Pour amener Idy à rembourser : l'Etat prend Nafissatou DIOP en otage

Après l'échec de la piste de l'‘engagement financier’, la botte secrète du président Abdoulaye Wade pour contraindre Idrissa Seck à lui rembourser les fonds qu'il l'accuse d'avoir détournés, consiste, cette fois, à mettre en jeu la carrière professionnelle de Me Nafissatou Diop. Ainsi, Me Wade veut pousser l'ancien Premier ministre à choisir entre sa carrière politique et celle professionnelle de sa notaire.

Elle s'est révélée être un cul de sac la piste de l'‘engagement financier’ qu'aurait pris Idrissa Seck par le truchement de sa notaire, et dans lequel il aurait décidé de rembourser les fonds politiques dont le président Wade l'accuse de détournement. Me Nafissatou Diop n'a pas cédé à la pression et a maintenu, mordicus, même devant les limiers de la Division des investigations criminelles (Dic), que le document brandi par le président Wade était un faux. Des propos qui seront confortés par ceux de Me Pape Sambaré Diop qui a déclaré aux enquêteurs n'avoir jamais vu, encore moins authentifié, un tel document qui ne figure nulle part au rang de ses minutes.

Mais, c'était sans compter avec la détermination de Me Wade à mettre la main sur ces fonds qui troublent son sommeil.

Infatigable, tel Sysiphe et son rocher, il prend le parti d'explorer une autre voie. La botte secrète du chef de l'Etat consiste, cette fois, à mettre en jeu la carrière professionnelle de la notaire d'Idrissa Seck en la faisant traduire devant la commission de discipline. Parce que dans cette affaire se jouent deux destins : la carrière professionnelle de Me Nafissatou Diop et celle politique d'Idrissa Seck. Autant la première risque de perdre ses charges de notaire si l'ancien Premier ministre refuse de remettre à Me Wade les fonds qu'il lui réclame, autant le second met en danger sa carrière politique s'il vole au secours de sa notaire en se soumettant à la volonté du chef de l'Etat. En effet, si Idrissa Seck rembourse, même un centime, il peut mettre une croix sur sa carrière politique. Parce qu'il aurait avoué à la face des Sénégalais avoir détourné de l'argent, ainsi que Me Wade l'en accuse. Si, dans le cas contraire, l'ancien Premier ministre refuse de rembourser ces fonds, c'est Me Nafissatou Diop qui passe à la trappe. C'est devant ce dilemme cornélien que le chef de l'Etat a placé Idrissa Seck.

L'ancien Premier ministre cédera-t-il à la pression ? Il aura du mal, en tout cas, à tirer d'affaire sa notaire, dont le sort semble être scellé. Eu égard à la composition de la commission de discipline devant laquelle elle est traduite, ses chances sont faibles. Me Nafissatou Diop fera face, mardi prochain, au Premier président de la Cour d'appel, Cheikh Tidiane Diakhaté et au président du tribunal hors classe de Dakar, Lamine Coulibaly. Grimace de l'histoire : le premier est le président de la commission d'instruction qui était chargée d'instruire dossier d'Idrissa Seck au niveau de la Haute Cour de justice, le second avant d'être nommé procureur de la République, puis à son poste actuel, était, aussi, membre de ladite commission. Mais, ce qui est tragique dans cette affaire, c'est qu'au moment où Diakhaté, Coulibaly et les autres instruisaient le jour, Me Nafissatou Diop négociait la nuit avec l'avocat de l'Etat, Me Ousmane Sèye, pour sortir Idrissa Seck de prison.

Aujourd'hui, la notaire se retrouve en face de ces deux magistrats dans un autre dossier dont les imbrications avec celui dont ils ont en charge au niveau de la commission d'instruction ne font aucun doute : dans les deux cas, l'ancien Premier ministre est la cible principale. Ils devront alors faire montre de rigueur professionnelle pour ne pas tomber dans le piège de la confusion. Les autres membres de la commission de discipline sont le procureur général qui représente le parquet général, donc le ministère de la justice et le président de la République, et un notaire choisi parmi ses pairs. A cela, s'ajoute le fait que les statuts des notaires ne prévoient pas de recours au cas où l'un d'eux est condamné par la commission de discipline.

Face à un tel dispositif, on voit mal comment Me Nafissatou Diop pourrait s'en tirer si le ministre de la Justice réclame sa tête. A moins que le collectif d'avocats qu'elle est en train de mettre en place ne décèle des failles dans la procédure à même de l'extirper du bourbier. Mais, si ses bourreaux s'obstinent à l'envoyer à la potence, Me Nafissatou Diop va grimper dans l'échelle d'estime des Sénégalais pour avoir refusé de trahir un ami. Déjà, hier au tribunal, où elle était passée pour récupérer, en compagnie de son avocat Me Dior Diagne, le dossier à charge, c'est une foule spontanée de sympathisants qui s'est créée autour d'elle.

Pour sa part, Idrissa Seck aurait échappé à une énième tentative de Me Wade de mettre fin à sa carrière politique. Par contre, ce serait un échec de trop pour ce dernier qui a du mal à prouver l'origine des milliards dont il accuse son ancien Premier ministre d'avoir détournés. Parce que les fonds politiques ne dépassent pas 625 millions de francs Cfa par an.