’intérieur de la famille libérale. Mais cela n’est possible qu’avec du cœur et de la confiance en soi. La peur de perdre n’est jamais un allié idéal dans une galaxie en mouvement perpétuel comme celle pilotée par Abdoulaye Wade.