Reflet : Dansokho, ambassadeur de la discorde

C'est un secret de Polichinelle : les relations entre le président sénégalais, Abdoulaye Wade, et son homologue ivoirien, Laurent Gbagbo, ne sont pas des meilleures. Mais, ces derniers temps, il y a eu un léger mieux dans les rapports entre les deux chefs d'Etat. Mais, voilà qu'Amath Dansokho, dans une longue interview accordée à notre confère ivoirien, Fraternité Matin, vient de mettre le pied dans le plat. Avec des mots empruntés au langage de caniveau, il traite le président Wade de tous les noms d'oiseau. Certes, Dansokho nous a habitué à tancer le chef de l'Etat sénégalais envers qui, il soutient pourtant n'avoir aucun problème crypto-personnel, mais force est de reconnaître qu'il est allé, cette fois-ci, trop loin. Il se serait attardé sur des attaques ad hominem contre Me Wade, qu'il traite de ‘despote’, de ‘jaloux’ en clouant au pilori les tares qu'il lui reconnaît dans sa gestion de l'Etat, le débat serait classé dans le placard des diatribes politiques.

Pourtant, les critiques d'Amath Dansokho, aussi trempées dans du vitriol qu'elles soient, ne manquent pas de pertinence. Il a souvent mis le doigt là où ça fait mal, posé les questions qui fâchent. Ce qui lui a valu la sympathie d'une bonne partie de la population sénégalaise.

Mais, pour cette fois, ce serait faire preuve de cécité et de mauvaise foi que de ne pas reconnaître que Dansokho a fait une embardée monstre, qu'il a dérapé plus que de raison. Il s'est posé en ambassadeur de la discorde au lieu de prêcher pour la paix. Non content d'envenimer les relations personnelles, pas au beau fixe il faut l'avouer, entre Me Wade et Gbagbo, le leader du Pit a jeté du sable dans les relations diplomatiques entre le Sénégal et la Côte-d'Ivoire dont la machine grésillait déjà. Même la France n'échappe pas à la furie d'Amath Dansokho. Visez ses propos : ‘Il (Me Wade : Ndlr) a fait une intermédiation, il a manipulé la résolution pour couvrir l'agression de la France contre la Côte d'Ivoire. Il n'a jamais voulu de Gbagbo’. ‘Il a une haine pour la Côte d'Ivoire’, insiste-t-il, avant de déclamer ce qu'il croit être la raison de cette ‘aversion’ de Me Wade envers la Côte d'Ivoire et son président. ‘Parce que c'est un petit type, un despote, il est jaloux’, balance-t-il sans appel. Dansokho ne s'arrête pas en si... mauvais chemin.

A la lecture de ses propos, la question qui vient légitimement à l'esprit est celle de savoir si Dansokho a pris la pleine mesure des conséquences que pourraient avoir de tels propos. Des milliers de Sénégalais vivent en Côte d'Ivoire, et ce n'est pas leur rendre service que de créer une crise diplomatique entre les deux pays. Les Sénégalais ont encore en mémoire le tragique conflit avec le voisin mauritanien. Pareil scénario entre le Sénégal et la Côte d'Ivoire serait catastrophique.

L'amitié entre Gbagbo et Dansokho est proverbiale et date de longtemps. Mais suffit-elle, à elle seule, pour justifier la sortie du leader du Pit ? Ce serait faire preuve, de sa part, de narcissisme qu'on ne lui connaissait pas. Y aurait-il alors d'autres motivations que viennent trahir les déclarations de Dansokho ? Seul le leader du Pit peut répondre à cette question ou le temps qui, dit-on, est seul juge.