On en sait un peu plus sur les raisons de la brouille entre Me Wade et Idrissa Seck. L’affaire des 40 milliards de francs Cfa que le Président réclame à son ancien Premier ministre en est la cause. En effet, le partage de cette somme a conduit à la détérioration des relations entre les deux hommes. Cela, après que le fils a joué un tour à son père.
A sa conférence de presse de jeudi dernier, comme à Touba, le président de la République, Me Abdoulaye Wade, s’est beaucoup appesanti sur la somme de 40 milliards de francs Cfa que son ancien Premier ministre et adversaire politique, Idrissa Seck, a placé à l’extérieur. Et d’exiger que cette somme soit rapatriée. En faisant cette révélation, Me Wade s’est gardé d’évoquer l’origine de cette fortune. Comment un Premier ministre peut mettre la main sur une telle somme après avoir passé moins deux ans à la Primature ? Par quel procédé Idrissa Seck a pu disposer de cet argent alors qu’il n’est pas habilité à ordonner des décaissements au Trésor public ?
A ces questions, des sources très au fait de l’histoire de cet argent apportent des réponses. Non sans revenir sur toutes les tractations autour de cet argent. «Ces montants ne sont pas tirés des fonds politiques car, même si Me Wade arrivait à rester 40 ans à la tête de l’Etat, les budgets cumulés des fonds politiques ne feront pas la moitié des 40 milliards», précise-t-on. Cette précision tient de «la volonté du chef de l’Etat de brouiller les pistes et de limiter les enquêtes,, si l’on sait que les fonds politiques sont exempts d’investigations». En effet, l’on jure que «ces 40 milliards constituent la pomme de discorde entre les deux hommes. C’était le butin à se partager». Un de nos interlocuteurs explique que «cet argent provient d’une opération qui liait les deux anciens complices. Après avoir récupéré la somme, M. Seck exigeait alors que l’autre partie de la somme détenue par un proche de Me Wade soit aussi présente». Cette exigence n’ayant pas été satisfaite, le maire de Thiès refuse de verser l’argent. Et survient le clash.
A en croire les confidences de nos sources, les maintes tentatives du Président de faire revenir son Premier ministre à de meilleurs sentiments sont restées vaines. «Une situation qui a agacé Me Wade au point que leurs relations en pâtissent.» D’ailleurs, l’on lie ce fait à «la répression inintelligente exercée sur M. Seck. Laquelle répression l’a conduit en prison sous le prétexte de l’affaire des chantiers de Thiès et du délit d’atteinte à la sûreté de l’Etat». Mais, Idy ne rompt pas. En effet, nos interlocuteurs poursuivent, contrairement à la déclaration de Me Wade selon laquelle Idrissa Seck lui a demandé de l’aider à sortir de prison, «c’est plutôt, le chef de l’Etat qui a délégué son avocat, Me Sèye, pour proposer à M. Seck son élargissement de prison contre le partage des 40 milliards. Une offre que ce dernier accepte». D’où le protocole de Reubeuss par lequel l’ancien Premier ministre consent à verser la somme de 14 milliards de francs Cfa en deux tranches sous le couvert des fonds politiques.
ACCORDS SECRETS
Mais, d’autres sources soufflent que l’accord scellé entre les deux hommes bute sur la mauvaise volonté de Idrissa Seck de respecter les termes de l’accord, malgré la patience de Me Wade. «C’est à la suite de la déclaration de candidature de l’ancien Premier ministre à la présidentielle de 2007, le 4 avril 2006, que le Président a commencé à douter de la sincérité de son fils putatif», rapportent-elles. Les actes posés par M. Seck laissent apparaître son intention de ne pas rapatrier les 40 milliards de francs Cfa, objets de la brouille. Et d’ajouter que ce surplace s’est poursuivi jusqu’à ce que le porte-parole du Khalife général des Tidjanes, Serigne Abdoul Aziz Sy junior, offre sa médiation à la suite de Me Mbaye Jacques Diop. En effet, «la réussite de cette médiation de Junior s’explique par la bonne volonté affichée par Me Wade de renouer les fils du dialogue avec Idy dans le seul but de relancer le débat relatif aux 40 milliards de francs», déduit-on.
Par ailleurs, des sources résument que l’essentiel des discussions a porté sur ce sujet. «Une brèche dans laquelle Idy s’engouffre pour réclamer ses passeports bloqués depuis des mois. Car, il fait savoir à Me Wade ne pas pouvoir rapatrier l’argent en restant au Sénégal. De même, il a profité de sa position de force pour libérer ses amis détenus en prison». Et d’exiger d’être blanchi par le Président qui lui a demandé de renoncer à sa candidature et de retourner au Pds. «Me Wade nourrit l’espoir de retrouver, enfin, «son» argent et de se départir de son adversaire politique. Mais, la sortie de Idrissa Seck sur les ondes de Sud Fm, le dernier vendredi de la campagne électorale, fond l’espoir». Idrissa Seck avoue, implicitement, s’être joué de Me Wade pour régler ses problèmes. Et de déclarer la rupture définitive avec Me Wade. «Il s’en suit une colère noire de ce dernier contre son ancien complice qui ne pose aucun acte allant dans le sens de respecter le deal de partage des 40 milliards de francs Cfa.» Sinon, «pourquoi Me Wade est-il resté tout ce temps sans rien dire et attendre ce moment pour réclamer 40 milliards à Idrissa Seck ?», s’interrogent nos sources. Celles-ci attirent d’ailleurs notre «attention», sur une phrase prononcée par Wade au détour de sa conférence et qui traduit toute l’ampleur de son amertume, de sa désolation, précisément lorsqu’il affirme : «Nous nous retrouvons devant Dieu».
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