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Politique

RÉFLEXION : « A propos des livres du Président » • Par le Professeur Iba Der THIAM

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RÉFLEXION : « A propos des livres du Président » • Par le Professeur Iba Der THIAM

Chaque individu interprète les faits, dont il a connaissance en fonction de son niveau de compréhension et de sa sensibilité personnelle. Il y a, là, une loi universelle, qu’on retrouve sous toutes les latitudes.

Il est, par ailleurs, loisible à chacun de constater qu’un évènement majeur suscite, toujours, des interprétations différentes, selon la chapelle à laquelle, appartient celui qui juge, analyse ou apprécie.

L’annonce que le chef de l’Etat du Sénégal a faite, à son retour de vacances, relative aux trois ouvrages, à la rédaction desquels, il a consacré une partie de son temps, a donné lieu à quelques réactions politiciennes au sein d’une certaine classe politico-médiatique, qui s’est, toujours, distinguée par son obstination à dénaturer tout ce que le leader de l’Alternance fait ou envisage de faire.

C’est son droit.

Une démocratie véritable doit s’accommoder de la diversité des idées et du pluralisme des visions.

Cela est sain, à la seule condition de ne pas en faire un exercice de négationnisme systématique, qui pourrait, si l’on n’y prend garde, développer, à terme, une culture de l’obscurantisme, du nihilisme ou de l’immobilisme.

En invitant l’intelligentsia africaine dans sa préface au célèbre livre du sémillant Théophile Obenga (L’Afrique dans l’Antiquité), à ne jamais être absente des cercles et des débats, « où se scelle le destin du monde », l’inégalable Cheikh Anta Diop traçait les paradigmes d’un viatique fort, dont il souhaitait armer les consciences de l’Afrique et de sa Diaspora, pour le présent et pour le futur.

Ecrire un livre n’est, jamais, un acte gratuit. Le faire paraître, par voie de publication, non plus.

Celui qui écrit un livre, tout comme celui qui l’édite, diffusent, chaque fois, une pensée. Celle-ci n’est, jamais, neutre.

Elle renferme, toujours, un message explicite ou implicite et, comme tel, agit sur les esprits de ceux qui le lisent.

Dans un espace planétaire, où ce sont les idées qui gouvernent le monde, l’Afrique et sa Diaspora doivent participer à la bataille qu’elles se livrent, parce qu’elles structurent nos esprits, façonnent nos comportements, formatent nos manières de vivre, d’être et de paraître.

C’est parce que Platon nous a laissé « La République », sous la forme d’un grand dialogue philosophique, en 10 livres, que le concept de justice a révélé son importance dans les relations sociales et sa fonction philosophique, politique et morale, dans l’ordonnancement de la société et dans la vie en communauté.

Beaucoup se sont inspirés des idées contenues dans cette œuvre. Certains l’ont, même, élevée au rang d’un credo, qui inspire et détermine chaque étape de leur activité existentielle.

Le monde arabe n’aurait pas été ce qu’il est, s’il n’avait pas donné à l’humanité, le prophète Muhammad (Psl) et ses quatre khalifes Rachidounes, les œuvres du Sociologue Ibn Khaldoun, la pensée du Khalife Al Mamoune de Bagdad, le traité d’Astronomie de Fargham, celui d’Ibn Mahjid sur la navigation maritime, le traité d’Algèbre d’Omar Khayyam, sans parler de la pensée et de l’action d’Haroun Rachid.

Combien d’esprits ont été marqués par « Le Prince » de Machiavel, ce classique de la littérature politique, qui a, au XVIème siècle, alimenté les prises de position les plus controversées, allant de l’exaltation la plus béate, au dénigrement le plus implacable.

Il n’empêche que cette oeuvre produite entre le mois de juillet et le mois de décembre de l’année 1513, formate, encore, les comportements et les démarches de nombre d’hommes politiques sur les questions traitant de la gouvernance locale, ainsi que des jeux et enjeux du pouvoir.

Dans le Soudan nigérien, le Tariq El Fattach, comme le Tariq El Sudan et, avant eux, la Charte de Kurukan Fugha, ont, sans conteste, marqué, durablement, les esprits et des contemporains et des générations futures.

Si Montesquieu n’avait pas, dans « L’esprit des Lois », compilé l’expérience qu’il a accumulée, au terme d’une vie de méditation, de voyages, de découvertes, de dialogue avec d’autres et de lectures riches et variées, pour en tirer 31 livres sur les interrelations des lois avec les Constitutions, les normes de gouvernance, l’état d’esprit des populations, les données du climat, les principes régissant le commerce et la population des entités politiques visitées, son œuvre magistral n’aurait pas exercé l’influence déterminante qu’elle a eue sur la doctrine devenue, aujourd’hui, universelle d’un gouvernement fondé sur le principe de la séparation des pouvoirs.

On ne dira, jamais, assez l’influence que Hamlet et Shakespeare (1604), Don Quichotte, De Servantès, publié, un an plus tard, « le Discours de la Méthode » ont marqué et continuent de marquer les esprits des élites et des peuples.

On peut en dire autant du Code Civil de Napoléon.

Si l’Amérique Latine s’accroche, aujourd’hui, encore, au mythe bolivarien, après la destruction des écrits Maya et Inca, par des conquistadors belliqueux, c’est pour ne pas perdre son âme dans un monde, où chaque peuple cherche, désespérément, son identité.

C’est à travers sa pensée, transcrite dans des livres, que Karl Marx a armé le prolétariat mondial d’une théorie de libération, qui a donné naissance à la Révolution d’Octobre et modifié le cours de l’Histoire de 1917 à 1989.

Le Magistère que le Mahatma Gandhi a exercé sur son peuple et sur toute l’humanité non violente est, aujourd’hui, une force morale capable de vaincre les ennemis les plus farouches.

Il trouve ses racines dans les valeurs ancestrales du Ramayana, du Bhagavad-Gita et des mythes qu’ils charrient, pour les dépasser, par un effort de renoncement à l’usage pernicieux de la force.

Mao Tsé Toung, à travers ses livres, a armé le grand peuple de Chine, d’une idéologie de l’engagement politique, du travail, de la discipline et de l’effort permanent dans l’unité, la responsabilité, qui l’a élevé au rang d’une des références les plus admirées dans le monde actuel, idéologie trouvant, sa source dans la philosophie du Yang et du Yin, ainsi que dans la doctrine du Tao et du Marxisme.

Le Peuple Noir d’Afrique et de la Diaspora, à l’époque moderne, s’est, lui aussi, doté d’une âme, à travers les écrits et les paroles de Toussaint Louverture, Pétion, Dessalines, Firmin, Price Mars, Henri Sylvester Williams, Dubois, Booker Washington, Marcus Garvey, George Padmore, Kwame Nkrumah, Léopold Sédar Senghor, Sir Tafawa Balewa, Julius Nyerere, Jomo Kenyatta, Cheikh Anta Diop, Abdoulaye Wade, sans parler de la FEANF, etc.

Avec eux, le Panafricanisme devient un levain puissant, qui arme la conscience de millions d’hommes et de femmes.

Il transforme, déjà, l’avenir de la planète et va, indubitablement, le changer davantage, dans les toutes prochaines années.

A l’heure où la dernière religion révélée est malmenée, travestie et assimilée au terrorisme ; au moment où on assiste à la montée fulgurante de l’islamophobie, du racisme, de l’exclusion, alors que la finance islamique vient de prouver la pertinence de la religion musulmane et son efficacité opérationnelle sur les mécanismes financiers et économiques, ainsi que sur la crise mondiale en cours, réfléchir sur cette thématique, pour armer les générations actuelles et futures, des arguments qui leur permettent de participer à l’amélioration de la marche du monde, à la moralisation de l’économie, à l’humanisation des rapports sociaux et à la réconciliation entre les classes sociales, les producteurs et les consommateurs, les chefs d’entreprises et les ouvriers, n’a pas de prix.

De même, fournir aux intellectuels africains, du continent et de sa Diaspora, le viatique indispensable, pour faire de la constitution des Etats unis d’Afrique, la priorité des priorités, est un devoir capital, je devrais, même, dire une mission historique et sacrée, qu’on doit inscrire au premier rang des urgences, dans un continent qui, malgré ses 53 Etats, ses 30 millions de kilomètres carrés, la possession du tiers des ressources naturelles du monde, peine, encore, à retrouver ses marques, à cause de l’extrême dispersion de ses forces et de l’interférence négative des forces extérieures adeptes de la politique consistant à diviser pour régner.

Si le président Wade, parce qu’il en a les moyens, se fait le devoir de faire connaître son avis sur les débats qui se mènent autour des thématiques, que je viens d’évoquer, en forçant crânement la Cour des Grands de ce monde, où aucun médiocre ne peut pénétrer, notre pays tout entier devrait en être fier.

Je sais, parfaitement, qu’il existe des personnes qui n’ont aucune ambition pour le Sénégal, aucune ambition pour l’Afrique, aucune ambition pour le monde noir.

Ils se prélassent dans la nonchalance, la médiocrité, le sous-développement intellectuel, la vision dérisoire d’eux-mêmes, la honte de leur race, le mépris de leur culture.

Ces gens-là comptent, aussi, parmi les forces rétrogrades, parce qu’ils tuent l’initiative, anesthésient la créativité scientifique et la réflexion et découragent tous ceux qui ont la volonté et le courage d’entreprendre.

Ils retardent le Sénégal. Ils sont les alliés objectifs du système colonial, qui nous considérait comme de simples consommateurs d’idées, comme des gens dont la race n’a apporté aucune contribution au patrimoine de l’Universel. Ils sont, sans le savoir, les continuateurs militants des thèses de Gobineau, d’Hegel et autres intellectuels, théoriciens de l’infériorité des Noirs.

S’il y a « un monstre » dans notre pays, j’ai la conviction profonde, que, c’est bien celui-là.

 

Par le Professeur Iba Der THIAM

Agrégé de l’Université

Docteur d’Etat

Ancien ministre

Député à l’Assemblée nationale



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